On peut dire que Dirishu6, groupe dijonnais de qualité, et le Singe en hiver, bar dijonnais bien connu par les amateurs de bière, ont au moins une chose en commun : c’est qu’ils se sont pris le COVID en pleine poire. Après avoir essuyé les plâtres pour le concert d’ouverture du Singe en hiver, c’est à dire à peu près deux jours avant sa fermeture forcée par la pandémie, la formation shoegaze revient, deux ans plus tard ; plus forte, plus entraînée, prête à en découdre pour leur release party. Ok deux ans, c’est long mais, quand on aime, on sait patienter.

Une interview menée de front avec nos confrères et amis de Radio Dijon Campus.

Qu’est-ce que ça signifie pour vous une release party ?

C’est mettre en avant un CD ou un EP par exemple l’EP qu’on a sorti chez Hidden Bay Records parce qu’il est sorti en juin 2021 et que l’on n’a pas pu faire de concerts entre temps. Ce qui est assez inédit c’est qu’on va jouer quasi aucun de nos morceaux de l’EP mais plutôt du prochain album.

Ce que vous expliquez, c’est qu’il y a un décalage temporel entre le moment où vous le sortez, l’écrivez et puis vos prochaines envies ?

Voilà exactement.

Du coup cet album est un peu perdu dans l’espace-temps parce qu’en fait on le dit quand on sort un disque il nous appartient plus normalement, on en a déjà plein les pattes, on l’a joué, rejoué, on le défend un peu en live mais on pense déjà à l’avenir. Celui-là vous ne l’avez pas vraiment défendu en live donc il est un petit peu perdu dans l’espace?

Oui c’est ça, après on l’a quand même défendu en 2019, 2020 juste avant de l’avoir enregistré. On a fait peut-être 4 ou 5 concerts où on a fait quand même pas mal des morceaux de l’EP et notamment au festival Novosonic et à la Vapeur où on a enregistré des morceaux en captations…

Du coup c’est un disque qui est plutôt dans l’air du temps puisque vous l’avez défendu en live vidéo finalement…

Voilà exactement. Du stream live en direct à l’Athéneum.

Donc je vous repose à vous deux la question, ce soir ça correspond à quoi ? Ou en tout cas la sortie de ce disque à vous 2 autres membres Dirishu6 ça correspond à quoi ?

Ça correspond à une envie de jouer déjà en premier, parce que ça fait, comme beaucoup de groupes, longtemps que l’activité s’est arrêtée. On s’est retrouvé avec un disque qu’on n’a pas vraiment pu défendre jusque-là. On n’allait pas répéter les morceaux pendant un an à vide. On pourrait, on peut toujours s’améliorer, mais nous on avait envie d’avancer donc en fait sur ce laps de temps-là, cet espace mort, on s’est retrouvés avec beaucoup de morceaux en stand-by ou en attente d’être joué. Une accumulation qui est devenue un dilemme. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on joue des anciens morceaux ? Est-ce qu’on joue des nouveaux morceaux qu’on a préparé ?

Donc vous avez tranché : on joue des nouveaux morceaux parce que l’histoire elle continue malgré tout.

Oui c’est la décision que l’on a prise.

L’aventure Dirishu6, ça a musicalement beaucoup évolué tout en restant la même, on est sur des sonorités très guitare noisy. On est toujours, Olivier, sur ton chant en français mais malgré tout les choses se peaufinent, on l’entend sur l’EP : tu assumes de plus en plus ton chant en français, il est mixé un peu plus devant, on entend du coup ces intonations, on entend aussi que la guitare a de plus en plus sa place, la batterie aussi bien évidemment. Bref, parlez-nous de ce mix, c’est un magma sonore qui est surement compliqué à assumer entre shoegaze, noise, chanson française, choses atmosphériques, planantes et très dissonantes.

Oui on essaye de mélanger des choses qui sont un peu inmélangeables, ce que beaucoup de monde nous dit. C’est-à-dire qu’on essaye de faire quelque chose qui n’a jamais vraiment fonctionné en France. Cette espèce de mélange de musique indie, ce qu’on appelle la musique indie-rock qui vient d’Angleterre et le chant en français qui s’est imposé tout naturellement depuis un petit moment. Et c’est vrai qu’on navigue un peu entre mouvements un peu plus atmosphériques et puis un chant qui ne dit pas grand-chose en apparence.

