Deuxième acte politique sur Sparse, à tout juste trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle. Après un premier entretien avec Karen Patouillet (UMP), nous avons cette fois rencontré Laurent Grandguillaume (PS), adjoint au maire de Dijon, délégué à la jeunesse, à la vie associative et à la démocratie locale, et conseiller général de Côte d’Or. Outre ces fonctions, il est également animateur départemental de la campagne de François Hollande, ce qui veut dire qu’il enchaîne tous les soirs les réunions publiques afin d’ambiancer les citoyens et d’expliquer le programme du candidat socialiste.

Rendez-vous donné à une terrasse de café rue Jeannin ce lundi, sous le soleil exactement, on a papoté pendant trois-quarts d’heure sur la campagne, la gauche, les sondages, l’environnement, Mélenchon… mais aussi ses bouquins préférés et les quartiers les plus cools de Dijon. Interview vérité.

Comment vous la sentez, cette campagne ?
Je crois qu’après un quinquennat qui a été régressif sur plein de domaines et gesticulatoire, il y a un vrai besoin de changement. On le sent, il s’exprime à la fois dans les réunions publiques, en porte-à-porte, sur les marchés, dans les différents lieux où on peut organiser des réunions… les citoyens expriment ce besoin vraiment profond de changement. Parce qu’après tout, ça fait 10 ans en France que la droite a tous les pouvoirs, au plan national. Je crois qu’il y a un vrai dynamisme à gauche, il y a un besoin de gauche aujourd’hui dans notre pays. Il y a des débats dans cette campagne… bon, on aimerait qu’ils soient parfois de meilleures qualités. Entre les polémiques lancées par l’UMP depuis plusieurs semaines… parce qu’ils n’ont pas de projets en fait… on ne connaît pas encore leur programme exactement ! On sait que le programme de Nicolas Sarkozy c’est son bilan, et on sait à quoi son bilan a mené. C’est peut-être d’ailleurs pour ça qu’il n’y a pas de programme !

Je crois qu’il va sortir un document dans la semaine.
Il paraît, on va pouvoir enfin le lire et s’informer. Mais c’est vrai que dans cette campagne, ce qui est dommage, c’est qu’aujourd’hui il n’y a pas vraiment d’échanges sur les propositions. Ceux qui font des propositions et apportent des solutions, ce sont les autres candidats. François Hollande justement, il a été clair avec les Français, il a présenté ses 60 engagements. Ils sont écrits, il les présente à chaque fois, chaque jour. Et nous on est sur le terrain des idées, c’est la grande différence.

Pourtant on a l’impression qu’il traverse une petite période creuse François Hollande en ce moment. Avec la montée en puissance de Mélenchon, Sarkozy qui est un peu revenu dans les sondages du 1er tour. Ça vous fait pas peur ?
Je ne pense pas qu’il y ait un coup de mou. De toute façon on n’a jamais vu une élection présidentielle se gagner à 60/40, ça n’existe pas. Donc on sait très bien que ça sera serré. Et on sait aussi que le seul qui est en capacité de battre Nicolas Sarkozy, c’est François Hollande, parce que c’est lui qui est capable de rassembler la gauche. On sait que le PS, c’est la colonne vertébrale de la gauche. Sans PS, il n’y a pas d’alternative possible. Il y a une dynamique autour de François Hollande, il y a des candidats -je pense à Jean-Luc Mélenchon- qui essaient de rassembler le maximum de citoyens autour d’eux. Mais cette dynamique de gauche, elle doit nous conduire vers la victoire. Par contre il faut être vigilent à ce que, par le jeu des peurs, des angoisses et des mensonges, la droite ne réussisse pas à endormir les citoyens et à ce qu’ils fassent de mauvais choix. On voit bien qu’à chaque fois qu’on revient sur le bilan et sur les propositions, Nicolas Sarkozy nous emmène sur le terrain des angoisses, des peurs, et est capable de sortir n’importe quel mensonge. Il n’en est plus à un près. Il nous avait promis le plein emploi par exemple, mais ça ne le gène pas il continue. C’est pour ça que son bilan est un échec, d’abord sur la question de l’emploi, qui concerne beaucoup de Français et notamment les jeunes puisqu’il y a 1 jeune sur 4 au chômage en France aujourd’hui, 1 sur 2 dans les quartiers populaires. C’est énorme. En la matière on peut dire que c’est un véritable échec. Échec économique puisque la balance commerciale de la France est très déficitaire. Échec économique aussi parce que le taux de chômage a fortement augmenté.

