On a discuté avec le musicien bisontin Elie Scholer (aka EUE, membre du label La Boocle), à l’origine de la compil’, afin d’en savoir plus sur la genèse du projet et la situation là-bas.

Modern Stalking Audio, basé à Kharkiv (2ème plus grande ville d’Ukraine) est un label comprenant des musiciens de différents horizons et univers musicaux. De la France à la Biélorussie en passant par l’Italie, la Belgique ou l’Amérique du Nord, ils sont axés sur la musique expérimentale, le trip-hop, le dub, en développant une ambiance psychédélique et un truc bien mutant. 

Comme on le sait tous, Poutine a pété un câble ces derniers temps et fait tout exploser. Malheureusement, ça impacte énormément la population. Les acteurs de ce label, qui ont tout fait pour faire bouger la scène musicale de ce pays à l’aide de concerts ces dernières années, se voient obligés de quitter leur ville. Une compilation a été créée pour collecter des fonds et pour aider leurs familles. 

Le visuel de la compilation support modern stalking audio family

Toi tu as sorti de la musique avec le label Modern Stalking Audio ?

Oui, c’est un label d’amis maintenant, avec qui on a bossé plusieurs fois, on a sortis des EP avec eux et on a été invités à jouer là-bas et faire des collabs. Maintenant on est présent sur la compil’.

Comment as-tu rencontré les gens du label ?

Moi c’était via l’intermédiaire d’autres amis qui sont partis jouer là-bas. Je ne sais même plus comment le premier des copains s’est connecté avec eux. Je ne sais pas si c’est le hasard algorithmique qui a fait que les ukrainiens sont tombés sur le projet d’un des copains et qui nous a ensuite contacté. On est aujourd’hui au moins 5 ou 6 français a avoir été invités à jouer en Ukraine depuis qu’ils organisent des soirées, avec des Allemands, des Italiens, des artistes qui font de l’électro, de la bass-music mais pas que…

Comment vous est venue cette idée de compilation ?

Lors de la première semaine de conflits, on a passé 2-3 jours à chercher le moyen de leurs faire des virements bancaires. Il y a plein de trucs qui ne marchaient plus : PayPal, Western Union. Il a fallu qu’on passe par leur graphiste qui réside à Moscou. On lui a envoyé des euros pour qu’il les convertisse en roubles, puis il a pu leur faire un virement. C’était tout un bazar mais maintenant il y a Wave qui marche bien. Le seul problème c’est qu’on a pas des ressources illimités non plus donc on a demandé aux copains là-bas pendant la première semaine comment on pouvait les aider. Est-ce qu’ils veulent qu’on les rapatrie en France ou qu’on leur envoie de l’argent ? La plupart ne veulent pas spécialement quitter le territoire et les hommes entre 18 et 60 ans n’ont pas le droit de partir. Ils veulent fuir les grandes villes, Kharkiv notamment où nos amis sont, pour aller se cacher à la campagne. Ils nous ont dit « merci c’est gentil mais on reste ici. On a notre famille qui est là qui ne va pas partir mais par contre si vous nous envoyez de l’argent ça peut nous aider à survivre ». Les thunes récoltées grâce à la compilation sont un complément de ce qu’on a pu leur envoyer.

Ceux qui ont participé à votre compil’ c’est vos potes à l’internationale ?

Pas nécessairement. Sur la compilation on est 5 ou 6 artistes à avoir été invités à jouer là-bas avant la guerre et le reste c’est notre réseau, nos amis musiciens. On leur a dit qu’on a ouvert une invitation sur les réseaux sociaux, qu’on cherche à monter une compil’, et que s’ils avaient des morceaux finis ou presque finis dont ils ne savaient pas quoi faire, ils pouvaient nous les donner pour qu’on puisse les mettre en vente sur Bandcamp et alimenter le fundraising qu’on a mis en place. On a eu 28 morceaux d’amis musiciens dont certains ne connaissaient pas spécialement la team d’Ukraine et qui voulaient aider un petit peu à leur manière comme plein de gens autour de nous qui demandent ce qu’ils peuvent faire pour aider.

Le concept a été monté avec tout le monde ?

L’invitation était très ouverte il n’y avait pas de limite de style ou de niveau. On est parti du principe que plus on est nombreux, plus on pourra partager ça et avoir de l’impact même si c’est un impact qui est tout petit. C’est assez frustrant dans un sens de se dire qu’on peut aider qu’un nombre très restreint de personnes mais ça a quand même permis à quelques personnes de quitter les grandes villes ou de subvenir à leurs besoins. 

Est-ce que vous comptez faire un disque ?

Au départ on a uniquement fait un SoundCloud et un Bandcamp et depuis quelques jours, la compil’ est disponible sur toutes les plateformes de streaming. Tous les sons ne sont pas sur ces plateformes pour ne pas trop détourner l’attention du but principal. On privilégie les ventes sur Bandcamp

Voici le lien pour aller voir la compil’ et en savoir plus sur ce fundraiser : https://biglink.to/support-modern-stalking-audio-family

Texte : Zoé Charrier // Photo : DR