Du 9 au 13 octobre, la médiathèque de Chevigny-Saint-Sauveur accueille 50 dessins de Charb, ancien directeur de publication de Charlie Hebdo assassiné lors de l’attentat du 7 janvier 2015. Fervent défenseur de la liberté d’expression et de la laïcité, cet amoureux du dessin de presse a donné toute sa vie à sa vocation.

À travers 50 de ses dessins, l’exposition gratuite retrace la vie de Charb, mais donne aussi à voir sa vision du monde et les travers de la société. Journaliste engagé et dessinateur hors pair, aucun sujet d’actualité n’échappait à l’humour à toute épreuve de l’ancien directeur de publication de Charlie Hebdo. Loin de l’idée reçue selon laquelle il ne dessinait que sur les religions. « Il était quasiment impossible de se fâcher avec Charb. Quand un début de conflit pouvait s’amorcer, il avait toujours ce formidable brin d’humour pour détendre tout le monde », se souvient Marika Bret, ex-DRH de Charlie Hebdo et chargée de la transmission de la mémoire de Charb. Elle s’exprimera lors de la soirée de vernissage.

Morts pour nos libertés

L’exposition est d’abord un plaidoyer à la liberté d’expression, combat cher à Charb qu’il a défendu jusqu’aux dernières minutes de sa vie. Son dessin « l’invention de l’humour », sur lequel on voit un homme préhistorique tenir de l’huile d’un côté et du feu de l’autre, en est la parfaite illustration. L’huile, Charb n’en a jamais manqué, ni à la suite des multiples menaces à son encontre, ni même après l’incendie des locaux de Charlie Hebdo en 2011. « Pour que le feu se déclenche, quelqu’un doit craquer l’allumette. Et elle a été craquée abominablement le 7 janvier 2015 », rappelle son amie Marika Bret.

La liberté d’expression est un droit fondamental presque devenu un privilège pour l’équipe du journal satirique, sous protection policière depuis plus de dix ans. Exercer sa profession, boire un verre en terrasse, acheter sa baguette de pain… Des actions ordinaires du quotidien qui ne sont plus possible sans policiers pour assurer leur protection. Sensibiliser et éduquer le jeune public ayant pris les attentats de plein fouet en 2015, semble la priorité pour Marika Bret : « Les victimes de Charlie Hedbo sont mortes pour nos libertés, pour ce langage satirique qui est un bien précieux de la France. Si on ne veut plus jamais ça, il faut s’en souvenir. »

Un fou du dessin

Charb s’éprend pour le dessin tout petit. Féru d’histoire, sa mère souhaite qu’il devienne professeur, il n’en est rien pour lui. Issu de la génération ayant grandi avec Cabu à la télé, le jeune Stéphane Charbonnier à une vocation toute tracée : devenir dessinateur de presse. Cette passion est toute sa vie, et ne l’a jamais quittée. Lorsqu’il n’est pas au journal, Charb se rend dans les classes de collèges et de lycées pour expliquer son métier déjà menacé. Si chaque intervention de Charb dans les écoles se termine en éclats de rire autour des dessins, les médias traditionnels réduisent sans cesse la place de ceux-ci. Une tribune d’expression qui se raréfie, par crainte d’offenser le public selon l’ex-DRH du journal satirique : « Le sacré de l’un ne l’est pas pour l’autre. Le dessinateur est libre de s’exprimer, et le lecteur est libre d’être heurté ou choqué. Et il a le droit de le manifester. Le jour où il n’aura plus le droit de le dire, c’est qu’il n’y aura plus de dessin. »

Une transmission difficile

À l’approche des dix ans de l’attaque terroriste de Charlie Hebdo, l’initiative du maire de Chevigny-Saint-Sauveur résonne comme un acte de courage face à l’obscurantisme religieux. Et pour cause, Chevigny est l’une des cinq villes de France à recevoir l’exposition. « Les maires ont peur des réactions hostiles. Mais comme beaucoup de gens lorsqu’il s’agit de Charlie Hebdo. Un imam a été consulté par un maire car la ville recevait une pièce de théâtre issue du livre de Charb, c’est lunaire. » Non sans difficultés, Marika Bret continue de transmettre son âme au travers de conférences, d’expositions, et d’une pièce de théâtre qu’elle défend. Pour que les dessins signés Charb perdurent malgré tout.

Texte : Killian Cestari // Illustration : Charb