 

« Les faits sont là, et les chiffrent démontrent
tout l’échec de la politique de la droite au pouvoir »

 

On nous dit que c’est à cause de la crise ?
Pas seulement. Par exemple la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires, elle n’a pas conduit à créer des emplois, au contraire ! Et bien d’autres mesures encore. La politique de Nicolas Sarkozy, elle a visé à faire des cadeaux aux plus riches, mais jamais à initier une dynamique dans le domaine de l’activité. Il a favorisé la rente, donc quelque part la poursuite de l’argent pour l’argent, la spéculation. Mais jamais le travail. Il s’est présenté comme le candidat du travail, il a été en fait le candidat et le président de la rente. On le voit dans le domaine social aussi, c’est un échec. Pour le domaine environnemental, même s’il y a eu le Grenelle de l’environnement, on voit bien que le Grenelle 2, ça a été l’annulation d’un bon nombre de mesures du Grenelle 1.

Justement l’environnement, on n’en parle pas du tout dans cette campagne.
Non et c’est bien dommage parce que l’environnement ça nous concerne tous.

Il propose quoi François Hollande ?
Une de ses priorités, ça sera de lutter contre la précarité énergétique. Il y a quand même plus de 8 millions de Français aujourd’hui qui sont frappés par la précarité énergétique, c’est à dire qui ont des difficultés à financer leurs dépenses élémentaires liées aux énergies et au logement. On va travailler notamment sur l’isolation des logements. Ça va créer des emplois directs et indirects. On va travailler aussi sur les économies d’énergie puisqu’il faut une sobriété énergétique si on veut réussir à protéger notre planète. Et puis surtout, une diversification des énergies, des sources, avec un mix énergétique pour travailler sur les énergies renouvelables. Dans ce domaine on peut créer beaucoup d’emplois, des dizaines de milliers, à travers le photovoltaïque, l’éolien maritime, la géothermie… Il faut aussi protéger la biodiversité parce qu’on voit qu’elle s’érode au fur et à mesure du temps. C’est un vrai enjeu pour les générations futures puisque la jeunesse c’est la priorité de François Hollande, il ne fait pas que le dire, c’est dans ses propositions. Et si on veut assurer à la jeunesse et aux générations futures un environnement dans lequel elles puissent avoir une bonne qualité de vie, et bien il faut agir dès maintenant et notamment par rapport aux émissions de CO2.

Et en ce qui concerne le nucléaire, quelle est sa position ?
C’est de réduire la part du nucléaire dans l’électricité, passant de 75% à 50%. De manière à ce qu’on puisse faire monter justement les énergies renouvelables dans la politique du mix énergétique. Et pour cela on devra fermer un certain nombre de réacteurs nucléaires, notamment la centrale de Fessenheim qui est dangereuse parce qu’elle est sur une faille, elle est très ancienne et qu’on pourra en plus faire en sorte que les employés actuels de cette centrale puissent travailler sur la reconversion. Vous savez, il y a des centrales nucléaires qui ont fermé dans les années 70 et on est encore en train de les démanteler. Ça met des décennies. Il y a dans ce domaine aussi beaucoup de travail et on pourrait développer des filières d’excellence au plan international, parce que d’autres pays vont être confrontés à cela. Au vieillissement de leurs centrales. Donc comment on fait derrière, qu’est-ce qu’on en fait, comment on réutilise les matériaux, etc.

Il y a de plus en plus de soupçons d’illégalité autour du financement de la campagne de Sarkozy en 2007. Vous aussi vous pensez qu’il doit s’exprimer là dessus ?
Écoutez, si c’est le cas, il faudra que la justice fasse son travail. Et à partir du moment où la justice fait son travail -et je suis pour l’indépendance de la justice- on verra à la fin quels sont les faits. S’il y a eu des illégalités, il faut qu’il y ait des sanctions, parce qu’on ne comprendrait pas, on serait alors dans une République des privilèges. Et c’est celle-ci qu’il faut combattre. Sinon ça voudrait dire en gros que les plus forts sont protégés et les plus faibles lorsqu’ils commettent une faute, eux seraient sanctionnés immédiatement. C’est pas possible. Mais je crois qu’il faut laisser faire la justice et j’ai confiance en elle. Enfin, je tiens à préciser sur cette question que François Hollande propose dans son programme de réformer le statut pénal du chef de l’Etat.

