C’est entre les murs du Musée de la vie bourguignonne que s’est installée l’exposition « Quand la musique électro fait danser Dijon ». Mise en place par les Archives Municipales et le collectif RISK, elle revient sur plus de 30 ans d’histoire culturelle à travers une sélection d’archives variées et récoltées pour l’occasion. Inaugurée le 4 avril, elle sera visible jusqu’au 24 juin, et son accès est libre et gratuit ! De quoi ravir les férus d’électro, les nostalgiques de l’An-fer ou même les profanes, si il en reste…

Affiche de l’exposition, Archives de Dijon

On voit bien dans les agendas qu’il se passe rarement un week-end sur Dijon où tu ne trouves pas une soirée de musique électronique. Un DJ set au 888, une soirée tekno aux Tanneries, un concert électro à La Vapeur et j’en passe… La communauté électro dijonnaise est ultra présente, avec une volonté d’organiser des choses très variées pour tous les différents amateurs, des clubbeurs aux teufeurs. Cette expo montre à la fois la construction de cette forte communauté, mais également les obstacles qui se sont présentés et se présente encore pour l’électro.

Tout commence aux archives de la ville de Dijon en 2021, où sont retrouvées de manière fortuite des photographies d’urbanisme de l’immeuble du 8 rue Marceau, qui accueillait la discothèque l’An-Fer entre 1989 et 2002. Lieu mythique pour l’émergence du courant électro à Dijon, le club a beaucoup évolué en seulement un peu plus d’une dizaine d’année, et est resté dans la mémoire de beaucoup de dijonnais comme un incontournable de la vie nocturne. À partir de ces photographies, l’idée de cette exposition est née, non seulement autour de la célèbre boîte de nuit, mais plus généralement sur l’histoire de la mouvance électro sur le territoire dijonnais. On a surement pas besoin de le rappeler, mais bon l’électro, la techno, c’est pas des styles et des communautés qui ont été acceptées et accueillies a bras ouvert par la société et le monde culturel. Au contraire, c’est plutôt de la bataille pour obtenir des autorisations, des fermetures administratives, des dizaines de plaintes du voisinage qui privilégie sa tranquillité auditive…

Archives de Dijon, Façade de l’An-Fer, 10 septembre 1993, 11031 W 43

Et pour raconter cette histoire, il faut savoir écouter les documents, les enregistrements, les photographies… bref les archives directe de l’époque. Avec l’aide du collectif RISK, les Archives se sont lancées dans une récolte massive et de toute sorte : flyers, photos, documents administratifs, vêtements, disques… Luc, co-fondateur du collectif RISK, DJ, producteur et programmateur du festival Sirk, nous en parle : « C’était un travail journalistique, d’enquêteur je dirais même pour faire remonter les contacts, les assos de l’époque… aller chercher des cartons qui trainaient chez les gens ».

Ce que nous montre cette « enquête », c’est qu’au-delà d’une histoire de l’électro au France, il peut se jouer énormément au niveau d’une ville. Dijon s’est peu à peu amourachée de la musique électronique, et que le tournant des années 90s à été le berceau d’une communauté qui a pris de plus en plus de place. Et c’est une histoire qui mérite d’être écrite à travers ce travail, comme nous le dis Luc en référence à l’engouement autour d’un certain duo accueilli par l’An-Fer, « sans l’enregistrement de Radio Campus, sans les photos qu’on présente, on peut pas raconter l’histoire du passage des Daft Punk (en juillet 95 et novembre 96, ndlr), on a le flyer, mais sans les archives, on peut pas le raconter, on peut juste le dire ».

Concrètement, on peut donc y voir pas mal de matières différentes. En toute logique, on retrouve énormément de flyers de soirée. C’est quelque chose qui s’explique aussi par le rapport des communautés techno avec ces supports papiers assez éphémères, de l’esthétique qui s’est créée et qu’on voit ici. Toujours selon Luc « L’intérêt c’était d’aller chercher des choses qui soient pas forcément accessibles sur le web parce que jamais mis, et puis remettre un peu dans le contexte pour la jeunesse et les plus vieux, ce qui a pu se passer avant jusqu’à maintenant ».

Il y a beaucoup de nostalgie autour de ce club, le but c’est aussi de passer à autre chose, de ne pas oublier mais de regarder vers l’avenir 

Luc du collectif RISK

Au delà des flyers et affiches, on peut aussi y voir des photographies de soirées, des goodies du club, des disques… mais également de la documentation administrative. Et ce côté très complet est vraiment cool, t’as d’un côté Jean-Mi qui écrit au Maire pour se plaindre des nuisances sonores (on compatis mais les lettres font vraiment boomer, désolé), mais t’as aussi le directeur de La Vapeur de l’époque (Franck Rolland) qui écrit également au Maire pour négocier l’autorisation de soirée techno à La Vap’ en 97…

Archives de Dijon, Respect, Live Daft Punk, L’An-Fer, 7/07/1995,

Une belle partie de l’exposition est consacrée à des capsules sonores, des témoignages de différents acteurs de la scène électro dijonnaise passée et présente, comme des employés de l’An-fer, des membres du collectif RISK, disquaires, producteurs, DJ… Ces entretiens ont été réalisé par Radio Dijon Campus, on peut en écouter une partie sur place, mais aussi les retrouver ICI en ligne, ou retranscrit dans le livre Dijon Electronic Story de Martial Ratel et Radio Dijon Campus, sorti pour l’occasion aux éditions Selma & Salem.

Et bon, même si on en parle beaucoup, l’expo n’est pas consacrée à l’An-fer, mais bien au mouvement électro en lui-même. Donc on ne s’arrête pas en 2002 à sa fermeture, au contraire, on voit les structures qui vont se développer par la suite, et l’intégration de cette musique dans la scène dijonnaise. C’est ce qu’exprime Luc, « Il y a beaucoup de nostalgie autour de ce club, le but c’est aussi de passer à autre chose, de ne pas oublier mais de regarder vers l’avenir ». Car depuis le début des années 2000, les acteurs de la scène électro dijonnaise ont su se diversifier, à commencer par RISK bien sur, mais aussi le collectif CHKT, le label Citizen Records de Vitalic, ou plus récemment le label Bruit Marron pour n’en citer que quelques-uns.  La ville s’adapte également, mais tout n’est pas gagné pour la techno. Luc nous le rappelle, « A chaque fois, tout est remis en question, même 20 ans après nos débuts. Aujourd’hui c’est le Sirk #9 mais on galère toujours à organiser. C’est un peu moins dur qu’avant, mais je trouve que l’image reste toujours un peu négative malheureusement,  mais on bosse tous les jours pour prouver le contraire ».

Bon, on va pas spoiler tout le contenu de l’expo, mais y’a vraiment beaucoup de choses à voir. Et à écouter. Parce que oui, y’a aussi de la musique, logique tu me diras. Tu peux écouter des extraits de sets de soirées de l’époque, comme celui de Jeff Mills en janvier 2000 par exemple. De quoi te mettre bien dans l’ambiance.

Texte : Emma Sko // Photo de couverture : Archives de Dijon, New Age, L’An-Fer, 31/05/1991, 112 Z // Illustrations: Archives Municipales de Dijon