Vous l’avez compris, cet été sur Sparse, on vous fait découvrir la Bourgogne de long en large. On ne compte pas les petits veinards de la rédaction partis se dorer la pilule du côté de Saint-Malo à la Route du Rock ; le retour dans la région va leur faire encore plus mal qu’un Tony Scott se jetant d’un pont.

Après Chalon-sur-Saône et son festival de rue, Vitteaux et ses courses de canassons, nous voici à Frangy-en-Bresse pour le grand rassemblement socialiste de la Fête de la rose. Géographiquement, on est à quelques encablures de Saint-Germain-du-Bois. Mais si, vous connaissez ! Louhans, Lons-Le-Saunier, la Bresse, le poulet et le maïs. Un réseau 3G difficilement captable et des champs à perte de vue. Reportage.

C’est une tradition, Frangy-en-Bresse, petite bourgade de 628 âmes, accueille tous les ans la Fête de la rose. Initiée en 1973 par Pierre Joxe, cette journée est en quelque sorte la rentrée avant l’heure pour les socialistes. Quelques têtes connues du parti sont là (enfin, pas trop quand même), et surtout, on y sert un bon gros gueuleton pour les papys des environs. On va pas se mentir, la moyenne d’âge avoisine les 60 ans à vue de nez. Quelques jeunes, des Parisiens et une poignée de twittos sont présent également. Lorsqu’on arrive vers 12h15, les convives sont tous déjà attablés sous les grands chapiteaux montés autour de la salle des fêtes. Et patientent, sous la chaleur écrasante de l’été.

« Saluuuuuut »

Ce dimanche, les deux stars s’appellent Arnaud Montebourg et Marisol Touraine. Arnaud (tout le monde l’appelle Arnaud ici), c’est l’enfant du pays, il est à Frangy comme chez lui. C’est son fief. Ancien député et président du conseil général de Saône-et-Loire, aujourd’hui ministre du Redressement productif, Arnaud est posté à l’entrée, quelques roses au bout des bras. Entouré d’un nid de journalistes, de la presse locale à la triplette BFM-iTélé-LCI, il connaît tout le monde et sert des paluches à tire-larigot. A peine arrivé à quelques mètres du dandy que résonne déjà son « Saluuuuuut » déjà culte. Le style montebourgien, c’est décontraction et élégance en même temps. Arnaud porte un polo (qu’il échangera ensuite avec une chemise blanche) et répond avec plaisir aux embrassades de ses vieilles connaissances du coin. De Dédé à Thierry en passant par Martine. Grosse démonstration d’aisance. Il attend Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé du gouvernement Ayrault, l’autre guest de la journée.

Tout est bien ficelé, l’opération de communication démarre réellement avec l’arrivée Marisol, vers 12h45. Les flashs crépitent pour la rencontre des deux ministres. Nous voilà embarqué dans une longue séance d’accolades, puis la signature du livre d’or à l’intérieur de la salle communale. Il doit bien faire 40°, les mecs de la télé, caméra à l’épaule, sont en nage. Imaginez le bordel, entre l’adjoint au maire qui commence à sortir le crémant, le type de BFM qui tente d’avoir des images potables et « Bernadette » qui est là uniquement pour approcher Montebourg et faire une photo de près. S’en suivent plusieurs mini discours, du maire de Frangy-en-Bresse et de Marisol Touraine : « Merci aux Bressois… euh, Bressans ». Pour cette petite bourde, elle se fera huer gentiment par la petite assemblée. On ne déconne pas avec ça ici.