Certains électeurs de gauche craignent que la politique de François Hollande ne tranchera pas assez par rapport à celle de Sarkozy… vous avez quoi à leur dire ?
Les changements que propose François Hollande sont fondamentaux. Je vais prendre quelques exemples. D’abord, c’est revenir sur la révision générale des politiques publiques, qui a conduit à ce qu’à chaque fois qu’il y a deux départs de fonctionnaires à la retraite il y a un poste supprimé. Ça veut dire concrètement qu’il y a une casse de l’école publique. François Hollande fera de l’éducation sa priorité, il a annoncé qu’il créera 60.000 postes dans l’éducation nationale et on pourra ainsi faire en sorte de remettre à niveau l’école publique parce que c’est ce qui permet aux enfants de pouvoir réussir, de s’émanciper et d’avoir demain une situation meilleure que leurs parents. L’ascenseur social il faut le remettre en route, parce que là pour l’instant c’est le descenseur social qui est en route ! Dans le domaine de l’éducation déjà, il y a pas photo. Dans le domaine de la laïcité aussi, puisque Nicolas Sarkozy avec son discours, ses différents propos, a remis en cause le fondement même quelque part de notre République laïque. Il a érodé en tout cas cette laïcité. Puis si on regarde bien la politique de l’emploi, la politique en matière sociale que veut mener François Hollande, il s’agit bien de remettre l’humain au cœur des politiques et de faire en sorte que l’emploi soit justement une des priorités, que l’on puisse enfin battre en brèche ce chômage qui ne cesse d’augmenter de mois en mois. On a vu les derniers chiffres en Côte d’Or, le chômage a encore augmenté, en Bourgogne et au plan national également.

D’après Nicolas Sarkozy, il s’agit d’une « baisse tendancielle de l’augmentation du nombre de chômeurs ».
En ce moment, ils aiment bien les formules alambiquées et mensongères pour cacher la réalité. Mais la réalité est la suivante : le chômage augmente de mois en mois. C’est comme M. Sauvadet qui a déclaré vendredi au conseil général qu’il était pour une « stabilisation de la hausse fiscale ». C’est à peu près du même type vous voyez dans les formules, puisqu’une stabilisation de la hausse fiscale c’est une hausse fiscale, tout simplement. Il y a deux éléments qui sont fondamentaux et qui différencient la gauche et la droite aujourd’hui. D’abord c’est la politique fiscale. C’est inadmissible que l’on ait eu des cadeaux fiscaux qui font qu’un milliardaire a pu avoir un chèque de 12 millions d’euros de cadeaux fiscaux, alors que dans le même temps on demande aux classes moyennes et populaires de faire des efforts ! Ce gouvernement a augmenté la TVA. Et bien nous on annulera cette augmentation de la TVA. Parce que la part de la TVA dans le budget d’un ménage qui a des revenus élevés représente 3,5% de ses dépenses, alors que chez un ménage qui a des revenus faibles, c’est 8,5% de ses dépenses. Donc c’est énorme !

 

« Les patrons du CAC 40 se sont augmentés
de 34% en 2011, ça n’a pas choqué Nicolas Sarkozy ! »

 

