« Elles prennent la place », c’est l’exposition immersive que vous pourrez retrouver mercredi 11 et jeudi 12 octobre à la salle de concert La Poudrière à Belfort. « Elles », ce sont les femmes et minorités de genres qui ont été interrogées par l’équipe de La Poudrière ces deux dernières années. En guise de résultat, cette expo aussi nécessaire que déstabilisante est montée pour alerter le public aux violences sexistes dans l’industrie musicale. Mélanie, qui dirige l’Action Artistique de La Poudrière, nous donne quelques clefs pour comprendre cette installation… 

Vous parlez de deux enquêtes à l’origine de cette expo, en quoi consistaient-elles ? Sondages ? Témoignages ?

Alors, les enquêtes c’était vraiment du verbatim qu’on a récolté, des éléments qualitatifs plus que quantitatifs. On les a fais avec Stéphane Laurent et son entreprise HUE Datas. On voulait vraiment situer la pratique des musiciennes et des minorités de genres. Au début c’était sur les pratiques artistiques et culturelles, et la deuxième enquête s’est vraiment recentrée sur les pratiques musicales.

L’enquête est-elle plutôt partie d’un ressenti personnel ou d’observations au cours de votre travail ?

C’est depuis le COVID et la pause qu’on a dû prendre un peu malgré nous, qu’on a eu vraiment le temps de se pencher sur ces questions. À titre personnel, j’ai suivi beaucoup de conférences en visio, de webinaires sur ces thématiques. Du coup dès qu’on a pu rouvrir je suis revenue armée de bonnes intentions si on peut dire, et on avait déjà la volonté de mettre des choses en place. C’est une initiative régionale qui nous a un peu donné cette opportunité, un cadre et surtout des échéances, car on avait beaucoup d’idées qui étaient parfois difficiles à organiser. C’était dans le cadre de « Musiciennes au Bastion », qui s’appelle maintenant « Musiciennes à Besançon » et donc c’était pour la première édition de « Musiciennes » qu’on a fait cette enquête, dans le cadre de la tournée d’égalité.  

Pourquoi choisir de faire un exposition pour rendre compte de vos observations, plutôt qu’une conférence, un communiqué, une vidéo… ? Et pourquoi un dispositif immersif ? 

La forme de l’exposition nous semblait plus immersive, et je crois que concrètement j’avais envie que les gens ressentent ce que moi j’ai ressenti quand j’ai vu tous les résultats, et j’étais assez en colère. Du coup c’est vraiment le but, que les personnes qui visitent l’expo se mettent à la place des femmes et des minorités de genres, dans les situations qu’elles ont vécues. On veut vraiment faire ressentir toutes ces remarques incessantes qu’elles expérimentent au quotidien, que ce soit dans les pratiques musicales ou même ailleurs. C’est pour ça qu’on voulait faire une exposition et pas juste un graphique ou des chiffres qu’on connait déjà, on voulait que ce soit un peu plus vivant, et peut-être choquer un peu plus aussi. On veut vraiment confronter les personnes qui viendront a ces témoignages et les faire revivre une dernière fois ces situations. 

Pensez vous que le milieu musical est plus enclin aux violences sexistes que d’autres ?

C’est un problème systémique, le harcèlement de rue existe aussi et c’est aussi pour ça qu’on avait commencé par les pratiques artistiques et culturelles en général, pour prouver que c’est pas que dans le monde de la musique, même si voilà c’est un milieu de la fête ; Il y a de l’alcool, des drogues aussi parfois, donc ça favorise pas mal un climat problématique on va dire. Par contre, on sait que c’est pas propre à nos lieux, comme le montre les résultats de l’enquête : on a des personnes qui parlent de leurs cours, leur conservatoire, donc même dans le milieu éducatif il se passe les mêmes choses. Là nous on parle de la musique parce que c’est c’est le milieu qui nous concerne et qu’on veut mettre des choses en place, dans notre salle et dans notre studio de répétition pour essayer à notre niveau d’améliorer tout ça, mais on sait que c’est pas propre à la musique.

Qu’avez vous mis en place dans votre structure pour tenter de palier a ces problèmes systémiques ?

Pour commencer on a déjà mis un affichage en place, par exemple on a une affiche de « Act Right » qui dit « Une main aux fesses c’est une main courante » parce que c’est encore beaucoup trop banalisé alors que c’est déjà une agression sexuelle. On veut faire prendre conscience que chaque acte a des répercussions, et aussi nous ce qu’on veut c’est s’adresser d’abord aux agresseurs, plutôt qu’aux personnes agressées. Dire à une personne de faire attention a son verre parce qu’il pourrait y avoir du GHB, c’est bien, mais ça rajoute encore une charge mentale à la personne potentiellement agressée. Nous, le message qu’on a envie de faire passer c’est surtout « N’agresses pas », tout bêtement. 

©Act Right

L’équipe aussi a été formée à ses questions là, on a eu plusieurs temps de formations ensemble pour sensibiliser toute l’équipe de La Poudrière à ces mécanismes, et on peut maintenant intervenir en cas de dérapage. On sait identifier les comportements problématiques. On a envie de laisser la place nette aux femmes et minorités de genres, on va aussi mettre en place un dispositif d’accompagnement en mixité choisie pour que les femmes reprennent confiance dans ces lieux qui sont parfois peu accueillants. 

Le mot de la fin…

Pour information, on fait quand même venir un vidéaste, pas pour rendre compte de toute l’installation, mais plus pour pouvoir partager certains témoignages. Du coup il y aura une petite vidéo d’environ deux minutes, qui reprendra un peu le parcours dans la salle. L’expo a lieu dans toute la salle, de la billetterie jusque dans les loges, parce que dans l’idée on veut montrer que ces comportements se passent partout, que ce soit derrière la scène, dans le public ou même dehors quand les gens fument leur cigarette. Donc c’était un peu la volonté d’utiliser tout l’espace de la salle. Cette vidéo sera disponible suite à l’exposition. 

Propos recueillis par Emma Sko // Photo : Julien Boiteux