10e édition cette année pour le festival électro. 9 dates sur tout le mois d’avril. Partout dans des lieux un peu zinzin de Dijon (aéroport, stade de foot, boulodrome…) et avec tout ce que l’électro peut offrir de différentes ambiances et chapelles. Des stars, des gens du coin et des artistes à suivre, pour un festival devenu une référence. Interview totale avec Luc Deren (aka Ptit Luc), l’un des fondateurs du collectif Risk et du festival.

On revient à la genèse du festival ? Vous aviez déjà des activités de DJ, vous organisiez quelques soirées ou vos émissions radio quand vous avez lancé le Sirk, pour quoi vous avez eu envie d’un festival ?

On avait fêté nos 11 ans en 2015 (pour ne pas faire comme tout le monde) en faisant une teuf à l’Atheneum et à la Cancale à Dijon. Quatre jours, des petites teufs, un petit budget. Ça a super bien marché, ça nous a donné envie. Pour rappel, en 2015 c’est un peu dur de faire de l’orga électro dans le sens où les bars, contrairement à aujourd’hui en 2025 (il n’y a pas le 888, le Blue Dog, le Delirium, le Bam Jam), ont très peu de propositions électroniques à l’époque. On est parti de ce principe là en disant « on se fait des petites soirées à la Cancale, nos petites soirées elles se développent, ça fonctionne. Est-ce qu’on ne pourrait pas faire un temps fort ? » Et voilà d’où est né le délire.  

Très vite le truc a marché, a été identifié, il y avait une attente. Il n’y en avait pas tant que ça des festivals estampillés 100 % électro…

À Dijon, le seul festival digne d’électro était Résonance, il y a 15 ans. Et après il y a eu des pseudos tentatives, mais pas de vrais festivals. Le MV festival pouvait mettre un peu de prog électro… mais il n’y avait pas d’événements dédiés. C’est à dire qu’il n’y avait pas de temps fort par rapport à ça.

« Tu ne remplis pas ton festival avec des noms à part quelques énormes têtes d’affiches. Il faut trouver autre chose. Les lieux, on peut travailler dessus, c’est original. »

Pourquoi ce festival a un état d’esprit différent des autres ?

Je vais utiliser des mots de la ville de Dijon, mais ce festival rassemble les Dijonnais plus qu’il ne fait rayonner Dijon. On propose un événement pour les gens qui habitent à 50 km autour de Dijon. Et même si on est content d’accueillir des Bisontins, des Chalonnais ou des Auxerrois, la volonté elle est quand même bien d’animer notre territoire en faisant notre truc ici. Et tant mieux s’il y en a qui viennent de l’extérieur, mais en fait ce n’est pas la volonté première. C’est plutôt pour se positionner en se disant qu’à Dijon il y a vraiment une scène électronique active. 

Mettre en valeur la scène électronique dijonnaise, c’est-à-dire que montrer qu’il y a du public et montrer aussi qu’il y a des artistes, et des assos qui se bougent.

Oui, et depuis l’année dernière on a mis en place le SirKuit (une soirée du festival, itinérante dans Dijon, où les autres collectifs électro dijonnais sont invités à jouer, ndlr), ce n’est pas pour rien. En 2015 il y avait peu de collectifs actifs. Et là depuis la sortie du Covid,  il y a une multitude de collectifs qui se sont montés. Ça va de Club Platinium, à 21 mesures, en passant par Spectre, et d’autres… Sans être paternaliste, je trouve que beaucoup sont des enfants du Sirk. C’est-à-dire qu’ils ont trouvé ça cool et ils se sont mis à faire des trucs. Il ya d’autres assos qui ont fait des trucs à Dijon et qui se sont cassées pour grossir. À contrario, nous on reste à Dijon. Il y a un côté développement de territoire. Et je pense qu’aujourd’hui, c’est hyper riche. Il y a beaucoup de propositions. Les soirées électro, c’est ce que t’as le plus aujourd’hui à Dijon. Bien plus que des concerts avec des zikos. 

