Ichon s’est fait connaître avec son ancien groupe de rap Bon Gamin, aujourd’hui il taille sa route en solo, entre pop de lover et Hip Hop de coquin. Pour la première édition de l’Extra Festival de La Vapeur de Dijon, on l’a rencontré entre deux courses de lenteur à vélo et tout un tas d’autres activités autour de l’éco-mobilité sur l’esplanade de La Vap’

Interview en partenariat avec Radio Campus Dijon

T’es invité à l’Extra Festival de La Vapeur pour présenter tes classiques mais surtout ton dernier album Encore plus vrai, en sachant que ton album précédent s’appelait « Pour de vrai ». Il y a quoi qui est encore plus pour de vrai ?

Le nombre de chansons (rires). C’est l’extension de ce temps que j’ai voulu passer pour me concentrer sur moi-même, après avoir sorti cet album qui me confrontait au monde et la réalité.

Pourquoi avoir fait un remastering de Pour de vrai et pas avoir sorti un album ? “Encore + pour de vrai” est-ce que ça parlait d’une envie d’être encore plus aligné avec la personne que t’es ?

Dès que j’avais commencé à faire Pour de vrai, j’avais le rêve de faire un vrai album et pour moi j’avais l’impression qu’une extended version c’était encore plus un vrai album. Quand j’étais plus jeune j’écoutais des albums et souvent il y avait des rééditions, je trouvais ça trop classe, du coup pour moi c’est ça un Encore + Pour de vrai album.

©Fred Perez

Très rapidement tu évoques ta jeunesse. C’est quoi tes grandes inspiquand t’étais plus jeune ?

Les premières chansons que je chantais en croyant être un chanteur dans le préau de l’école, c’était Corneille. Son album avec « Avec Classe », c’est ma première vraie inspiration. J’ai l’impression aujourd’hui que je me rapproche de plus en plus de lui mais sinon j’écoutais du rap. Mes premières inspirations dans le rap c’était Oxmo, Disiz, Booba, comme beaucoup, les classiques.

Tu fais beaucoup de métaphores dans tes textes. Tu parles souvent de la météo avec tes ressentis. Alors aujourd’hui comment tu te sens, c’est quoi ta météo ?

Ma météo est la même que celle de la ville de Dijon en ce moment, c’est tout ensoleillé. Franchement, je suis comblé en ce moment, je suis très heureux. C’est parce que je fais ce que j’ai envie de faire, je suis à ma place. Le soleil va avec, il partira bien entendu. J’aurais à nouveau des doutes quand il faudra faire mon prochain album.

Aujourd’hui dans la prog’ de La Vapeur on te range dans de l’électro pop mais pendant longtemps t’as été rappeur, du moins on t’a rangé dans la catégorie hip-hop. Tu voudrais te situer où ?

Dans la musique du monde je crois. J’ai envie de faire tellement de variété de sons, j’ai tellement de diversité à vouloir rencontrer la musique dans le sens large. On a tous évolué avec le rap et le rap peut être tellement de choses. J’ai la chance maintenant d’être rangé un peu partout. Mon souhait c’est d’étendre encore plus ma couleur.

T’as élargi ta palette musicalement, comment t’es passé de cette catégorie rap à un style plus pop ? Est-ce que t’as une approche un peu plus instrumentale ?

Complètement. J’ai eu la volonté d’apprendre à chanter, à me servir de mon instrument en fait. Je commençais à m’ennuyer et à tourner en rond dans la manière que j’avais de travailler donc j’ai voulu apprendre à jouer du piano. Les premières fois où je me suis retrouvé devant un piano j’étais submergé de possibilités. Maintenant je fais les deux, je chante au piano et j’en fais des chansons.

T’as commencé le piano il n’y a pas très longtemps, c’était obligatoire pour toi cet instrument et pas un autre ?

Quand on voit les pianistes dans les films ou autre, c’est tellement impressionnant. J’aurais pu choisir la guitare, mais j’ai eu un truc avec le piano comme une madeleine de Proust. En réalité, je prenais des cours de piano quand j’avais 6 ans mais j’ai retenu que Frères Jacques et je n’y allais jamais. C’est en revenant que je me suis dit qu’il faudrait peut-être que je me mette à travailler, parce que tout ce que je faisais avant c’était de l’intuition.

Mon souhait c’est d’étendre encore plus ma couleur.

Tu sembles apporter beaucoup d’importance à l’esthétique des choses, que ce soit vestimentairement parlant ou au niveau de tes clips. Quelle est cette relation que t’entretiens avec ça et comment ça peut évoluer dans le futur ?

J’apporte de l’importance à l’esthétique mais, maintenant que j’ai compris où est-ce que j’avais envie d’aller, j’essaye surtout de ne rien faire pour l’esthétique mais plutôt pour le fond. Aujourd’hui avec Pour de vrai j’avais envie de ne mettre aucun artifice, de ne mettre aucune étincelle. Je voulais que la magie sorte de la vérité et de ce qu’on fait vraiment, ce sont ces traits-là que je vais continuer de tirer. Je recherche, je regarde, on verra.

