Squelettes, zombies et autres amateurs de riffs sanglants étaient à nouveau conviés du côté d’Audincourt pour la désormais institutionnelle Halloween Party du Moloco. Chefs de file de cette monstrueuse parade (et bien épaulés par les premières parties Howlin’ Jaws et Grandma’s Ashes), Mars Red Sky a fait trembler les âmes et les murs de son stoner psychédélique. Le trio bordelais posait dans la foulée ses valises dans la salle d’Audincourt pour quelques jours afin de préparer au mieux la suite de la tournée et la sortie du nouvel album. L’occasion rêvée d’aller interrompre leurs répétitions pour leur poser quelques petites questions. Rencontre du troisième type (et des deux autres aussi).

Interview réalisée avec nos pote des Interrockations (lesinterrockations.com).

Ce concert d’Halloween était le point de départ de votre résidence au Moloco. Pouvez-vous nous en dire un peu plus  sur le programme des festivités ?

Matt (batterie): Là, vraiment, l’idée c’est d’intégrer dans le set des morceaux du nouvel album. On en a pioché 4 sur les 6 qu’on apprend à se réapproprier. Ce n’est pas toujours facile de passer du disque au live, on fonctionne dans ce sens là maintenant et pour l’instant, ça marche mieux que ce que l’on avait imaginé. En tout cas, la résidence est prometteuse. On travaille le live comme les grands. À voir si on va le devenir ! (rires).

Halloween, c’est un univers qui vous inspire ?

Jimmy (basse et voix): À part le film Halloween, pas spécialement. Pour ce concert, on devait se déguiser, faire un maquillage et comme souvent, on a des grandes idées qui se terminent dans un tourbillon de flemme. On a quand même une petite anecdote sur Halloween qui touche au label du groupe. L’an dernier, pour la première fois, des gamins ont frappé à notre porte. J’ai ouvert mais comme je n’avais pas du tout prévu de bonbons pour l’occasion, j’ai eu l’idée de donner des copies de l’album Forgotten Mansion de Witchfinder qui est signé sur notre label et qui a une imagerie bien occulte aux parents qui accompagnaient les enfants. Ils sont repartis avec comme si c’était des bonbons.

Julien (guitare et voix): Quand j’étais plus jeune, j’étais hyper fan d’Halloween. J’ai habité pendant deux années aux États-Unis et là-bas, c’est du sérieux mais ce n’est pas une influence qui est restée chez moi ou dans le groupe. C’est plus une fascination chez les groupes de black métal. Je suis plus intéressé par certaines références historiques. La période de la chasse aux sorcières notamment. Il y a un super livre de Mona Chollet sur ce sujet, sur le traitement qui était réservé à ces femmes et les parallèles avec les luttes féministes actuelles.

Y-a-t-il justement une envie d’intégrer des thématiques sociétales dans vos chansons ?

Julien : Elles y sont déjà souvent ! Ce n’est jamais l’essence de notre musique, on ne se réveille pas en se disant « allez, on va écrire un morceau sur le capitalisme » mais on essaie de l’exprimer de manière un peu plus poétique, de toujours glisser un second sens.

« On se définit comme poé-litique »

Matt

Jimmy : Sur un des nouveaux morceaux, on y va de manière un peu plus frontale. C’est presque un clin d’œil pour se moquer gentiment des groupes qui enfoncent des portes ouvertes façon « le mal c’est pas bien ». On ne se place au-dessus de personne, on n’a pas la prétention de changer le monde. On discute beaucoup dans le camion, Julien lit beaucoup, ça transpire dans les textes mais il faut aller chercher ces références enfouies.

En seulement 4 albums, vous êtes devenus une référence incontournable du stoner français et même européen. C’est quoi l’objectif avec ce nouvel album ?

Jimmy : L’idée n’est pas tant de faire mieux mais de faire différemment. Personnellement, c’est une démarche qui nous plaît toujours un peu plus et on a l’impression que c’est partagé par beaucoup de monde. C’est une tâche toujours plus difficile … et éternelle, ce qui était d’ailleurs le nom et le sujet de l’album précédent. Il y a quelques années, on avait essayé de faire un titre un peu krautrock. On aime beaucoup ça avec julien mais ça ne nous convenait malheureusement pas du tout. On avait essayé d’insérer des cuivres mais c’était un peu chelou. Ça n’a pas marché, tant pis, on ne s’est pas focalisé là-dessus.