Cette TVA est un impôt injuste, et d’ailleurs la politique fiscale du gouvernement est une politique injuste qui a conduit à l’accroissement des déficits de la dette publique que l’on connaît, et en plus a renforcé les injustices et les privilèges. Il faudra revenir sur cette politique fiscale pour que chacun contribue en fonction de ses moyens. Et puis enfin le deuxième élément qui est très important, c’est que Nicolas Sarkozy était le grand défenseur des subprimes à une époque, avant la crise car maintenant il en parle plus et il fait comme si ça n’avait jamais existé. Nous on défend une société du travail, de l’effort et du mérite. Pas une société de la rente ! Lui il a défendu jusqu’à présent la spéculation, la finance pour la finance. D’ailleurs ceux qui l’entourent, ce sont plutôt des personnes qui agissent dans le domaine de la finance. Les patrons du CAC 40 se sont augmentés de 34% en 2011. Ça ne l’a pas choqué ! Il n’a rien fait pour revenir là dessus. Ça ne le choque pas qu’il y ait des écarts de salaire, de 1 à 40 ou à 50, dans les entreprises publiques. Il n’a rien fait dans ce domaine. Quand il a sauvé par des aides publiques les établissements bancaires, a-t-il demandé des contreparties ? Non. Pendant ce temps, le surendettement des familles a augmenté. D’un côté on a sauvé les banques, de l’autre le surendettement des familles augmente, les frais bancaires augmentent. Et bien nous, on mettra des contreparties, c’est la politique du donnant-donnant. Vous voulez des aides, d’accord, mais il faut des contreparties. Notamment pour les grandes entreprises, lorsqu’elles ont des exonérations sociales, il ne faut pas que ça soit uniquement des cadeaux. Il faut qu’en contrepartie elles embauchent des jeunes, il faut que ça soit inscrit ! Quand une entreprise délocalise, il faut lui demander de rembourser ses aides publiques. Voilà, avec Nicolas Sarkozy il n’y a jamais de contrepartie pour les plus riches, par contre il y en a toujours pour les plus pauvres.

Lorsque Sparse avait rencontré Karen Patouillet, elle reprochait au PS d’être globalement dans une politique d’assistanat tandis que la droite portait plutôt des valeurs de travail et de mérite, selon elle. Vous en pensez quoi ?
Nous on ne défend pas l’assistanat, on défend la solidarité. Et puis je crois qu’elle se trompe parce que si elle regardait un peu l‘histoire de France, elle se rendrait compte que ceux qui ont défendu l’école publique, laïque, celle qui permet aux enfants de réussir par l’effort et le travail, c’est la gauche. Parce qu’en fait, la grande différence entre la droite et la gauche, c’est que nous on ne défend pas la société du rentier, c’est à dire celle qui fait qu’à situation égale en termes de travail et de mérite, une personne va mieux réussir parce qu’elle a un carnet d’adresses, parce qu’elle a eu un héritage ou parce qu’elle bénéficie d’une rente. Et bien non, il faut justement faire en sorte que chacun puisse réussir à partir du moment où il fait les efforts et où il le mérite. C’est ça aussi la République. Le travail, c’est pas une valeur de droite ou de gauche, le travail c’est républicain. Oui il faut travailler pour produire des richesses et on peut redistribuer à partir du moment où on a produit des richesses. Bon après c’est la caricature, vous savez, on est habitué en politique à ce que la gauche soit caricaturée par la droite, mais après moi je regarde les faits. Les faits c’est qu’en 2012, il y a +600 milliards d’euros de dettes par rapport à 2007, il y a un taux de chômage qui avoisine les 10%, le déficit commercial n’a jamais été aussi important, même chose pour le déficit de la sécurité sociale. Voilà, les faits sont là. Certains disent parfois qu’ils sont têtus. Mais les chiffrent démontrent tout l’échec de la politique de la droite au pouvoir, et qu’en plus ils ont renforcé les privilèges et cette logique de rente, au détriment du travail.

Quel est le principal défaut de François Hollande selon vous ?
Je crois que tout homme politique a des qualités et des défauts…

…Il n’a jamais été ministre par exemple, c’est un désavantage ?
Non au contraire. Quand on voit à droite ceux qui ont été ministre, avec le résultat que ça a donné… et bien il vaut mieux ne pas l’être, comme ça il apportera des idées nouvelles. Après, ce qui a été une difficulté pour lui, notamment lors du référendum de 2005 (ndlr : sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe), c’est quand il y a eu au sein du PS une partition entre les défenseurs du oui et du non. Et donc sa difficulté ça a été à ce moment là de rassembler. Mais justement sa qualité, c’est qu’il a réussi à rassembler malgré les divisions qui avaient été très fortes au sein du PS, des divisions d’idées. Vous savez, je le connais depuis longtemps, j’ai adhéré au Parti socialiste en 1996, j’avais 18 ans…

