Du hardcore au dub, en passant par la hardtek ou encore le dubstep, elle a touché à tous les styles… Mais c’est depuis 5 ans maintenant avec son « Projet Azu Tiwaline » qu’elle tourne à l’international, en club, festival ou en rave. On a rencontrée la la l’artiste tunisienne à l’occasion de son passage à Dijon pour le Sirk Festival au Cellier de Clairvaux le 24 avril dernier, c’est Azu Tiwaline.

Comment tu t’es mise à la musique électronique ? Ça a toujours fais parti de ton univers musical ?

Alors oui, j’ai découvert la musique électronique à ses tous débuts donc c’était fin des années 90, j’étais adolescente à l’époque, et j’allais d’abord dans des raves etc… Je voyais tout le temps des DJ Set dans les fêtes et un jour j’ai vu un live avec des machines, et j’ai fais « wow ça a l’air super ». Du coup j’ai voulu essayer mais vraiment juste pour le fun. Au début j’ai emprunté des machines à des amis, après je me suis acheté mes premiers équipements : boite à rythme, synthé, pédalier, table de mix etc… Et puis ce que je considérais vraiment comme un hobby est devenu une passion, et des années après est devenu un métier en fait. Je suis tombée dedans un peu par hasard, et depuis j’ai toujours fais de la musique. J’ai sorti mon premier disque sous un autre alias quand j’avais… je crois 19 ans, donc ça fait très longtemps que ça dure (rires).

Tu vas chercher des sonorités un peu partout, mais particulièrement dans des rythmes et sonorités traditionnelles du Sahara… Comment tu fais l’équilibre entre instruments traditionnels et machines modernes quand tu produits ?

Moi j’habite aux portes du désert dans le sud de la Tunisie, je passe en général tout l’hiver là bas, et j’adore enregistrer les sons qu’il y a autour de moi pour après les intégrer dans la musique. Par exemple quand je fais des voyages, je prend des photos, mais je fais aussi pleins d’enregistrements sonores, du métro, des feux rouges… j’aime bien juste avec le son essayer de me situer, de me rappeler le souvenir d’où j’étais. Je trouve que ça compte par rapport à l’inspiration que je vais avoir quand je crée la musique à cet endroit là, tout l’environnement sonore, naturel qui m’entoure, forcément ça fait parti quelque part déjà de la musique en elle même. Quand je produis je suis souvent dans le désert… Alors les « sons du désert » c’est un peu cliché de dire ça, parce qu’il n’y a pas vraiment de sons du désert, à la limite on va reconnaître des ambiances de villages, des appels à la prière, certains insectes, des gens qui parlent alors on va entendre de l’arabe etc ; mais qu’est ce que c’est le son du désert en fait ? C’est complètement subjectif, moi je le retraduis parce que le désert c’est le royaume du silence. Je joue avec comme si il était un instrument. Donc dans ma musique, il y a souvent une grande place accordée au silence entre chaque notes, pour moi ça fait parti intégrante de la construction musicale.

On est pas vraiment musicien, on est producteur, à la limite compositeur.

Il est présent sur 8 des 9 sons de ton dernier album, Tu peux nous parler un peu de ta rencontre et collaboration avec Cinna Peyghamy ?

