« Cuando sera el dia!
Cuando sera el dia !
En que acabe la guerra y respeten la vida
Cuando sera el dia en que acabe la guerra y respeten la vida » [1]
Aguila Tway-Cuando sera el dia!

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De la coke, des putes et des FARC… C’est à peu près l’image que l’on a de la Colombie et de Santa Fe de Bogota [2], sa capitale. Il y a encore un quinzaine d’années, certains des quartiers de Bogota avaient la réputation d’être parmi les plus mal famés du monde. Encore aujourd’hui, la situation de nombreuses banlieues de Bogota reste très précaire. San Luis, San Cristobal, Ciudad Bolivar sont autant de localité où il ne fait pas bon trainer une fois la nuit tombée. Ces quartiers ont connu des accroissements de population énorme à partir des années 80 : les populations rurales, contraintes à l’exil par le conflit, sont venues s’installer dans la sécurité relative des villes pour y créer d’immenses cités : Bogota, Medellin, Cali…

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Les problématiques de ces quartiers sont multiples : le narco-traffic, la surpopulation, la difficulté d’accès à l’eau potable, l’absence des services publiques, l’absence d’infrastructures, la violence, les paramilitaires, la pollution… La liste est longue.

À côté de ça, le hip hop règne en maître au coeur de ces zones. Par ailleurs, il semblerait que chaque grande ville Colombienne dispose de sa spécialité musicale : Cali le metal, Medellin le punk et Bogota le hip hop. Le hip hop se place comme une culture urbaine complète. La jeunesse des ghettos s’adonne en général au moins à l’une des pratiques de cet art : le breakdance, le graff, les scratchs ou bien sûr le chant via le rap. De la même façon, Bogota a affirmé sa place en tant que cité du hip hop avec, entre autres, l’existence du massif « Hip Hop Al Parque », probablement le plus grand festival de hip hop gratuit au monde.

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On trouve dans les quartiers populaires de Bogota des écoles de « hip hop conscient ». Sur Del Cielo [3], El Sonido de la Loma [4], Next Level Records… sont autant d’organisations gérées par des artistes qui se considèrent comme acteur de la communauté et d’une certaine manière obligées de s’impliquer auprès d’elle. Ainsi, nombreux MC portent le nom de « poète et amis du peuple ». Ce sont eux qui ont la maîtrise du verbe, de la parole et qui transcrivent les joies, les peines, les colères, les souvenirs. Les écoles du hip hop, au delà, d’être des lieux de formation artistique, de partage et d’échanges, sont avant tout des lieux de forte cohésion sociale. Ouvertes à tous, ces organisations proposent tantôt des sensibilisations aux droits humains, tantôt des ateliers d’écritures pour les femmes victimes d’abus sexuels. Il est aussi possible d’y apprendre comment réagir face à un contrôle policier, de connaître ses droits.

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Nombreux artistes reconnus à travers toute l’Amérique latine interviennent dans ces différentes structures : Samuraï, Aguila Tway, Desorden Social, Askoman, El Autro Emece, MC K-NO… Souvent bénévoles, ces artistes méconnus en Europe ou aux Etats-Unis jouissent d’une grande renommée là-bas. Ils sont animés par l’idée qu’ils peuvent contribuer à changer la situations ou en tout cas améliorer le quotidien des quartiers populaires.

Bogota emprunte doucement un chemin plus serein et plus calme. Une vaste politique humaniste a été mise en place par Gustavo Petro à partir de sonélection en tant que maire en 2011. Cette politique, intitulée « Bogota Humana », soutient entre autres les actions sociales, culturelles et artistiques menées dans les quartiers populaires. Par conséquent, le mouvement hip hop commence à jouir d’une reconnaissance institutionnelle.

DSC_0025Les cultures urbaines conscientes se revendiquant plus ou moins de la Zulu Nation connaissent cependant deux ennemis de taille : les mouvances d’extrême droite liées au paramilitarismes, ainsi que le gangsta rap. Une partie des paramilitaires a déposé les armes pour se transformer en narco-trafiquants ou encore en proxénètes. Bien qu’il ne s’agisse pas de groupes officiellement organisés, ils sont appelés « Las Aguilas Negras ». Les nettoyages sociaux sont encore d’actualité et certains rappeurs en sont les victimes.

Enfin, il suffit de jetter un oeil aux clips de Crack Family pour comprendre que le gangsta rap colombien est loin d’être une musique chantée par des anges. Leur credo reste l’apologie de la prostitution, du basuco, de la violence… Triste réalité que tente de combattre le rap « real », qui souhaite avant tout une justice sociale pour la Colombie.

– Jérémie Barral
Photos : J.B.

Exposition photo : « Z-19, Bienvenidos a mi barrio » à Alchimia, rue Auguste Comte. Du 30 janvier au 15 février, vernissage le 30 janvier à 19h.

[1] « Quand sera le jour ? Quand sera le jour ? Quand sera le jour de la fin de la guerre et quand sera le jour du respect de la vie ? »
[2] Santa Fe de Bogota est le nom historique de Bogota
[3] Le Sud du Ciel, l’Enfer selon la Bible. C’est également un hommage au très célèbre album de Slayer « South of Heaven »
[4] Le son de la colline