…D’ailleurs vous avez même mis en avatar Facebook une photo de vous deux.
Oui (rires), je le connais depuis longtemps. Il a fait confiance aux jeunes lorsqu’en 2003 il a repris les rênes du PS au congrès de Dijon, après le 21 avril 2002, et ça n’a pas été facile. Je crois qu’il fallait le faire, c’était pas évident, le PS était au bord de l’implosion après 2002. Et il a fait appel à des jeunes, il a renouvelé à l’époque le conseil national du PS et c’est pour ça aussi que je crois en lui pour faire en sorte d’avoir une République apaisée par rapport à toutes les divisions qui ont eu lieu jusqu’à présent. Et puis pour faire en sorte de renouveler un peu toutes ces instances nationales et faire qu’il y ait de nouvelles têtes qui apparaissent.

Le slogan de François Hollande c’est « le changement c’est maintenant », alors que dans la vidéo qui circule sur Internet, on voit des personnalités faire le signe « égal » avec leurs bras. C’est pas un peu bizarre ?
Non, bon après, dans l’équipe de campagne il y a des personnalités qui sont très branchées sur le net et qui avaient fait cette proposition de vidéo avec ce signe… Mais non c’était pas contradictoire, c’était plus l’idée du clin d’œil, une dynamique un peu jeune aussi. Voilà, ça visait surtout à sensibiliser les jeunes notamment, sur Internet, à les faire venir sur notre site aussi, là où il y a notre programme…

 

« Il faut que l’opposition municipale évolue
un peu et passe enfin au 21ème siècle »

 

Le 03 mars vous avez pris le micro avec Aurélie Filippetti avant le meeting de François Hollande dans un Zénith de Dijon plein à craquer. C’était comment ?
C’était très sympathique, d’abord car je connais bien Aurélie Filippetti, c’est très agréable de travailler avec elle parce que c’est quelqu’un de dialogue. Et puis oui, c’était intense. Quand on se retrouve dans un Zénith devant des milliers de personnes à prendre la parole, c’est toujours impressionnant pour n’importe qui je pense. Il y avait une bonne ambiance, c’était chaleureux, donc un grand moment. Ça m’a fait plaisir de pouvoir être acteur de ce meeting aussi aux côtés de François Hollande et de François Rebsamen. C’est aussi mobilisateur, j’ai pu m’exprimer en direction de tous les sympathisants qui étaient présents et leur dire qu’il était important de se mobiliser pour cette élection.

 

Venons-en à notre fil rouge dijonnais avec le tramway. La droite vous reproche de ne pas avoir prévu des zones de stationnement avec l’arrivée du tram’.
Écoutez, à droite localement ils sont toujours en train de critiquer le stationnement. Dans toutes les villes en France, les centres-villes sont de plus en plus destinés aux piétons, aux modes de transport doux et écologiques, et il faut changer nos habitudes. On ne va pas tout le temps prendre sa voiture pour faire 100 mètres. Donc à un moment donné, il y a des parkings souterrains au centre-ville, il y a des parkings en surface aussi qui existent, on trouve quand même des places. Mais après il faut aussi qu’on change nos habitudes et je trouve que ça sera quand même plus agréable de venir au centre-ville en tramway, sans empêcher bien évidemment ceux qui ont envie de prendre leur voiture de le faire, parce qu’on peut avoir un besoin pour les courses ou transporter des choses lourdes. Mais il faut changer nos habitudes, c’est normal. Quand on veut être la première ville écologique de France, on prend des décisions qui visent à changer les habitudes sans contraindre, en laissant le choix aussi. Et les habitants ont le choix, ils peuvent aujourd’hui toujours prendre leur voiture, prendre le bus, le vélo, bientôt le tram. C’est ça une politique de transport cohérente. Il faut que l’opposition municipale évolue un peu et passe enfin au 21ème siècle.