C’est une des rencontres magiques de ma vie. Ça faisait des années, que je cherchais un percussionniste avec qui collaborer pour adapter en live et que ce soit plus intéressant, comme il y a beaucoup de percu dans ma musique. Un jour je tombe sur une vidéo où il essaye un nouveau dispositif et je le vois jouer du Tombak, qui est la percussion iranienne traditionnelle, avec tout un dispositif modulaire et ça ressort complètement transformé. Je me suis dis « c’est exactement ça ». Donc je suis allée le voir à un concert, je me suis présentée, lui il était partant, on s’est fait la séance de studio… bref je produis les morceaux, et juste après j’ai sorti mon premier EP sur le label anglais Livity Sound et ça a cartonné, donc ça nous a super motivé à renouveler la collaboration, et ça c’était y’a presque 4 ans. Et depuis on a joué beaucoup ensemble en live, surtout pendant la période post-confinement où c’était très bizarre, où les seuls concerts autorisés étaient devant un public assis. Donc tout de suite j’ai proposé un set où on est assis sur un tapis l’un en face de l’autre, un set beaucoup plus expérimental, plus posé, pas ambiant parce que des fois c’est un peu noise, mais vraiment une musique contemplative. On a une relation très fraternelle, j’adore bosser avec lui et je pense qu’on collaborera ensemble toute notre vie, enfin au moins la mienne parce que je suis plus avancée que lui (rires)… En terme de musicalité quand je joue avec lui, ça m’apprend aussi à me mettre un peu plus en retrait et à vraiment accentuer ce que je pense être des éléments forts et les plus intéressants. Quand je joue toute seule c’est très différent, c’est à moi d’apporter toute la matière, mais à deux il faut que ce soit complémentaire.

Finalement c’est quelque chose qu’on retrouve souvent chez les artistes électro/techno, de faire l’entièreté de la musique seul beaucoup plus que dans d’autres styles de musique

Oui parce qu’en fait on est pas vraiment musicien, on est producteur, à la limite compositeur. C’est ce qui m’a attiré dans la musique électronique, d’un coup j’avais l’impression que je pouvais jouer tous les instruments et être chef d’orchestre. Oui quand je fais du live je joue avec les instruments que j’ai, mais les instruments que j’ai c’est des contrôleurs, des fois j’ai un petit clavier où je joue des notes, mais c’est de la bidouille par rapport à quelqu’un qui maitrise un instrument, c’est différent quoi, moi j’ai envie de pouvoir sortir tous les sons de tous les instruments que j’aime, et je trouve que produire dans la musique électronique en tout cas c’est vaste, sans fin, et c’est ça qui me plait.

À l’écoute, ton dernier album, The Fifth Dream, semble vraiment faire un cheminement, on monte petit à petit en intensité en plantant le décor à mesure des morceaux. Comment tu as produit cet album ? C’était différent du premier ?

On va dire que le gros tronc principal, 75% de la musique était déjà en tête, les morceaux, comment je les imaginais, c’est tout le début de l’album. Mon 1er album, je voulais faire un hommage à ma mère qui était malade, et je savais qu’elle allait bientôt partir… Elle écoutait ce que je faisais depuis que j’étais jeune mais elle me disait « je suis contente que tu t’amuses mais mais moi je comprend pas ». C’est vrai qu’avant je faisais de la musique qui cognait plus, très urbaine, avec des sons très métal, indus, froid… Ma mère aime les percussions, les trucs chauds, donc je voulais faire quelque chose qui était universel, je voulais qu’elle puisse apprécier, mais je voulais que moi aussi je puisse apprécier, donc je voulais quelque chose de très ouvert. Et le deuxième, j’ai voulu faire quelque chose qui me ressemble plus, et c’est pour ça qu’on retrouve des morceaux plus dancefloor, parce que je passe peut-être la moitié de ma vie dans le désert mais je passe l’autre dans des clubs… J’ai voulu quelque part montrer, pas une autre facette, ce que j’étais. Pour l’instant j’ai aucune idée du troisième, mais bon je commence à y réfléchir quand même. Après les albums par rapport aux EPs, je trouve que c’est très intime et personnel. Je me prend vachement la tête avant d’écrire un album, j’écris sur du papier, je fais des tableaux, des graphiques, des dessins, je prend pleins de notes, sans parler de musique, et après ça se construit petit à petit… Alors qu’un EP pas du tout, c’est plus spontané, c’est « tiens j’ai envie de faire de la musique, bam je fais » C’est totalement différent… Et si je fais un album dans 4 ans, j’aurais changé, j’aurais évolué, et cet album il me ressemblera tout simplement dans 4 ans quoi. Où je serais, qui je serais dans 4 ans, je sais pas encore.

Propos recueillis par Emma Sko // Photos : © Le Studio des Songes @ Le SIRK Festival