Le Moloco en guise de saloon, nous avions rendez-vous avec les plus grands hors-la-loi du punk français, aka les $heriff, quelques heures avant leur concert. C’est Olivier, chanteur historique du groupe, qui a dégainé ses réponses à nos questions, toutes inspirées par les titres de chansons de leur pléthorique carrière. Bang Bang Shoot Shoot. Interview playlist.

La Saga des $heriff. C’était le titre d’une de vos chansons et c’est désormais aussi le titre d’un ouvrage de plus de 300 pages d’interviews retraçant vos 40 ans de carrière, paru cette année. Tu as encore envie de répondre à des questions après ça ?

Répondre à des questions, de fans ou de journalistes, ça fait partie du taf, ça ne me dérange pas. Pour le bouquin, les mecs nous ont interrogé pendant plus d’une semaine et ont choisi de raconter notre histoire seulement avec nos interviews, pas de narration. Les questions n’apparaissent pas mais tout se répond de manière fluide et chronologique. Je ne voyais pas trop l’intérêt au début mais c’est assez bien foutu. Le plus dur pour eux qui viennent de Normandie, ça a été la retranscription et de comprendre nos accents du sud (rires). C’est clairement un bouquin pour les fans, ça n’intéressera qu’eux. Tous les groupes ont plus ou moins la même histoire.

Génération atomique. Vous avez appartenu à la génération dorée du rock alternatif français. Avec le recul, quel regard tu portes sur ce mouvement ?

Musicalement, ça a été une période incroyable mais que je n’aime pas particulièrement parce que c’était vraiment la galère. Les gens ne peuvent pas imaginer à quel point il n’y avait rien à Montpellier dans les années 80. Pas de studios, pas de salles, pas de radios. On jouait dans des MJC ou dans les quelques salles que l’on voulait bien nous prêter. Il a fallu tout construire nous-mêmes. C’est quand on s’est aperçus que chacun faisait ça dans sa ville qu’on a commencé à créer un réseau entre les groupes. C’est cette ère de construction qui est un peu le pilier du rock en France aujourd’hui. Pour moi, l’héritage, il est là. La structuration d’un mouvement qui a abouti sur la création des SMAC et qui profite aujourd’hui à tous les styles de musique.
Mais au début des années 90, tout aurait pu s’arrêter. Pas mal de nos potes avaient arrêté la musique dans un climat bizarre. Puis, l’explosion grunge est arrivée, a ramené du public, de l’argent, l’attention des médias. C’est ça qui a permis de structurer et professionnaliser le mouvement. Pour moi, c’est clair et net, sans Nirvana, il n’y aurait pas eu de rock en France dans les années 90. Notre public de trentenaires à l’époque est passé à 18 ans de moyenne d’âge. Nos salles étaient plus remplies mais on s’est sentis vieux d’un coup. Et aujourd’hui, on tourne toujours avec les Ludwig et les Wampas. Tournée Fan des années 80 (rires).

Pourvu xa dure. Il est à quel âge le départ à la retraite légal du punk ?

Quand on a arrêté le groupe la première fois, on avait 35 ans et je pensais déjà que c’était l’âge légal. Je me disais que le punk à 40 ans, c’était pas la peine, que c’était terminé. On a arrêté une quinzaine d’années, le temps que les enfants grandissent et une fois à la retraite, on a repris le rock’n’roll. Comme quoi, parfois la vie te donne des leçons.

Aujourd’hui, on tourne toujours avec les Ludwig et les Wampas. Tournée Fan des années 80 (rires).

À coup de batte. Y-a-t-il des problèmes actuels que vous souhaiteriez résoudre avec cet ustensile ?

Ce qui est marrant avec cette chanson (une de nos toutes premières), c’est que c’est une énorme blague. On voulait être les Ramones français mais on n’avait pas de textes alors on a pompé Beat on the brat. C’est une parodie tellement grosse qu’on ne l’a jamais mise sur un album, juste en face B de 45 tours, mais sur scène elle a toujours marché, on ne l’a jamais sorti du set. C’est un de nos morceaux les plus connus, on se régale à le jouer mais les paroles n’ont vraiment aucune signification. C’est juste un défouloir.

Ça dépend de nous. Ce titre, c’est un appel à la révolte citoyenne ?

Plutôt à être raccord avec ses principes, intérieurement. Je ne suis pas un punk révolutionnaire et je n’ai jamais fait de textes très revendicatifs. Les mecs qui chantent la révolution, pour moi, ce sont des trucs de comptoir. Il y a des choses à améliorer et il faut gueuler quand ça ne va pas mais je pense qu’on est assez privilégiés en France. Même certains textes des Bérus m’ont gonflé à un moment. Mais au moins, eux ont toujours été cohérents. Ils se sont arrêtés au moment où ils auraient pu devenir énormes. Eux sont de vrais révolutionnaires et même si je n’adhère pas à tout, je les respecte pour ça. Moi, j’aurais sûrement pris le pognon (rires).

Du rock’n’roll dans ma bagnole. Est-ce que tu écoutes toujours ce qui se fait dans le punk aujourd’hui ?

Non, pas du tout. Je n’écoute plus de la musique que dans ma voiture et surtout des vieux trucs. La musique qui m’a marqué, c’est celle que j’écoutais entre mes 15 et 30 ans. Après, tu découvres des trucs mais qui rien qui ne te fasse vriller autant. Après les années 2000, je ne sais pas trop ce qui se passe musicalement et je dois dire que quand on tourne en festival, c’est rare que je connaisse les autres groupes (rires). Quand on est revenus en 2014, on a découvert les trucs un peu free jazz punk, sans refrain, sans rythme suivi pendant plus de cinq secondes. « Ça, c’est un seul morceau ? Moi, je t’en fais cinq avec tout ça ».

Enfants du Passé. Est-ce que tu penses que le punk c’était mieux avant ?

Pas du tout. Pour moi, les années 80, c’était rude, des bastons sans arrêt et la croix et la bannière pour trouver du matos et des disques. Un truc de pionner certes mais c’était chiant. Aujourd’hui, avec internet, tout est plus facile pour les nouveaux groupes. Et c’est pour ça que le niveau monte, y a pas photo ! Les jeunes qui débutent aujourd’hui ont le même niveau que nous après 40 ans de métier (rires) !

Propos recueillis par Picon Rabbane // Photos : Julien Boiteux