Karen Patouillet est favorable à la piétonisation du centre-ville.
Oui c’est le paradoxe de l’UMP. Ils vont dire d’un côté qu’il faut plus de places pour les voitures, puis après ils vont aller voir les personnes qui prennent le bus et dire « oui il faut plus de bus, c’est important », et enfin ils vont aller voir ceux qui prennent le tramway en disant que c’est super… A un moment donné il faut être cohérent, on ne peut pas dire oui à tout le monde, il faut savoir aussi faire des choix. La politique, c’est faire des choix !

C’est quoi le futur de la culture à Dijon ? Certains aimeraient un grand événement rassembleur, comme un festival, qui résonnerait au niveau national.
Déjà je pense qu’à Dijon on a la chance d’avoir une politique culturelle dynamique parce que c’est quand même près d’un tiers du budget, ce n’est pas rien dans une ville et c’est même assez rare. Et toutes les formes d’expression artistique peuvent s’exprimer à Dijon, c’est important : l’art contemporain, la musique, la littérature, les lettres, la culture scientifique, la jeunesse aussi avec le festival Kultur’Mix, les musées… tout le monde peut s’exprimer et je crois qu’il peut y avoir des choses qui émergent à portée nationale mais aussi de par les acteurs du terrain. Je pense que la culture, c’est pas seulement dire « on fait un festival », c’est un espace démocratique, c’est un espace de liberté. Et je crois qu’à partir du moment où tous les acteurs culturels sont convaincus d’une politique commune, d’aller de l’avant ensemble, ils pourront ainsi peut-être faire des choses qui auront une portée encore plus grande, au niveau national voire européen. La réponse elle appartient aux institutions mais aussi aux acteurs culturels, et je crois qu’il y a des choses qui se construisent petit à petit, avec la médiation culturelle, avec différents festivals. On a beaucoup de festivals à Dijon. Après, il faut peut-être qu’on communique encore plus demain sur ces festivals, sur ce qui existe. Je sais que Christine Martin et Yves Berthelot y sont très attachés, ils font le maximum dans ce domaine et on voit d’ailleurs les progrès. On parle beaucoup de Dijon maintenant au plan national, au plan européen sur différentes initiatives, voire même aux États-Unis.

Vous avez sans doute suivi cet imbroglio la semaine dernière entre le conseil général de Côte d’Or et le quotidien régional en ligne Dijonscope (ndlr : l’institution a volontairement écarté de son listing presse plusieurs médias, dont Dijonscope). Ça vous évoque quoi ?
Vous savez, moi je suis pour l’indépendance des médias, et les médias doivent avoir une position critique envers les institutions. Heureusement d’ailleurs. Et ce que je constate, c’est que la France a baissé dans le classement international du point de vue de la liberté de la presse. C’est d’ailleurs inquiétant. Lorsqu’un média critique les élus, les collectivités ou je ne sais quelle institution, on ne peut pas en mesure de rétorsion interdire ensuite à cette presse d’avoir accès à l’information. Parce que l’accès à l’information doit être libre. Au moment où on défend les data par exemple, sur Internet, on comprend mal quand même que des élus y fassent de la rétention d’information. D’ailleurs ça se retourne toujours contre ceux qui le font puisque maintenant on est dans une société qui fonctionne à l’horizontal, grâce aux réseaux sociaux, grâce à Internet. Et les échanges d’information se font de manière horizontale. Celui qui veut à tout prix faire de la rétention d’information a tort. Je crois qu’il faut retrouver de la sérénité par rapport à ce problème et il faut que le conseil général transmette les informations nécessaires aux médias. Et qu’on soit respectueux des uns et des autres. Mais bon je suis persuadé que ça va évoluer, en tout cas je l’espère.

 

« Lorsqu’un média critique les collectivités (…)
on ne peut pas en mesure de rétorsion interdire
ensuite à cette presse d’avoir accès à l’information »

 

Vous êtes pas mal actif sur Facebook et Twitter.
J’aime ces médias parce que ça m’a permis d’entrer en contact avec pas mal de citoyens que je n’aurais pas connu par ailleurs. Ça a abouti même à des actions concrètes, à des rencontres, à des échanges et à des débats. Je suis convaincu justement, par rapport à ce que je viens de dire juste avant, que la démocratie évolue vers des formes où on échange librement avec les citoyens, et on n’est plus obligé de passer par quelqu’un qui est « au dessus » pour avoir l’autorisation de débattre avec un autre. Je me rappelle à une époque par exemple, en tant que responsable du PS à Dijon en 2001, quand je voulais contacter un responsable du PS dans une autre ville, il fallait que je passe par le siège national pour avoir ses coordonnées. Maintenant c’est fini ce temps là, on est passé à autre chose. N’importe quel citoyen peut poser des questions à son élu, il peut débattre. Après il peut se rendre compte de sa réponse par lui même, il se fait un jugement, et ça ne peut faire que progresser la démocratie.