Visite des cuisines et salut sincère adressé aux bénévoles et cuistots pour clôturer ce tour de chauffe. On peut enfin s’asseoir et attendre notre repas : poulet à la bressane, évidemment. A côté, ça discute élections municipales et réformes nationales. Avant d’entamer l’entrée, une bière du nord nous arrive. La « Ch’ti ». Elle est offerte par Nicolas Bays, député PS du Pas-de-Calais. Le déjeuner sera régulièrement entrecoupé de petites prises de parole. Hé ouais, faut délivrer le message et surtout dire merci aux militants. Le son est dégueulasse, au bout de 3 minutes, on n’entend plus rien. « Le jour où ils auront une sono potable à Frangy, je serai grand-père vingt fois« , balance notre voisin de table. Chose assez rare pour être signalée : il n’y a aucun service de sécurité, du début à la fin. Si tu veux aller claquer la bise aux deux ministres, tu y vas sans encombre. L’ambiance est bon enfant. Tellement calme qu’on a presque confondu la table de p’tits jeunes derrière nous avec un groupe de Jeunes pop qui se seraient infiltrés chez l’ennemi. Bon, on n’est pas non plus à un meeting avec Valérie Pécresse, entre les petites mèches en polo Lacoste et les quadras coincés du cul. Tiens, une tombola passe, avec un lot de bouteilles à la clé. Sérieux ? Un seul putain de lot ! On prend 2 cases. Philippe Baumel, député de Saône-et-Loire, en a pris 4.

Le repas touche à sa fin, Arnaud et Marisol (je n’ai pas entendu une fois leurs patronymes de la journée) entament un dernier tour de table pour saluer personnellement tous les participants. Les petites mamies sont heureuses, surtout que l’invitée de cette 40ème édition, c’est une femme. « Qu’est-ce qu’elle est belle ». Ban bourguignon, café, et on enchaîne sur le terrain de foot pour l’autre grand moment de cette Fête de la rose : les discours. Sur quoi Arnaud va-t-il axer son speech ? Les paris vont bon train avant l’exercice. Un « proche » nous confiera, sûr de lui : « Arnaud va envoyer, il va lâcher quelques piques ». Ah bon, mais sur qui ? « Sur le gouvernement ». Une indication qui se révèlera totalement fausse par la suite.

Sur le terrain de foot municipal (le club évolue en troisième division de district du pays saônois), un groupe de musique est déjà sur scène et tente d’ambiancer la foule amassée à l’ombre. « Est-ce que vous voulez encore du Johnny ? » Réponse négative. On passe à autre chose. Toute la clique débarque enfin sur scène et s’installe sur les chaises derrière le pupitre. Ils sont une bonne vingtaine aux côtés d’Arnaud et Marisol : députés, proches, huiles locales. Les premiers discours démarrent, avec à chaque fois une petite vanne dans les premières phrases. Ça fait toujours son effet, ça détend et ça permet de prendre la température. Les militants sont très attentifs à ce qu’on leur raconte. Pas question d’en louper une miette. N’essayez pas de parler quelques secondes à votre voisin : un « chhhhhhhhhht » est si vite arrivé. De la même manière, les applaudissements et les cris d’encouragement se font rare pendant les allocutions, à quelques exceptions près. Tout le monde est tranquille et écoute bien sagement. On dira que c’est la chaleur.

Vient le tour d’Arnaud Montebourg. Son charisme et sa verve sous le bras. Il défoncera Sarkozy sur les plans sociaux, l’invitation de Bachar Al Assad en 2008, et prônera la fin du « laisser-faire » en matière économique. Quant au bilan des 100 jours de François Hollande et aux critiques qui affluent, la position de Montebourg est claire :  « Ce n’est pas en 100 jours qu’on change le pays, c’est en au moins 5 ans puisque le mandat est de 5 ans ». Marisol Touraine concluera l’après-midi avec un discours un peu longuet, mais fera plaisir aux gens du cru en citant les symboles locaux. Facile, mais efficace. « Elle a de la poigne », glisse un militant à sa femme. Nous, on a viré vers le bar qui tourne à plein régime. Le demi à 2 euros, comme un dimanche au stade, quoi.

– Pierre-Olivier Bobo, avec JPK

Photos : POB