37 ans que Rennes devient chaque année pour quelques jours la cité des musiques… Nirvana et Portisheah y ont donné leur premier concert en France. Plus récemment, les Berurier Noir s’y sont reformés et l’année dernière, Jeanne Added a rencontré son public. On a déjà tous entendu parlé des Trans Musicales, par contre on connaît en général peu de groupes qui s’y produisent. Pour cause, la programmation est avant-gardiste, internationale et novatrice. Sparse est parti traîner les concerts, les bars et les espaces VIP, pour toi cher lecteur.

Trans Musicales 2016

JOUR 1

Je n’étais jamais allé à Rennes. Cela fait partie des villes de France qu’il fallait voir au moins une fois… Sa place Saint-Anne, la rue de la Soif, son équipe de foot, la sympathie de ses habitants et la beauté de ses filles sont autant d’arguments pour dire que Rennes, c’est bien.

Il est donc environ midi lorsque, vendredi, je mets les pieds sur le quai de la gare. Surprise: en face de moi dans le TGV, il y avait Jacques qui finissait de préparer son set. Cela m’a fait sourire quand il a eu un proche au téléphone, sa mère je crois, qui lui souhaitait bon courage. Il avait l’air nerveux et sa calvitie volontaire était cachée par son bonnet.

Sur place, une fois toutes les formalités d’accréditation réglées, il a fallu comprendre comment fonctionne le festival. Les Trans Musicales, c’est polymorphe, ça draine beaucoup de monde et très vite, il faut se rendre à l’évidence : on ne peut pas tout faire. Les concerts commencent en après-midi dans le centre-ville. Cela se passe entre l’Ubu le Champ Libre, le Liberté et l’Aire Libre. À cela, il faut ajouter la programmation du off : « les Bars en Trans ». Le soir, ça joue au Parc des Expositions à huit kilomètres du centre ville.

Je commence donc les premiers concerts au Liberté. Juste en face du complexe flambant neuf : la fête foraine de Rennes qui diffuse à balle Patrick Sébastien. Entre un public populaire venu s’amuser et les centaines de professionnels des musiques, deux mondes se côtoient et le résultat est assez improbable… Les concerts au Liberté sont gratuits et librement accessibles dans la limite des places disponibles. Il est questions d’artistes émergents proposant des créations autour des musiques électroniques. Le premier groupe que je vais voir est KOKOMO. Un duo guitare-batterie qui fait du rock vénère. On s’ambiance doucement et on va chercher nos premières pintes. Cette année, pas de cash sur toutes les Trans Musicales. Sur ton pass de festivalier, un petit QR code connecté à un compte paypal que tu crédites. Ce même QR code te permet de te faire biper par les milliers d’agents de sécurité. Tout le monde est bien cool, les bénévoles du festival envoient du bois, tous très souriants et détendus.

Après quelques concerts, je décide d’aller faire un tour dans les fameux Bars en Trans. Puisque tout le monde me dit « c’était mieux avant », je suis quand même curieux de voir ce que c’est, ce « moins bien ». Bien qu’il ne soit pas encore très tard, la ville est très animée, beaucoup de jeunes, les bars sont blindés : pas moyen de mettre les pieds dedans. Les Rennais n’ont pas volé leur réputation de bons vivants et de soifards.

Un peu déçu de n’avoir même pu dépenser quelques tunes dans un troquet, je me résigne à bouger à la grand-messe du Parc des Expositions. La logistique mise en place pour transporter les quelques 15.000 spectateurs journaliers est monstrueuse. STAR, le Divia local, affrète des dizaines de bus qui, inlassablement, sillonnent la ville toute la nuit : les concerts au Parc des Expositions finissent à 6h du mat. Oui, tu as le temps de t’amuser aux Trans.

DSC_0227Le public dans le bus s’est fait méticuleusement délesté de toutes ses bouteilles par les six contrôles de sécurité entre l’accès au bus et l’entrée sur le site. Cependant, cela n’empêche pas tout le monde d’être bien entamé. L’ambiance est joviale et ça se drague beaucoup.

Le Parc Expo est gigantesque. Les halls où se déroulent les concerts peuvent accueillir plusieurs milliers de personnes chacun. La scénographie est chouette, il y a profusion de choix de boissons et de nourriture. Bref, il y a de l’aisance et la soirée s’annonce bien. J’enchaîne quelques verres et ne peux m’empêcher de passer à l’apéro professionnel proposé par Weezevent, un prestataire de billetterie partenaire du festival. Le champagne y coule à flots et est volontiers servit en 25cl dans les verres de bière. La réalité commence à se distordre et je file au hall 9, juste à temps pour voir le show de Worakls. C’est une tuerie dans les règles de l’art : la house s’est entourée d’un violon, d’un violoncelle et d’une guitare. Le concert est d’une rare beauté et plein d’émotions. Plusieurs morceaux m’en filent des frissons.