Boulodrome © Edouard Roussel

J’ai l’impression que l’esprit du Sirk festival, c’est aussi que les lieux sont presque aussi importants que les noms, les DJ… Je me trompe ?

Non, On aime bien adapter la musique et les artistes en fonction des lieux. Quand tu vas sur l’aéroport, tu proposes quelque chose d’un peu dur, brut, techno, tu vas t’adapter. Le festival fédère des gens différents. Et notre truc c’est de se dire « attends, on va faire l’ouverture au stade de foot. Ça va être tranquille au début, on ne va pas mettre un DJ qui tape trop ». Parce qu’on a l’impression que tu ne remplis pas ton festival avec des noms à part quelques énormes têtes d’affiches, comme dans d’autres styles musicaux d’ailleurs. Il faut trouver autre chose. Les lieux, on peut travailler dessus, c’est original. Si tu ne leur donnes pas Jeff Mills, Laurent Garnier… les gens ont quand même perdu cette curiosité. Et on essaie de forcer la curiosité en mettant deux, trois têtes d’affiches dans les premières lignes pour faire parler du festival. Mais derrière faites-nous confiance parce que Kamma & Masalo qui joueront au Boulodrome, on ne pourra plus jamais les inviter dans deux ans tellement ils seront hype. On est très contents d’avoir vu grandir des artistes à qui on avait fait confiance jusqu’à 2020. Dylan Dylan jouait à la Péniche Cancale devant 100 personnes. Aujourd’hui, elle est réclamée par Laurent Garnier pour jouer avec lui. Zaatar était inconnue quand on l’a fait jouer, ça tourne maintenant partout en Europe.

« On se positionne en se disant qu’à Dijon il y a vraiment une scène électronique active. » 

Cette année, au-delà des gros nom comme Ellen Allien, y’a des découvertes, comme Kamma & Masalo. 

C’est un duo hollandais, un couple aux platine et dans la vie. Ce sont des gens qui sont dans une culture musicale très ouverte. Ça peut aussi bien jouer du disco, de la bass music anglaise que de jouer de la techno rave party. C’est des DJ. C’est cool et c’est pour ça qu’on les invite au closing, parce que ce sont des gens qui sentent le public. 

La DJ britannique Sherelle performera à la Vapeur le 19 avril

Autrement Sherelle, je ne sais pas si les teufeurs vont comprendre qu’en fait, ça va monter jusqu’à 180 BPM et qu’en même temps, ça peut jouer du rap. Cette soirée du 19 avril, c’est un peu un coup de poker qu’on tente avec la Vapeur. C’est une soirée future bass, autrement appelé global groove. Ça peut jouer aussi bien world music que rave party. Même Voilaaa Sound System, très disco, afro, groove… On donne un peu de tout. parce qu’avec les neuf événements dans le mois, on ne peut pas proposer que de la techno ou de la house. c’est aussi peut-être un des points forts du festival, l’une des valeurs. Il y a une proposition variée en termes de BPM.

On a l’impression qu’en 2025, pour programmer des filles, il n’y a plus à aller fouiller trop loin et qu’il y en a désormais beaucoup qui sont dans la place, qui se font connaître, qui jouent, qui tournent ? Est-ce que c’est une vue de l’esprit depuis Dijon ou ça se passe un peu comme ça avec le très féminin Club Platinium

Alors ça, c’est un vrai constat. Depuis quelques années, il y a une génération de femmes qui ont pris un peu plus le pouvoir. Ellen Allien, Helena Hauff, Jennifer Cardini… Les femmes qui étaient déjà têtes de liste sont toujours là. Et derrière, il y a toute une génération qui est arrivée, qui fait sa place. En espérant qu’elles vont durer. Aujourd’hui, il y a des propositions vraiment intéressantes et on fait attention à cette mixité quand on programme. Mais c’est surtout qu’il y a plus de propositions. Donc finalement, s’il y a plus de propositions, il y a plus de concurrence. La qualité ne peut être que tirée vers le haut. 

© Edouard Roussel

Texte et propos rapportés : Chablis Winston // Photos : Édouard Roussel