Pour sa saison estivale, le Musée Comtois de la Citadelle de Bezac’ met en lumière les arts du spectacle de rue franc-comtois. Des expos et balades nocturnes font la part belle à de nombreux circassiens du territoire et de leur mode de vie hors du commun, emmené par l’historique Cirque Plume. On est allé visiter les deux expos temporaires “Saltimbanques !” et “Plume, l’éternité du saut périlleux” puis on s’est même posé, assis en tailleur, pour discuter avec Bernard Kudlak, le co-fondateur du Cirque Plume.

À l’entrée de la Citadelle au Hangar aux Manoeuvres, on tombe sur l’exposition “Plume, l’éternité du saut périlleux” qui est une rétrospective de l’aventure qu’a été le Cirque Plume entre 1984-2020. Le Cirque Plume, c’est tout simplement une compagnie Franc-Comtoise qui a été à l’origine d’un nouveau genre artistique : le nouveau cirque, ou le cirque moderne, comme tu veux. Ça a révolutionné le cirque dans les années 80. Ce cirque est un mélange de plusieurs pratiques artistiques combinées, ayant un fil rouge entre tous les spectacles pour raconter une histoire de façon poétique. Et on oublie tout de suite le dressage des animaux. La compagnie est connue internationalement mais a un fort attachement à sa terre natale : la Franche-Comté. C’est d’ailleurs leur territoire qui leur donne de l’inspiration et un certain nombre de thématique qu’on retrouve au travers de leurs représentations (l’eau et la nature, la mythologie avec Bacchus, des éléments de décors trouvés dans les forêts de la région…).

Cette exposition se vit comme une déambulation contemplative, entourée des panneaux photographiques consacrés à l’exposition retrospective du Cirque Plume de 2020 à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, on trouve également ici les objets, costumes, musiques, éléments de décors, des textes et poèmes de Bernard Kudlak. La collecte des objets présentés dans cette expo à été un long travail : « À la fin du Cirque Plume en 2020, on a dû débarrasser les hangars, y’avait un bordel incroyable. C’est comme ça qu’on a commencé à faire un travail de collecte et de sauvegarde des pièces de la compagnie avec le Musée Comtois. » nous explique Bernard Kudlak.

Au centre du Hangar aux Manoeuvres est installée le Pendulum, une installation hypnotisante inventée par le machiniste Yan BERNARD, qui figurait dans le spectacle qui explorait la thématique du temps « Tempus Fugit ? ». Ce Pendulum c’est un truc de fou que même moi j’ai du mal a expliquer. En gros, c’est une adaptation visuelle des harmoniques musicales, sous forme d’énormes gouttes d’eau suspendues qui se balancent à des rythmes différents. C’est absolument à aller voir.

Plume, l’éternité du saut périlleux” permet de dire au revoir au Cirque Plume suite à une dernière tournée nationale annulée pour cause covid. Mais aussi et surtout de rendre hommage à Robert MINY, le compositeur et maestro du Cirque Plume qui a disparu il y a 10 ans cette année. Il y a donc un fort accent sur la dimension de cirque musical dans cette exposition, sachant que la musique dans le Cirque Plume est une énorme partie du job, des instruments et inventions d’instruments sont donc ici mis en avant.

« À la fin du Cirque Plume en 2020, on a dû débarrasser les hangars, y’avait un bordel incroyable. C’est comme ça qu’on a commencé à faire un travail de collecte et de sauvegarde des pièces de la compagnie avec le Musée Comtois ».

Pour continuer cette approche immersive et sensible, la seconde expo temporaire “Saltimbanques !” retrace des parcours de vie hors du commun d’artistes de rue originaires de Franche-Comté, du 19ème siècle jusqu’à nos jours, qui ont participé à la reconnaissance de ces arts. Au travers de 5 espaces thématiques (la rue, la foire, le chapiteau, la route et le festival) le visiteur est invité à s’interroger sur la professionnalisation des arts de la rue et l’héritage qu’il en reste aujourd’hui. Il y a un focus sur les années 70 – 80, étant une période de renouveau des arts de la rue. L’expo dresse alors des portraits des artistes de rue de l’époque et leurs styles de vie insolite et marginale. On retrouve par exemple des accessoires et costumes de la famille Pagnozoo de cirque équestre dans une ambiance fête médiévale.

