Les frangins qui n’en sont pas offrent sur scène tout le panel des “black music”: Soul, jazz, funk, hip-hop… Un style qu’ils contribuent à rendre à nouveau hype. On les a découvert sur la petite scène de la Péniche Cancale à Dijon et maintenant ils écument les festivals de jazz et les scènes nationales. Déjà 12 ans de tournées pour les minots d’Angoulême aujourd’hui installés à Tours. On a rencontré les 3 têtes pensantes de ce groupe de scène au groove incroyable au bar de l’Espace des Arts, à occasion de leur passage à Chalon-sur-Funk.
(On vous le dit dès le début: Lehmanns brother, ça n’a rien à voir avec la banque d’affaire. Le boulevard Lehmann – avec 2 n-, c’est l’endroit où ils avaient leur studio de repèt’ à leur début, c’est tout…)
Vous êtes des potes depuis le lycée. Ça fait quand même une bonne dizaine d’années que le groupe existe… Vous êtes toujours aussi potes ?
Julien (voix, claviers) : Bah ouais. Ouais c’est une relation de 12 ans donc ça part dans tous les sens.
Doriss (batterie) : On est très potes, mais aussi collègues, frères. Relation de 12 ans.
Et les compos, ça se fait à trois ?
Alvin (guitare) : Ça dépend des périodes.
Doriss : Sur cet album oui beaucoup.
Julien: Sur cet album on est vraiment parti sur un truc de compo à 3, même si je dirais qu’il y a beaucoup de morceaux qui sont fait par les deux autres, parce qu’en fait moi j’étais en voyage et j’ai plus rajouté mon chant et ma petite pointe quoi. Mais on a été un peu plus « communautaire » sur ce nouvel album.
J’ai vu qu’il y avait pas mal de choses que vous créez à base de jam, d’impros…
Doriss : Ouais. En fait on met souvent des portables quand on est en balance ou en tournée.
Julien : On jam beaucoup sur scène aussi. On a tous les morceaux qu’on a enregistré mais on a l’impression d’avoir créé pleins pleins pleins d’autres trucs sur scène aussi…
Finalement sur scène il y a une base, et vous vous permettez de changer pleins de trucs, de faire tourner plus longtemps…
Alvin : Ouais voilà. On peut changer l’intensité en fonction des lieux, on jouait beaucoup en Allemagne et on a fait des trucs un peu vénères là bas, un peu techno.
Parlons en de l’Allemagne. Vous tournez beaucoup là bas.
Doriss: En fait on a rencontré une tourneuse, une agent qui est restée notre agent pendant presque 6 ans, et qui vit en Allemagne. On a beaucoup tourné là-bas, je crois qu’il y a un peu un atome crochu là-bas avec les musiques jazz modernes, funk, groove…
Julien : Y’a un truc… En France, on joue beaucoup dans des salles de jazz alors que là-bas le public jazz est plus jeune et aussi plus “black music” : l’afrobeat, la funk, la soul… Y’a une vraie différence. En Allemagne, comme en Angleterre, y’a beaucoup de jeunes à nos concerts qui ont les mêmes références que nous, qui écoutent les même trucs que nous… En France, c’est plus jazz à papa, plus niche…
C’est peut-être aussi parce que vous chantez en anglais. En France dans les réseaux SMAC, il y a toujours la primauté au chant français, ou même pour les passages radios…
Julien : C’est la grosse barrière qu’on a en France d’ailleurs. Nous on aimerait beaucoup aller jouer dans des festivals de musiques actuelles ou dans des SMACs pour jouer devant plus de jeunes…
Les références, on en parlait. Y’a des trucs un peu 70s, des Stevie Wonder, Sly and the family stone, un peu d’afrobeat… Mais y’a aussi beaucoup de choses très 90s, genre Raphael Saadiq, D’Angelo, Erykah Badu, Macy Gray…. Vous vous avez été biberonnés à ça ? La neo soul des 90’s …?
Julien : Ouais genre D’Angelo, Erykah Badu… ça c’est vraiment le truc qui m’a marqué. Je me suis « ah ok, ça c’est ma came ». Mais ce qui est bien c’est que je pense qu’on essaie dans ce groupe de s’autoriser aussi tellement de musiques… On écoute tellement de musiques autres.
Mais vos refs de 2024, c’est quoi ? C’est les trucs comme Anderson Paak, Kendrick Lamar ?
Alvin : Carrément, c’est des refs de musiques afro-américaines , très organiques, soul… ”Black music” quoi… En fait aux Etats-Unis, ils relient ce côté musique urbaine à musique afro-américaine, ils mettent ça dans le même panier. Y’a vraiment cette culture de pouvoir chanter, rapper, faire toutes ces choses là dans un seul groupe, et avec un band qui t’accompagnes, c’est vraiment mêler toutes ces cultures là. Les Américains assument entièrement ce terme de « black music » pas très utilisé en France mais qui en fait est l’essence même de notre musique. Le hip-hop, le jazz, la funk, c’est très proche, et ici en Europe, on n’est pas à l’aise avec ça. On est pas à l’aise avec le mot « black » et tout ça.
Julien: Ouais en France tu dis jazz, ça pense Luis Armstrong… Moi je sais qu’un des artistes qui m’a marqué à l’époque quand j’ai commencé le clavier surtout, c’est Robert Glasper. Il va jouer à Blue Note, mais il invite Mos Def, il invite des rappeurs, il invite des chanteurs de soul ET il fait des standards de jazz.
Vous tournez très peu les SMACs, vous tournez beaucoup les festivals de jazz, ou les scènes nationales comme ce soir, parce que finalement dans les smacs c’est pas à la mode votre truc groove, funk, c’est plus à la mode d’être 6 ou 7 sur scène…
Doriss : C’est marrant de voir l’expérience d’un autre groupe (Doriss joue aussi dans le groupe Meule, ndlr). Je pense qu’il y a un réseau rock indé en France qui est encore organisé et qui tient encore malgré tout. Et je pense que la funk, bah y’a pas de réseau comme ça. Donc trouver des programmateurs qui vont faire sur un coup de cœur, c’est compliqué.
Mais vous sentez qu’il y a un espèce de revival de black music, funk ?
Alvin : Il manque des étendards, des portes paroles de ces styles là en France je pense pour que les gens référencent un peu plus le truc. En fait y’a tellement peu d’autres groupes qui font ça.
Y’a ce revival un peu depuis quelques années avec des Anderson Paak, des Kendrick Lamar, avec des mecs qui ont un funk très organique, qu’ont un hip-hop très organique, j’ai envie de dire qu’ils font des trucs qui représentent les blacks musics…
Alvin : En France on a souvent un peu de retard sur les USA, j’espère que ça va arriver (rires).
Propos recueillis et photo par Chablis Winston // Photo de couverture : Julien Philips