J’ai lu que vous n’aviez pas une très grande culture ciné alors que tout le monde s’accorde à dire que vous créez des ambiances sonores très cinématographiques. Vous n’avez pas peur de frustrer tous ceux qui galèrent à créer des bandes originales de film ?

Jimmy : Ces gens-là ne nous ont jamais contactés (rires) ! C’est vrai qu’on ne se considère pas comme très cinéphiles même si l’on a quand même des références communes. Il arrive parfois qu’en composant, des images nous apparaissent. C’était le cas avec Hovering Satellites qui m’a fait illico penser à la scène finale de Carrie. Sur une de nos pochettes de 45 tours, on peut voir le Corcovado enterré sous le sable avec une main qui dépasse mais avec seulement deux doigts. C’est notre hommage à la fois à Tony Iommi de Black Sabbath et à La Planète des Singes. Voilà nos référence cinématographiques, c’est clair qu’on ne va pas citer Un Chien Andalou.

Julien : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on n’est pas tant branchés science-fiction. Ceci dit, j’aime beaucoup les films à l’ambiance sonore très prononcée comme Dead Man et sa bande-son signée Neil Young, les films de Jarmusch en général, le duo Leone / Morricone, Virgin Suicides. Mais c’est vrai qu’il y a toujours ce fantasme de signer une musique de film ou au moins un ciné-concert.

La scène stoner actuelle est en plein ébullition, beaucoup de groupes se retrouvent sous cette étiquette alors qu’ils sont très différents musicalement. Comment définiriez-vous votre place là-dedans ?

Matt : Où se place-t-on dans cette scène ? C’est difficile à dire. Moi, je n’écoute pas de stoner par exemple et je ne suis même pas totalement convaincu qu’on en fasse nous-mêmes (rires). Dans la scène actuelle, il y a King Buffalo que je trouve très chouette et qui fait consensus chez nous trois. Un stoner qui s’ouvre à d’autres influences, plus pop, plus psyché. On serait peut-être plus dans cette mouvance là et je ne trouverais pas ça délirant de nous voir tourner ensemble.

Ce côté ultra-mélodique de votre son, notamment des voix, a-t-il fait tiquer les puristes à vos débuts ?

Julien : On a eu quelques commentaires négatifs au début du style « ça sonne velu mais alors la voix … » mais assez peu finalement. La scène métal est beaucoup moins snob et élitiste que la scène indé par exemple.

Jimmy : La vérité c’est que le milieu des musiques extrêmes est incroyablement bienveillant. C’est un milieu où les gens parlent de ce qu’ils aiment alors que dans la pop, les mecs préfèrent parler de ce qu’ils n’aiment pas. On en a lu des chroniques où un groupe totalement inconnu se faisait défoncer par le journaliste, quel est l’intérêt ? Tu ne verras jamais ça dans un fanzine de métal. C’est une scène de supporters et c’est une grosse différence. On peut être clivant mais si les gens ne nous aiment pas, ils n’iront pas nous écouter et point barre.

Un petit jeu pour finir. Serez-vous capables de me citer dix noms de groupes, d’albums ou de titres de chansons contenant des noms de planètes. (Toi aussi, joue à la maison.)

Matt : Life on Mars.

Jimmy : Pour les groupes, Planet of Zeus, ça marche ? J’adore le groupe de Rennes, Alber Jupiter, très psyché, à la limite du kraut-rock et du stoner.

Julien : Space Oddity, ça passe ?

Matt : Dead Moon.

Julien : From Mars to Sirius de Gojira. The Mars Volta.

Jimmy : Les mecs du Brésil, là …

Matt : Saturne Dust !

Jimmy : Oui, eux ! Uranus, l’album de Shellac.

Julien : Earth ! Venus in Furs !

Julien : Un truc avec la voix lactée peut-être ? Galaxy 500 ! Un bien joli groupe de pop.

Propos recueillis par Lucas Grux // Photos : Lucie Volpei