Cette expo porte le nom de “Saltimbanques”, bien que ce terme soit tombé en désuétude, le Musée Comtois voulait le remettre à l’honneur. Quand on évoque ce terme, il a une connotation péjorative avec cet aspect de voleur de poule… mais le saltimbanque est avant tout un artiste de rue et comme cette pratique se fait de moins en moins, les gens ont tendance à l’oublier.” nous explique Aurélie Carré, conservatrice en chef du patrimoine au Musée Comtois. D’ailleurs, Bernard Kudlak fait un retour dans le passé et nous explique ses débuts : « Nous dans les années 70-80, post-68 en fait, on s’est tous creusés-là, à vouloir repousser les limites, en refusant tout lien avec l’État. J’ai vu du cirque très tardivement dans ma vie, c’était en 75 la première fois que j’en ai vu. Puis on a commencé à faire du cirque en faisant la manche l’été ».

L’expo-collecte parle de cet univers consacré aux arts de la rue par la découverte de cette période qui a drainé pleins d’artistes utopistes et en marge de la société. Il y a au sein du Musée cette envie de remettre au goût du jour cette dynamique qui a été très puissante en Franche-Comté.

Eh oui, ce n’est pas une simple exposition mais bien une expo-collecte, c’est-à-dire que ce n’est uniquement que des objets de musée mais aussi des prêts liés à un travail participatif avec des artistes de rue. On retrouve donc des maquettes et pleins d’autres objets et accessoires créées par des saltimbanques.

Pour faire une pause dans cette expo mais tout en continuant de découvrir la place du spectacle de rue en Franche-comté, on peut mater un court-métrage qui comporte les témoignages des artistes ayant gravités autour du Théâtre des Manches à Balais, du Cirque Plume, du Cirque Pagnozoo et même Hubert Félix Thiéfaine. Aurélie Carré nous précise un peu comment les choses ce sont orchestrées : « Suite à une proposition de donation de la part du Théâtre des Manches à Balais au Musée Comtois, nous avons eu l’envie de travailler davantage sur la collecte de mémoire. C’est à partir de là qu’est née l’idée d’un documentaire en enregistrant les témoignages de cette époque avec Bernard Kudlak, Guy Boley, Thiéfaine…« .

« Nous dans les années 70-80, post-68 en fait, on s’est tous creusés-là, à vouloir repousser les limites, en refusant tout lien avec l’État. J’ai vu du cirque très tardivement dans ma vie, c’était en 75 la première fois que j’en ai vu. Puis on a commencé à faire du cirque en faisant la manche l’été ». 

Jusqu’au 6 août à la tombée de la nuit, allez voir les Balades Nocturnes « Les Mots de Plume », qui est une création originale à l’initiative de l’Après Plume avec Bernard Kudlak et de la ville de Besançon. L’Après Plume c’est l’association qui fait suite au Cirque Plume, née de la volonté de Bernard Kudlak afin de transmettre l’héritage artistique de la compagnie, qui se traduira notamment par la création d’un Grand Livre du Cirque Plume.

Bernard Kudlak nous en parle un peu plus : « Les balades existent chaque année à la Citadelle, mais c’est la première fois que ce format-là est proposé car il s’agit d’une création originale de l’Après-Plume, qui a un sens avec le cadre magnifique et plein d’histoire qu’est le site de la Citadelle ». Pour distinguer le fait qu’il ne s’agit pas du Cirque Plume, Bernard Kudlak a travaillé sur les mots, ses textes et poèmes puis il a fait appel à d’anciennes Plumes (mais pas que !) pour participer à la création des balades. Bernard confie même que : 

L’après-Plume c’est l’esprit du Cirque Plume qui résonne encore un peu, en quelque sorte« .

Les balades partent de l’exposition “Plume, l’éternité du saut périlleux » au Hangar, un peu comme si l’exposition partait se balader dans les lieux de la Citadelle. Ces balades nomades nous invitent à se déplacer dans les différents lieux de la Citadelle, ponctués par des éléments de cirque qui se mêlent à la danse, la musique et l’art du théâtre pour un moment poétique.

La saison estivale autour des arts du spectacle de la Citadelle est ponctuée d’ateliers découvertes, de spectacles et cinéma en plein air où sera projeté le film sur le Cirque Plume. Et t’as jusqu’au 1er octobre pour aller voir ces expo !

Texte : Maïa // Photos : Citadelle de Besançon / Photo en une : M. Berthet