©Fred Perez


Est-ce qu’il se passe encore des choses avec Bon Gamin ?

Il y a des anniversaires, des dîners, des vacances, c’est une histoire de famille avant tout, Bon Gamin. Je n’oserais pas dire qu’il se passera des choses musicalement. En tout cas, chacun fait son truc. Je sais que Myth Syzer est derrière un ordinateur au moment où je vous parle. Lov’ est derrière un micro et des platines. Il y a mon petit frère qui est en train d’arriver très fort aussi. Il y a Ciryl Gane le boxeur de MMA champion du monde, au moins il y a ça. Maintenant dans la réunification de la musique, c’est un peu plus complexe parce qu’on a tous les trois dû trouver notre place personnellement, c’est ce qui nous a plus ou moins empêché de faire ce truc ensemble mais en vrai il n’y a rien qui nous en empêchera.

Comment tu bosses tes collab’ que ce soit avec Myth Syzer ou Yzeult, comment ça se passe ? Est-ce que vous êtes tous ensemble en studio, vous composez ensemble ?

C’est au moment où j’ai voulu me retrouver seul pour apprendre à faire des trucs et être plus autonome que justement je me suis écarté de Syz’ pour me retrouver avec des musiciens et des personnes qui pouvaient m’emmener là où j’avais envie d’aller. Dont PH Trigano, Dabeull, Sofiane Pamart, Max Baby… C’est dans ce sens-là qu’on compose tous ensemble de la musique. Yzeult c’est le hasard de la vie qui a voulu que je tombe amoureux d’elle, et j’avais envie qu’elle vienne défendre mon propos dans un des clips qui était « Noir ou Blanc ». C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est rencontrés.

J’aurais pu choisir la guitare, mais j’ai eu un truc avec le piano comme une madeleine de Proust.

Dans une interview pour Le Monde en 2020 t’expliques que dans ton parcours, quand t’étais plus jeune, t’as dû adopter les codes de la bourgeoisie pour mieux t’y intégrer. Est-ce que t’as commencé par le hip-hop parce que tu te sentais moins légitime d’aller vers d’autres courants artistiques qui t’étaient peut-être moins accessibles ?

Non, c’était ce que j’écoutais, ce que je faisais. J’avais des potes qui rappaient, je rappais avec eux et voilà. C’est le truc le plus accessible au monde j’ai envie de dire. Il ne suffit pas de grand chose pour rapper, il suffit d’un stylo, d’un papier et d’une instru. À l’époque il y avait beaucoup d’instrus dans les CD, c’était hyper accessible, c’est ce qui est venu à moi. Ce serait mentir de dire que ce n’était pas accessible pour moi parce que comme je le disais, à 6 ans j’ai eu des cours de piano et j’y allais pas (rires) et encore plus maintenant. Aujourd’hui la musique est encore plus accessible. On peut faire du piano sur un ordi. Je ne saurais pas dire qu’on ne m’a pas donné la chance de faire ce que je voulais. C’est moi qui ai fait ce qui était autour de moi.

©Edouard Barra


Je je ne garde rien pour moi, j’essaye juste de ne pas dire de conneries.

Pour ton dernier album tu as créé tout un métrage pour suivre tes aventures jusqu’à la création du clip de C’est pas le moment. C’était quoi l’important pour toi ? De saisir ce qui s’apparente plus à des moments de vie qu’un film hyper scénarisé ?

C’est exactement ça. Moi je veux donner la vie, je veux partager la vie, je veux rendre tout réel. Quand j’étais petit j’étais fan de Michael Jackson mais en même temps j’avais peur de lui, de son image, j’avais l’impression que c’était un extraterrestre et au final c’est un gars qui a beaucoup travaillé mais ça mettait des filtres à tout ce qu’il y avait derrière. Moi ce dont j’avais envie c’est de donner tout ce qu’il y a derrière. C’est ça qui me touche, les aspérités, ce qu’il se passe au début, c’est ça que j’aime montrer.

Est-ce qu’on va pouvoir te voir au cinéma un jour ? Est-ce que ça t’intéresse ?

Tu vises juste. En vrai il y a déjà un premier film qu’on a fait avec mon ami Hugo Magein. C’est un genre de docu-fiction qui raconte un peu la création, le mental dans lequel j’étais quand j’ai fait Pour de vrai. Vous verrez, je vais pas trop vous en dire, j’ai envie que chacun interprète le truc. C’est pas du tout un docu où on me voit en train d’être au studio, c’est vraiment à l’intérieur. J’aime beaucoup jouer, j’aime beaucoup écrire et oui j’espère peut-être qu’un jour je trouverai les rôles qui m’aideront à raconter ce que j’ai envie de raconter dans mes chansons.

Propos recueillis par Maia et Iliana Panier // Photos : Fred Perez et Edouard Barra