On se bouge vers la Greenroom, la salle destinée aux djs et sponsorisée par Heineken. Folie pour les sets de Marc Pinol et de Gme. Aux odeurs de transpiration et de weed se mêle celle tout autant capiteuse de la vodka Redbull. Il est plus de cinq heures du matin lorsque nous tombons. Cette première nuit aux Trans Musicales fut belle et passionnée, faite de découvertes et d’émotions.

JOUR 2 

Au petit matin, la réalité est brutale et le cocktail aspirine – Irish coffee – bière – jus d’orange – redbull – guronsan s’impose. La patronne d’un café refuse de me servir une pinte car je semble trop dans le mal. C’est la première fois de ma vie qu’on me refuse un verre à 14h du matin… La ville de son côté porte encore les stigmates de la fête mais, dans l’ensemble, est très clean.

Après avoir été remis sur pied, il est temps de repartir à l’aventure. Le choix est vite fait, ça sera une conférence sur l’histoire des musiques électroniques suivie du concert de Binkbeats aux Champs Libres. Cela fait un bien fou de se poser dans un auditorium. Je manque plusieurs fois de m’endormir. Le concert de Binkbeats finit par arriver. Binkbeats est un Hollandais, un mec qui a fait le conservatoire et qui un beau jour s’est mis à jouer avec les musiques électroniques et les sons. Sur scène, il joue avec plus de cinquante instruments dans une lumière chaude et intimiste. Le public est unanime : c’est génial. Pendant un peu plus d’une heure, Binkbeats nous a transporté dans un autre univers de douceur, de poésie, un univers parfois aussi un peu inquiétant.

À peine sorti des Champs Libres, je retourne au Liberté pour le set de Rubben. C’est la première fois que j’allais voir un véritable travail de VJ (vidéo jockey). Les deux artistes sont quasiment invisibles sur scène. Ils sont cachés derrière des triangles de toiles évoquant des voiles de bateau et qui servent de supports à une projection vidéo complexe, violente et onirique. Un peu comme si Fantasia rencontrait Apocalypse Now.

Après avoir esquivé une fois de plus la fête foraine, ses churros et Patrick Sebastien, il faut se remotiver à attendre le bus pour le Parc des Expositions. Quelques verres à l’espace VIP me permettent de patienter jusqu’au concert de City Kay qui est passé il y a quelques jours dans ta Péniche Cancale préférée à Dijon. Groupe de reggae moderne, City Kay a sorti il y a presque un an le très bon album « Daystar ». Ce concert aux Trans Musicales semble être la première marche vers l’autel de la consécration pour le groupe de Jay Pharaoh, également connu pour être le chanteur de Zenzile.

Je passe en speed à la Greenroom voir le set de Ravin Georges, la (très) jeune Belge qui assure le renouveau de la scène électro de son pays. Le public est jeune, c’est amusant mais pas non plus transcendant. Je finis ma soirée devant Khun Narin’s Electric Phin Band. Le concert le plus WTF du festival. Six Thaïlandais heureux comme des gosses de cinq ans un jour de Noël. Un peu de rock, un peu de musique traditionnelle, un peu de surf, un peu de percussion, un peu de garage, des gilets rouges qui ressemblent à des uniformes d’agents d’entretien, le pass artiste bien mis autour du coup, les types sont à fond et le public aussi. Ils jouent sans s’arrêter, et observer avec attention chacun d’eux est une barre de rire.

Il est trois heures du matin quand je monte dans un bus de festivaliers fatigués mais heureux et souriants. Epuisé mais serein. Rennes tu m’as beaucoup plu ! Déjà, tu me manques. Rennes je t’aime ! On se revoit l’année prochaine pour la 38éme édition des Trans !

– Jérémie Barral
Photos : J.B.

On a aimé :

  • La programmation ambitieuse et de qualité, les bénévoles tous super cool, la logistique de l’événement, le public breton. En fait, tout.

On n’a pas aimé :

  • Les gros cons à l’espace VIP qui se comportent comme des porcs avec les serveuses.
  • Le seul drapeau breton du festival.