Depuis le 15 novembre, la nouvelle exposition des Ateliers Vortex « Clamoramor » bat son plein à Dijon. En collaboration avec l’ENSAD Dijon, quinze jeunes artistes fraichement diplômés ont l’honneur de présenter une trentaine d’œuvres jusqu’au 7 décembre. Sparse te fait la visite.

Une manif’ de gilets jaunes, un TER SNCF et l’intérieur d’une chambre en même temps, c’est possible. Les ateliers Vortex se sont associés pour la première fois à l’école des Beaux-Arts de Dijon, offrant aux diplômés de l’école d’art une exposition en sortie d’études. Les trente créations contemporaines exposées sont le cliché d’une jeune génération d’artistes. Militantisme politique, écologie, intimité, transmission du savoir-faire… À chacun sa thématique ! « Clamoramor » est une ode à l’amour et à la clameur qui prend tout son sens à travers l’expo. Six unes de journaux dessinées à l’aquarelle, une chambre d’ado passant une vidéo en boucle sur la télé, et une sculpture de fer superposé d’un graffiti formant des flammes : en entrant dans la galerie d’art, le décor est posé.

Le passage de l’adolescence à l’âge adulte imaginé par Lou Le Texier © Pauline Rosen-Cros

Comme des pros

Fondés en 2012 par des anciens élèves de l’école des Beaux-Arts et spécialisés dans la jeune création, la démarche des Ateliers Vortex retenti comme une évidence. « Ils sont traités comme des professionnels. Ils ont un flyer, un communiqué de presse, et des photos professionnelles. C’est une très bonne chose pour des jeunes artistes d’avoir le pied à l’étrier comme ça », Indique Olivier Lecreux, chargé de communication, de médiation et de l’administration du lieu. Un tremplin important pour les anciens élèves exerçant un métier ô combien précaire et concurrentiel.

Au rythme du brouhaha de manifestation émanant d’une pièce fermée au rez-de-chaussée, les œuvres se présentent une à une au visiteur. À commencer par une « chaise qui marche » d’Enki Vallet à l’étage, avant d’apercevoir quelques mètres plus loin ce qui s’apparente à un gros tas de crottin de cheval et son râteau. Heureusement pour les narines du public, il s’agit en réalité de près de 60 litres de cheveux récupérés par Caroline Simic à Faudra Tif Hair. Le célèbre salon de coiffure aux deux jeux de mots tirés par les cheveux à Dijon.

Caroline Simic présente 60 litres de cheveux avec « Faudra Tif Hair »

Toutes ces œuvres sont le fruit des différents travaux scolaires fournis tout au long de l’année par les élèves, sélectionnées minutieusement par la galerie d’art située au cœur d’une friche industrielle : « Il y avait au départ trois pièces par artiste, et on a choisi celles qui dialoguaient ensemble pendant le montage. Des artistes n’ont alors qu’une œuvre exposée, certains en ont deux, d’autres en ont trois », précise Olivier.

Mettre en lumière les invisibles

Au détour d’une sphère faite de parapluies récupérés lors d’une manifestation par Enki Vallet, la volonté de certains artistes de se faire entendre sur des problématiques actuelles se ressent. Un trophée du « Best worker » (meilleur travailleur pour les moins anglophones) esseulé par terre comme une récompense utopique de Lauren Balganon au métier de livreur (Uber Eats, Deliveroo…), sous-traité et invisibilisé.

Les gilets de travail entre le trophée de « Best worker » © Pauline Rosen-Cros

Au même titre que les gilets de travail suspendus aux quatre coins de la pièce avec « Jo le taxé », slogan porté lors des manifestations des gilets jaunes. « Le gilet a pour but de se rendre visible, mais Anaïs Thomas utilise des matières transparentes qui viennent nuire avec l’utilité première de l’objet. Elle travaille avec l’absurde », juge Faustine Chalaye des Ateliers Vortex.

« Ils sont traités comme des professionnels. Ils ont un flyer, un communiqué de presse, et des photos professionnelles. »

La force des médiums

L’exposition rencontre pour l’instant un franc succès : « Plus de 350 personnes étaient présentes au vernissage. Pour des jeunes artistes, c’est vachement bien ! », se réjouit Olivier Lecreux. L’exposition est notamment louée pour sa diversité d’artistes et pour la pluralité des médiums utilisés. Entre les gravures sur bois, les peintures, les vidéos et autres tissus, une annonce SNCF se fait soudainement entendre. Le son d’un TER en mouvement éveille la curiosité et mène devant une porte blanche équipée d’un écran, muée en porte de train avec le paysage derrière ses fenêtres. On a vérifié pour vous, il ne s’agit malheureusement pas d’un portail magique conduisant en direction de Lyon Part-Dieu sans payer. En revanche, l’exposition est gratuite et garantie sans grève, que demander de plus. Dernier départ pour « Clamoramor » le 7 décembre.

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Texte : Killian Cestari // Photo de couverture : Pauline Rosen-Cros