Quelques questions rapides pour finir. Le dernier artiste ou disque qui vous a marqué ?
Charlie Winston, son dernier album. Autrement j’aime bien Vitalic, non pas parce qu’il est dijonnais mais surtout parce qu’il a beaucoup de talent, et je le connais bien en plus donc ça fait plusieurs bonnes raisons. J’aime bien tous les styles musicaux en fait, y’a des périodes comme ça où je vais écouter du jazz, des périodes où je vais écouter parfois même du hip-hop. Pas mal de jeunes de différents quartiers de Dijon me passent leurs albums de hip-hop donc j’écoute ce qu’ils produisent. On a plein de talents localement aussi. Vous savez quand on est élu je crois qu’il faut s’intéresser à tout parce qu’autrement on devient conservateur.

Le dernier film ?
« Intouchables », comme beaucoup de monde. C’est un film où il y a à la fois de l’émotion, de la passion, un sens… j’aime bien les films qui ont du sens. Et puis je suis allé voir un documentaire vendredi soir dans le cadre du Sidaction. Il n’y avait pas beaucoup de monde et c’est bien dommage car c’était une belle initiative. En gros c’était une étape pour dire où on en est, quelles sont aussi les difficultés dans ce domaine. Surtout ça permet de voir les acteurs sur le terrain qui se mobilisent face au Sida. Notamment un professeur de Strasbourg qu’on a vu dans le documentaire, qui est parti en retraite et qui est un grand homme.

Dernier bouquin ?
« Le Premier homme » de Camus, en plus parce que c’est d’actualité. Ce que je fais souvent, je prends un auteur -bon il y a beaucoup de livres de Camus que j’avais lus mais pas celui-ci- et j’aime bien lire l’ensemble des œuvres. Comme George Orwell par exemple, on parle beaucoup de « 1984 » mais il y a aussi « La Ferme des animaux », « Hommage à la Catalogne », « Dans la dèche à Paris »… beaucoup de livres qui sont parfois moins connus. C’est toujours intéressant de voir ce qu’a pu écrire tel ou tel auteur dans sa globalité justement.

Enfin, votre quartier préféré de Dijon ?
Mon quartier préféré de Dijon… c’est Dijon, j’aime tous les quartiers de Dijon !

Allez, il y a bien un endroit où vous préférez vous balader par exemple.
Chaque quartier a son charme en fait à Dijon. Quand on va à la Fontaine d’Ouche on peut se promener le long du ruisseau, c’est magnifique. Quand on va à la Motte Giron on peut aller au Fort, à la montagne Sainte-Anne il y a les petits cheminements piétonniers aussi, on peut aller voir les vignes du Montrecul par exemple, on peut aller se balader dans le quartier de Pouilly… Tous les quartiers ont leur identité et leur petit secret. Il y a toujours de belles choses à découvrir, même moi j’ai encore certainement encore plein de choses à découvrir à Dijon, chaque quartier renferme son histoire et ses merveilles cachées.

Et votre site Web préféré à Dijon, je vous le demande pas, je sais que c’est Sparse.fr.
(rires) Bien évidemment. Non mais je me rappelle d’une époque où il y avait quelques sites institutionnels qui existaient, et maintenant ce qui est bien sur l’Internet à Dijon, c’est qu’à côté il y a un espace démocratique qui s’est créé, avec différentes expressions, avec du débat et avec des visions différentes, critiques. Le débat critique est bon, car il vaut mieux y avoir des micro chocs dans la démocratie qu’un macro choc. Les micro chocs font évoluer et progresser la démocratie, alors que le macro choc c’était le 21 avril 2002…

 

Propos recueillis par Pierre-Olivier Bobo
Photos : page Facebook de Laurent Grandguillaume
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