Le sésame en forme de K7 sorti chez Hidden Bay Record

Tu parles d’aquarium quand même par moment, tu ne peux pas dire que tu ne parles de rien (rires).

On vous suit depuis un petit moment, on est passé d’un vaisseau amiral Dirishu6 que toi tu faisais tout seul Olivier avec une voix bien planquée dans le mix, bien dans le fond qu’on ne distinguait pas trop, à un truc un peu plus léché avec une voix bien distincte. Est-ce que vous êtes allés plus loin dans la chanson “pop” sur les nouveaux morceaux ? ou alors justement peut-être vous avez déjà trouvé votre son avec cet EP et juste continué à développer un peu ce langage là ?

Oui c’est ça, c’est la continuité on essaye de faire des choses un petit peu plus instrumentales mais qui sont dans la logique du premier enregistrement à 3 et qui tente de mélanger des éléments… D’ici à dire de la chanson française je n’irais pas jusque-là…

Olivier tu as un background musical qui est assez riche et dans lequel tu dois avoir quelques références où tu vas piocher pour assumer cette position de chanteur en français avec des guitares…

Oui c’est vrai mais en fait il y a beaucoup de références quand on va chercher, alors il ne faut pas aller chercher des noms et les mettre dans des boîtes comme ça. Y’a des morceaux, je pense à Daho, qui peuvent sonner très rock. D’ailleurs Daho c’est quelqu’un qu’on a un peu de mal à cataloguer, est-ce qu’il fait du rock ? est-ce qu’il fait de la pop ? est-ce qu’il fait de la chanson ? Voilà c’est pour ça que c’est quelqu’un qui m’intéresse beaucoup qui est à la croisée de plein de choses et qui navigue entre plein de choses, et puis après Manset aussi on peut aller chercher pareil, alors pas tous les morceaux, c’est pareil faut aller puiser dans les albums. Nous on essaye d’avoir une unité parmi tout ça, toujours à 3 sans tomber forcément dans des codes.

On essaye de faire quelque chose qui n’a jamais vraiment fonctionné en France

Quentin t’as ton mot à ajouter ?

Je pense qu’il y a plus de cohérence aussi, la cohérence s’est affinée avec le fait que ça fait plus longtemps qu’on se connaît donc c’est plus naturel. Moi c’est ça que je trouve assez cool c’est que je n’ai pas l’impression que l’on met des mots sur la recherche, ça se fait assez naturellement. Il y a beaucoup de propositions d’Olivier, de Thaï aussi dans les nouveaux morceaux donc en fait on en a composé pleins mais c’est vrai que l’EP a un peu débloqué ça je pense. Maintenant ça s’enchaîne, c’est fluide.

Ça veut dire que ça a changé dans la composition ? Olivier, toi tu composais seul à l’époque, ça a changé ? Est-ce que ça négocie le bout de gras en salle de répétition ?

O : C’est vrai que la façon de composer maintenant a un petit peu évolué par rapport au premier EP. C’est beaucoup plus commun, moi j’apporte beaucoup moins de choses, la façon de faire se fait un petit peu plus en répèt. Il y a toujours une proposition au départ de quelqu’un mais disons que la construction se fait plus dans le fait de jouer ensemble, c’est moins quelque chose d’imposé, de rigide au départ que l’on doit suivre.

Q : C’est vrai que quand on a commencé c’était vraiment à partir des démos d’Olivier donc nous on suivait les démos, on avait quand même la part de liberté évidemment, et là c’est vrai qu’on se corrige plus mutuellement, il y a un côté où chacun va avoir des suggestions sur ce que fait les autres dans le bon sens du terme.

A quand l’album ?

Le premier EP était enregistré mixé masterisé par notre cher Arnaud que je vais « bigupper » (c’est un verbe) et qui fera le son ce soir. Il vient d’emménager dans une nouvelle maison où il a aménagé un tout nouveau studio et où on va pouvoir faire l’enregistrement là-bas et pourquoi pas retenter l’aventure avec lui. Parce qu’il a les mêmes références musicales que nous.

M : Donc c’est quand il aura fini la peinture (rire), il est en train de mettre du lino et puis c’est bon.

Ouais je vais lui donner des coins pour insonoriser les murs (rires).

Propos recueillis par Martial Ratel et Frank Le Tank