Entre les mélodies orientales et les gros enchainements de basses qui démolissent des brushings, Zaatar a décidé qu’il n’y avait qu’un pas. De son prénom Marie-Myriam, on a rencardé la DJ lilloise qui a mis tout le monde d’accord lors de son set d’ouverture à l’aéroport de Longvic pour le SIRK Festival.  

Ton nom de scène, Zaatar, c’est une épice du Maroc, c’était important d’avoir tes origines dans ton nom ou tu kiffes juste la bouffe marocaine ?

J’ai choisi mon nom de scène quand j’étais en confinement à Berlin, j’habitais là-bas, et je ne pouvais pas rentrer au Maroc, tout était fermé. Je suis allé commander à manger chez des Syriens et ils avaient un pain au zaatar. Et au Maroc, le zataar c’est pas un plat, ce sont juste des épices, c’est le thym. Et ça m’a tellement rappelé mon pays que je suis rentrée et je me suis dit que je m’appellerai Zaatar. Le coup de foudre.

T’as passé ton enfance au Maroc, t’es allé à Berlin puis tu es venue en France. Ces différents pays ont influencé ton travail ?

Le Maroc m’a influencée intrinsèquement, je peux pas mettre de degré car c’était inconscient. C’est à Berlin que j’ai découvert la musique électronique. Avant, c’était très annexe, j’aimais beaucoup la new wave et la cold wave et c’est en allant à Berlin que je me suis rendue compte qu’il y avait ces sonorités-là dans les soirées techno. C’est une scène qui est née en même temps que mon intérêt avec des gens comme Curses et Pablo Bozzi qui ont créé quelque chose qui va être un mix entre des groupes comme Boy Arsher, un groupe cold wave et des sonorités technos, et ça a direct répondu à mes goûts. Je me suis lancée là-dedans, en faisant pleins de recherches sur les labels qui produisaient ce genre de musique.

« En tant que femme, il faut être irréprochable techniquement. »

Cold wave, new wave et t’aimes aussi beaucoup l’EBM : pour les rookies de ce langage tu nous expliques un peu ce que c’est et pourquoi tu aimes ce style ?

L’EBM est arrivé après ma passion pour la new wave. New wave, c’est très heureux, tu penses à des titres comme Take on Me de A-ha, c’est la soirée entre potes très festive et heureuse. La cold wave, c’est le côté plus dark. Et quand tu tombes encore plus dark et agressif, tu as l’EBM. J’ai aimé ce timbre grésillant et ultra sombre.  

Tu fais partie d’un collectif de meufs DJ, Laisse Tomber Les Filles, en résidence actuellement au bistrot Saint-So à Lille, ça se passe comment ?

On est super fières de voir des filles qui jouent à Lille. La semaine dernière, y’a eu 3 soirées avec que des line-up féminins, donc c’est extraordinaire. C’est ce qu’on voulait ; montrer que dans les line-up, t’as pas que 100% de garçons et que parfois tu peux avoir même 100% de filles. C’est l’idée de renverser la tendance pour parvenir à la parité.

Heureusement, on voit qu’il y a beaucoup de programmateur.ices qui intègrent plus de meufs dans les line-up. Est-ce que chez certain.es, tu sens que c’est plus par obligation que par vrai intérêt artistique ?

Est-ce que des meufs sont intégrées pour des quotas ? Je pense que oui. Est-ce que c’est un problème ? J’ai décidé de ne pas trop y réfléchir, de simplement l’accepter. Je me dis que si on m’invite à jouer, je prends. Je ne me pose pas la question de savoir si je suis dans un quota qui va rapporter des subventions… Si tu commences à réfléchir, tu rentres dans un système très féminin qui dit que tu ne mérites pas d’être là. Faut aller de l’avant et pas cherche à réfléchir sinon tu n’avances pas. Mais je le dis souvent qu’en tant que femme, il faut être irréprochable techniquement. Dès que tu vas faire une erreur technique, on va directement penser que c’est ta faute. Alors que je suis déjà arrivée sur des sets où la platine ne marchait pas et où on m’avait pris de haut en me disant « tu n’as qu’à appuyer sur ce bouton » alors que c’était un problème de la technique qui l’avait mal branché.

Avec Laisse Tomber Les Filles, vous programmez des filles pour des soirées, donc toi-même tu as ce boulot de programmatrice. Comment déniches-tu ces artistes ?

On fait des appels à projets et puis on écoute la musique qu’elles font. On veut comprendre si elles ont une intention forte. Quand on a le temps, on aiguille sur ce qu’on pense, on accompagne. On fait des tremplins, et maintenant ça fait plaisir de voir des gens qui montent à Lille comme Margaux 59000, qui commencent aussi à monter sur Paris. Et on l’a découverte sur un podcast, et on est super fières.

On t’a vu copiner avec Jennifer Cardini y’a pas longtemps, des trucs sympas qui arrivent ?

Je regarde ma manageuse *rires, c’est bon je peux en parler. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai produit une musique qui a très bien marché dans ma petite niche dans laquelle je suis. J’ai eu des super retours de DJ, dont Jennifer Cardini, qui a été une des premières à la jouer. On va faire quelques morceaux sur le label Ritmo Fatale, le premier label sur lequel j’ai sorti un morceau. Je vais être dans l’agence de Jennifer Cardini qui s’appellera Night Shift, avec des gens que j’ai toujours admiré comme Pablo Bozzi ou Kendal. Quand on m’a appelé pour ça, j’ai pas compris ce qu’il se passait. Mail, il y pas mal de choses qui vont sortir là-dessus toujours en ping-pong entre mes deux inspirations : d’un côté, des choses EBM bien dark, et un autre côté plus oriental. Et ça représente bien mes sets : parfois t’auras des trucs très dark et d’un coup j’enchaîne avec des morceaux très mélodieux aux touches orientales, mais les deux donnent toujours envie de bouger à fond. Ces deux branches, c’est mon identité.

Texte : Paul Dufour, Maïa / Photos : Paul Dufour