Si je te parle du Jura il y a de fortes chances que l’idée de vin jaune clignote fort dans ta tête. C’est normal, j’étais comme ça aussi. Quand on me parle de Poligny par exemple, moi je vois une école d’hôtellerie et… la percée du vin jaune. Bon, il se trouve qu’il y a un autre événement pour ceux qui aiment lever le coude, sobrement intitulé : la fête de la bière.

Alors tu vas t’enlever tout de suite l’image des Bavarois buvant des litres de bières coupées à l’eau. On n’est pas à Munich ici, mais bien à Poligny, petite commune jurassienne de 4500 habitants réputé pour son Comté. Et puisqu’on est en Franche Comté, on va plutôt boire de la bière artisanale du coin.

Évidement il a fait beau toute la semaine, mais il suffit de poser le pied dans le Jura pour avoir droit à une petite pluie dégueu’ et pour descendre en dessous des 10 degrés. Les portes de la fête ouvrent à 14h30 ce 19 mars pour les plus pressés, mais les hostilités commencent réellement à partir de 15h.

Bon, si tu connais ce genre de « festivals » tu vois comment on se prépare : on s’arme de deux-trois bon copains, on a deux billets de 10 euros dans la poche et on tente de se convaincre qu’on va y aller doucement. Traditionnellement on achète à l’entrée une dizaine de tickets que l’on épuise de stand en stand pour pouvoir déguster tranquillement la boisson proposée. Ici, rien de tout ça : l’entrée est gratuite, il faut simplement acheter un verre à deux euros et on peut se rendre sur les 25 stands disposés sur une place de la ville. Pendant deux heures, la dégustation de bières est gratuite. Oui tu as bien lu, de 15h à 17h tu peux ne pas dépenser un centime et boire ton poids en houblon. Une boucherie. Prends ça les Houblonnades. Bien sûr on parle de dégustation, donc on ne te sert jamais plus de 10cl dans ton verre, mais comme je suis un garçon consciencieux, j’ai fait tous les stands.

Un rendez-vous imparable pour les amateurs et les pros

La Bonne Bouille, la Chargeoise et autre Cuc, voilà quelques noms de bières que l’on peut voir dans les stands. En général un brasseur vient pour présenter trois bières, une blonde, une ambrée et une troisième de son choix (blanche, brune etc). Tous les ans, un concours est organisé pour décerner un prix du jury et un prix du public sur un type de bière précis. Cette année, c’est la bière ambrée qui était à l’honneur. Pour info c’est La Hocheuse qui a gagné le prix professionnel et c’est Les Babouins jurassiens qui ont eu les faveurs du public, bon moi j’avais voté pour les deux frères et leur bière ambrée au miel, assez originale.

mrchargeoise

Pendant deux heures, on se balade de stand en stand, discutant avec les brasseurs et les visiteurs. Moi je suis arrivé comme un citadin qui découvre un petit festival champêtre, sauf que c’est déjà la douzième édition de cette fête de la bière et que c’est devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs, mais aussi pour les professionnels.

J’ai d’ailleurs pu discuter avec Laurent Simon, le co-propriétaire du bar le C.Kwan* à Besançon, et lui connaît bien le milieu. « Nous au C.Kwan, il y a 15 brasseries représentées et toutes sont franc-comtoises. C’est quelque chose qu’on ne sait pas forcément, mais la Franche-Comté est la deuxième région la plus productive en bière artisanale, juste derrière le Nord Pas de Calais. On en parle peu mais c’est aussi l’un des produits les plus caractéristiques du coin. »

Ici, l’happy hour est symbolique : la bière à 1 euro 

Bon ça y est, il est 17h, on a un peu la tête qui tourne, on fait une pause avant de revenir pour 19h. En arrivant à nouveau sur la place, on a juste le temps de se saisir de notre verre qu’on entend le speaker (oui il y a un speaker, l’esprit guinguette tout ça) hurler : « 3…2…1… ça y est c’est le début de l’happy hour, toutes les bières sont à moitié prix ». Alors ça paraît être un beau geste, mais quand on sait que le demi était de base seulement à deux euros, on se demande si les organisateurs ne veulent pas qu’on s’écroule au milieu de la place le verre à la main. C’est donc parti pour une heure de bière à 1 euro symbolique, histoire de refaire un tour et de cette fois établir un vrai top 3 de nos bières préférés. Pour ma part, il y une bière brune faite avec du malt à whisky, donnant un petit goût tourbé bien agréable, la bière ambrée au miel dont j’ai déjà parlé et enfin une bière IPA proposée par la brasserie L’Origine du monde.

L'origine du monde

A 20h, on est pas loin de l’apocalypse niveau alcoolémie, les bières sont repassées au prix scandaleux de deux euros le demi et les concerts peuvent commencer. Parce que oui, pour ne pas se retrouver qu’avec les chansons de mecs bourrés en fond sonore, c’est mieux de proposer un peu de musique. Bon… on a donc alterné entre du rock celtique et des groupes reprenant Noir Désir et Matmatah. Ouais mon pote, on sait se la donner dans le Jura.

Vers 23h30, le sang dans mes veines est entièrement remplacé par du houblon, mes poches sont vides, il est temps d’arrêter le massacre. Au final il y a environ 3500 personnes qui sont venues passer l’après midi et soirée à Poligny, pour découvrir les bières artisanales locales. Il y avait de tout : des familles, des habitués et des jeunes qui en profitent pour se prendre une cuite à peu de frais. Bon, c’est sur que le cadre n’est pas le plus sexy de la terre et que le temps était pourri, mais on se retrouve assez vite dans une ambiance bon enfant, avec des passionnés et des brasseurs francs-comtois ravis de pouvoir parler de leur boulot et de faire découvrir leurs créations. À l’année prochaine.

« De toute façon ce qui compte dans la vie gamin, c’est de ne pas se faire chier et de rire un bon coup avec les copains. » Gérard, philosophe Polinois.

– Romain Mc Gaw

*Tirant son nom des Séquanes, le peuple gaulois occupant la Franche Comté, ce bar situé place Bacchus à Besançon nous donne tout de suite la couleur, ici c’est la région qui est mise en avant. Petit bar qui ne paye pas de mine, le C Kwan propose des bières artisanales pour pas trop cher. Laurent Simon et Guillaume Cuinet, les propriétaires du bar, misent sur une ambiance conviviale et sur du classique : des concerts, des retransmissions de matchs (priorité au FC Sochaux), des tournois de coinche et j’en passe. Bien sûr ce qui fait la particularité de ce troquet, c’est sa carte des absinthes : des vertes, des blanches et un degré d’alcool qui fait chauffer la tête. Bref un bistrot bien sympathique et si vous voulez un avant goût de la fête de la bière, c’est par là qu’il faut commencer.