Le Café Charbon de Nevers ? Bonne salle de concert, tu devrais y aller. Le 17 avril dernier, on y a rencontré Jah Pharaoh, frontman de Zenzile, qui passait avec son nouveau projet : City Kay. Comme quoi y’a pas que du rock à Nevers.
L’album Daystar vient de sortir, vous le sentez bien ? Bah écoute tout est lancé, tout est dans les tuyaux, tout se passe très bien. Les premiers retours sont très positifs. On est très contents.
Sur la pochette de cet album, on peut voir un scarabée aux ailes jaunes, est-ce qu’on doit y voir une référence au mythe égyptien de Khépri, le Dieu qui pousse le soleil ? Oui c’est complètement ça. Ça a plusieurs significations, on peut y voir le soleil, le renouveau la renaissance. Ce nom Daystar, incarne aussi ce renouveau. Tout ça se recoupe, ça vient essentiellement de notre son.
J’allais y venir, on est très loin sur cet album des standards des clichés du reggae traditionnel. Comment se passe la création artistique d’un tel album ? On a un peu mis tous nos clichés à la poubelle pour cet album et on en a rajouté d’autres. En studio, on a fait un album reggae et puis on l’a complètement remixé comme si c’était d’autres personnes qui l’avaient retravaillé. On a destructuré les morceaux sans regarder si ça faisait plus ou moins reggae. On avait une optique totalement autre, on voulait apporter un autre regard, une autre touche.
Dans une interview tu disais que tu es très content quand des gens qui n’écoutent pas de reggae viennent à tes concerts… Oui, c’est un peu un combat que l’on mène. Quand tu parles du reggae à des gens qui ne sont pas du tout mélomane ou même des amateurs de musique, il y a toujours les mêmes clichés qui reviennent. Et moi, par exemple, le reggae c’est ma vie. Du coup je suis vexé. Il y a tout un folklore du reggae qui nous colle à la peau avec un côté carte postale qu’on ne veut pas du tout assumer. Du coup, on veut faire du reggae de chez nous, à nous. On veut s’éloigner de tout ce qui dessert le truc.
Un des grands tubes de ce dernier album, c’est le morceau que l’on peut voir depuis un moment sur le net : City is a jungle. Est-ce qu’on doit y voir une critique de ce que peuvent être nos mégalopoles occidentales ? Oui, complètement. Comment tu vis des trucs qui sont vachement plus grands que toi et qui ont une influence sur ta propre vie ? C’est un peu l’interrogation de ce morceau. Je pense à la situation des années 80 qui m’ont beaucoup marqué. Ça rejoint un peu tous les combats qui sont menés par ceux qui font du reggae traditionnel. Il y a beaucoup de morceaux qui nous sont destinés à nous : on est Babylone, on vit à Babylone. Quand tu croises des Jamaïcains, des mecs qui sont bien dedans, un peu des intégristes du style, ils ne vont pas te cracher à la gueule. On n’en est pas là mais ils vont être un peu virulents par rapport à ce que tu fais. Nous en tant que « Babyloniens », on s’accorde un droit de réponse à ce qu’ils disent. Après on est d’accord avec ce qui est avancé, on ne veut juste pas être mis dans le même sac que les gens qui dénoncent. Nous, le reggae on l’adore, on l’aime, ça restera notre musique. On a eu l’occasion de rencontrer quelques très grands noms : Lee Perry, l’équipe de McAnnuff… Après, on n’est pas après eux, on n’est pas après le truc, on respecte. On n’est pas dans le côté fan, on va ne pas aller se mettre à genoux. Il y a un grand respect de notre part mais aussi une volonté de faire notre truc à nous.
Jay, on te connait également frontman de Zenzile mais aussi parfois membre de Sax Machine, est-ce que ce n’est pas trop compliqué d’être dans tout ces projets ? C’est un petit peu difficile, parfois il faut faire des choix, avec Zenzile ça s’est plutôt bien goupillé, avec Sax Machine, il a fallu choisir. Tout cela est toujours temporaire, Sax Machine, ça a été un projet qui s’est toujours voulu ouvert et qui a longtemps tourné sous différentes formes. C’est seulement depuis leur dernier album qu’ils se sont un peu posés avec le chanteur américain Racecar, on a pu faire un ou deux combos de deux chanteurs mais ça peut difficilement aller plus loin.
À la fin des années 2000, vous avez tourné en Afrique du Sud et dans ses pays limitrophes, comment ça se construit une telle tournée et comment ça se passe ?Dans l’ensemble, il y a une curiosité bienveillante. On était avant tout un groupe de blanc à débouler en Afrique pour faire du reggae. Là-bas, le reggae, ça fait partie de la culture intrinsèque, du patrimoine d’une certaine manière. On a eu un accueil loin des clichés touristiques, toutes les communautés rastas locales nous ont ouvert leurs portes. On a été mis en relation directe avec tous les chanteurs et musiciens. Ca a été un échange complètement dingue grâce à la musique. La musique casse les barrières et en Afrique, c’est un passeport pour échanger, t’intégrer.
– Propos recueillis par Jérémie Barral