Dégoter une interview rock dans ce temple du rastafarisme qu’est le festival Rencontres et Racines ? Certains disaient cela impossible et pourtant. Nous avions rendez-vous avec Dead Chic quelques heures avant leur concert en terres audincourtoises. Le groupe le plus élégant du circuit rock actuel s’apprête à marquer 2024 de son empreinte et nous avions quelques questions à poser à Andy Balcon et Damien Félix, l’ADN britisho-jurassienne du quatuor, sur leur futur album, leurs tournées et leur penchant pour les western-spaghetti.

2024 sera une année importante pour le groupe avec (enfin) la sortie de votre premier album. Comment s’est passé l’enregistrement ?
Damien (guitare): on l’a enregistré en deux sessions ; une première en novembre dernier où on a enregistré cinq titres et une seconde en avril où 7 autres ont été bouclés.
Andy (chant et guitare): L’opus sortira le 8 novembre et nous en sommes très fiers ! Nos premières chansons avaient plutôt été écrites entre Damien et moi. Ici, tout le monde s’est retrouvé, les personnalités s’appréhendent mieux désormais. On a choisi le studio Black Box à Angers où ont enregistré Shellac notamment. On a extrêmement bien connecté et travaillé avec le fondateur des lieux Peter Deimel. On a tout enregistré live et l’équipement là-bas se prête à merveille à notre son.

Doit-on s’attendre à une continuité de l’EP et à retrouver ce savant mélange de rock, heavy soul et influences à la Ennio Morricone ?
Damien : l’idée reste globalement la même mais avec l’envie de pousser chaque chose beaucoup plus loin et de rendre chaque son beaucoup plus précis.
Andy : ce n’était pas vraiment intentionnel mais chacun des nouveaux titres dégage cette impression de pouvoir se fondre dans une scène de film. Le style de Damien dégage ce truc très cinématographique. Là, nous revenons d’Espagne où nous avons tourné un clip à l’ambiance Western Spaghetti VS Science-Fiction avec des acteurs, des chevaux. Ça va être très cool mais on ne va plus pouvoir renier ces influences. Ce n’était pas tant notre idée au départ mais la réalisatrice a débarqué en disant « là, on a besoin d’un cheval ! ». Ce qui nous a un peu fait flipper niveau budget !

Vous avez dû vous contenter d’un poney ?
Andy : Non, mate, 2 vrais putains de chevaux ! (rires).

Vous avez lâché le mot « cinématographique » ; un mot qui revient très régulièrement au moment de décrire votre musique.
Damien : les premières fois où nous avons composé ensemble, nous n’avons pas tant parlé d’influences musicales mais plutôt de paysages. On a tous plus ou moins le même background musical donc on n’a pas eu à débattre de ça. On a très vite voulu donner ce sentiment d’une narration au milieu de décors désertiques. Et puis, enregistrer une bande-son sera clairement une de nos intentions à un moment donné.

Chacun des nouveaux titres dégage cette impression de pouvoir se fondre dans une scène de film.

J’ai l’impression qu’il y a une certaine confiance qui émane du groupe. Est-ce dû à cette fameuse alchimie entre vous quatre que vous évoquez souvent en interview ?
Damien : Très vite, on a compris que les choses allaient marcher entre nous. On savait qu’on avait des accointances, on fréquentait les mêmes scènes. Andy et Rémi (notre batteur) se connaissaient déjà, j’avais déjà travaillé avec Mathis (notre claviériste) au sein de Catfish et j’avais déjà jammé avec Andy au Festival de la Paille. Nous avions déjà répété ensemble à distance mais nous avons donné notre tout premier concert au Bastion à Besançon seulement quelques jours après notre première répet’ officielle. On se disait que ça pouvait potentiellement marcher et effectivement, les choses sont allées assez vite.

En mars, vous avez tourné pour la première fois au Royaume-Uni. Andy, qu’est-ce que ça fait de jouer à domicile ?
Andy : c’était assez incroyable de chanter nos paroles en sachant que les gens allaient enfin en comprendre chaque mot (rires). Je n’avais pas joué là-bas depuis au moins huit ans, depuis mes dernières dates avec Heymoonshaker. Nous sommes partis les deux, juste Damien et moi, et nous avons joué dans des salles incroyables comme l’Union Chapel à Londres. On a hâte d’y retourner maintenant les quatre. En attendant, nous allons jouer en France jusqu’à l’an prochain avant de partir direction la Turquie. Sur l’album, nous avons collaboré avec une artiste turque qui va nous ouvrir les portes de son pays. On a déjà quelques racines là-bas à travers Mathis Akengin, notre claviériste, qui est franco-turc.

En mai, vous êtes partis direction La Rochelle avec l’équipe de la Rodia. C’est quoi cette histoire ?
Damien : en tant que musicien local, je travaille régulièrement avec la Rodia. Ils nous aident à promouvoir et à développer les travaux du groupe. Ils nous ont proposé une petite tournée commune à l’occasion de la sortie du livre « Rock the Citadelle ». C’était très agréable de voyager avec eux et ça a été l’occasion de découvrir La Sirène, une salle incroyable avec le meilleur catering du monde !
Andy : c’est aussi très cool de voir une communauté de personnes décider d’aller d’elle-même dans différentes régions pour promouvoir des groupes de leur ville natale et surtout d’avoir penser à nous pour les représenter et dire « voilà ce qui se passe dans l’Est de la France » à des gars de l’Ouest. On a adoré l’esprit.

Ce petit trip s’est fait sous l’étiquette Besak City Rockers. Ça représente quoi pour vous cette appellation ?
Damien : l’esprit rock de Besak, c’est simple, il est dû à ses activistes, à ces personnes impliquées dans ces scènes-là depuis très longtemps et qui défendent ces initiatives corps et âmes. Il n’est pas dû à la météo ou je ne sais quoi (rires).

Il y a quelques jours, vous avez signé la tribune Le Rock Emmerde le RN, c’était important pour vous, en tant qu’artistes, de vous mobiliser ?
Damien : c’est évident ! C’est le moindre que l’on puisse faire. La situation actuelle est surprenante et effrayante. Je n’ai jamais considéré ma musique comme directement revendicative mais j’estime que notre esthétique, d’elle-même, s’oppose à certaines valeurs.
Andy : c’est vrai que quand tu es musicien, tu vis dans une sorte de bulle, tu ne rends pas forcément compte de comment la situation est perçue dans les campagnes ou ailleurs. Au moment du Brexit, j’étais allé dans les Cornouailles et j’avais déchanté devant le nombre de panneaux anti-Europe alors qu’à Londres, où je vis, la société est plutôt à gauche. Pour l’instant, nos paroles sont très personnelles mais avec ce qui se passe actuellement en France, aux États-Unis ou ailleurs, cela va être difficile de ne pas en imprégner les paroles.

Photos et propos recueillis par : Picon Rabbane