Tout d’abord connu en tant que peintre dadaïste, Man Ray (ou Homme-Rayon en français), de son vrai nom Emmanuel Ratnitzky, est surtout célèbre pour ses photographies surréalistes par la technique de solarisation. Jusqu’au 30 septembre, l’exposition-hommage Les Instigatrices de Man Ray prend place sur les murs de la Maison pour l’Image et la Photographie de Besac.
Pour la première grande exposition estivale de la MIP, Patrice Forsans le directeur artistique tenait à faire revivre ces œuvres et ces Instigatrices dans son bistrot culturel, plutôt que dans un musée des beaux-arts. L’exposition regroupe 53 tirages argentiques estampillés Man Ray et dans toute l’œuvre de l’artiste, Patrice a choisi Les Instigatrices, soit uniquement les portraits des femmes qui ont traversé la vie de Man Ray d’une manière ou d’une autre. On retrouve aussi bien des portraits de la fameuse Kiki de Montparnasse, Ady, Juliet, Lee Miller, mais aussi des icônes comme Coco Chanel, Catherine Deneuve…
Man Ray est une référence incontournable de la photographie surréaliste, alors qu’il a toujours souhaité être peintre. Ses débuts aux États-Unis en tant que peintre dadaïste connaîssent un flop mais c’est à Paris, haut lieu des arts lors des années folles, entouré de Marcel Duchamp, Paul Eluard, Louis Aragon, André Breton, dans les bars de Montparnasse, qu’il réussit a trouver sa place en tant que portraitiste. Pour ce peintre défenseur de l’art moderne, la photographie est alors une nouvelle forme d’expression.
À l’époque de l’entre-deux-guerres, à Paris où l’envie de légèreté émane et où l’euphorie règne dans les années 20, les surréalistes partaient du réel pour parler du rêve. « Je trouve que l’exposition et cette vision se rapprochent de l’actualité. Cette recherche de rêverie, de liberté et de légèreté avec la guerre en Europe aujourd’hui, l’inflation, la crise sanitaire. La MIP, s’est aussi de proposer un lieu qui fasse du bien, où on s’évade un peu. » Explique Patrice.
Cette exposition part de la volonté de mettre en avant non seulement le regard d’un homme mais aussi ces instigatrices, ces femmes qui étaient indépendantes, libres et qui le revendiquaient dans les années 1920 à 1930. D’où la volonté d’inscrire sur l’affiche de l’exposition tous les vrais noms et pas seulement les surnoms de toutes ces femmes. Car elles avaient un rôle, elles étaient elles-mêmes artistes et avaient besoin de retrouver leurs libertés. « Cette vision des femmes à travers l’oeil de ce surréaliste était souvent un regard amoureux, bien que Man Ray n’était pas un homme à femme. » Précise Patrice.
Des œuvres emblématiques de l’artiste surréaliste sont exposées, dont « Le Violon d’Ingres » réalisé en 1924. Une œuvre qui lie photographie et peinture pour faire du corps de Kiki de Montparnasse un violon. C’est une Image-jeu-de-mot que tu peux te procurer pour la modique somme de 12,4 millions de dollars, soit la photo la plus chère de l’Histoire du marché de l’art. L’expression « avoir un violon d’Ingres » c’est l’idée d’avoir un hobby que tu ne maîtrises pas, qui vient de l’artiste-peintre Ingres qui adorait le violon mais en faisait très mal. Selon Patrice « Cette photographie de Kiki de Montparnasse, figure de la femme indépendante, en violon c’est cette idée de la femme que Man Ray n’arrive pas a maîtriser ». Comme une vision idéale d’aller fantasmer, érotiser et d’aller au-delà du rêve. Lui, d’une manière plastique et visible de ses nues, portraits, corps, peut-être que le réel ne lui suffisait pas. « Étant très sensible à la photographie et au sujet sur les femmes, c’est une expo-hommage à toutes ces femmes qui ont bouleversé la donne, qui ont créé, qui ont su renverser la vapeur à l’époque où c’était hyper difficile. Et un hommage à l’homme libre qu’était Man Ray. Il se foutait de tout et a enfreint toutes les règles de l’art, donc j’adore ça. » Souligne Patrice.
La technique de solarisation est la marque de fabrique de l’artiste, bien que ce procédé ait été découvert de façon accidentelle par son amante et assistante Lee Miller. Cette technique permet d’inverser les tons et de redessiner les contours du sujet. Ces constructions-là apportent des formes et des lectures différentes, il y a quelque chose de très graphique plutôt que photographique, d’où ce lien qu’il avait avec la peinture. C’est quelqu’un qui ne s’est pas cloisonné dans un art, il fait parti des premiers plasticiens. Il a osé et n’avait pas de frontière et il a eu cette démarche toute sa vie.
T’as jusqu’au 30 septembre pour aller voir cette expo en libre accès à la MIP, 2 place Marulaz.
Texte et propos recueillis : Maïa // Photos : © Man Ray / © MIP