La survie, c’est méga à la mode. Au départ, on a vu Tom Hanks dans le film, puis Bear Grylls le balaise. Maintenant, il y en a pour tout le monde, même pour les pécores comme nous. C’était l’occaz’ rêvée de retourner à l’état sauvage tout en restant pas trop loin de chez nous… 

Ça vous est déjà arrivé de survivre à un crash d’avion et de vous retrouver seul au milieu d’une forêt sans téléphone, sans vivres, sans rien ? Ben moi non plus, mais je me prépare au pire, car c’est comme ça la vie moderne, la vie sous le régime Macron, en marche ou crève, un peu comme un roman de Stephen King sans clown mais avec le couteau entre les dents, prêt à tout pour se maintenir à flots. Grâce au stage de survie que je vais vous narrer maintenant, je pourrais (presque) subsister au cas de figure précédent. Prends ça dans les babaches, Mike Horn.

Tu connais le topo ?

Le rendez-vous est pris : 9h samedi matin sur le parking de Reulle-Vergy, dans les Hautes-Côtes de Nuits pour une balade un peu particulière de 24h dans les bois. Ok, je sais, Reulle-Vergy, c’est pas l’Amazonie mais faut bien faire avec ce que l’on a dans le coin, et étant donné mes connaissances en milieu forestier sauvage, cela me convient très bien. Cependant, pour corser un peu le niveau du stage, j’ai décidé de sortir la veille, de m’alcooliser et de dormir très peu, histoire d’être bien à fond. D’ailleurs, cela se vérifie très vite car je me pointe avec 20 minutes de retard au rendez-vous. Damien m’attend, c’est un ancien sergent parachutiste et il sera mon professeur de survie avec les 8 autres candidats de ce stage aux accents de Koh-Lanta. Après un bonjour rapide, je m’occupe de mon paquetage. Damien me refile une ration de survie de l’armée, le grand luxe pour moi qui n’avais pas eu le temps de petit-déjeuner. Je récupère également une gamelle, un couteau, une bâche, une carte, une boussole, une lampe frontale ainsi qu’un litre et demi de flotte. Sans oublier le duvet rapporté par mes soins et pas du tout adapté à la saison. Je sais ce que vous vous dites : ce mec est aussi équipé que pour taper deux semaines sur le GR20, ce à quoi je vous répondrai que la survie niveau 1, ça se prépare mon p’tit monsieur.

« Les heures avancent, et on à l’impression de développer des skills de malade, un peu comme Bear Grylls quand il échappe à l’ours polaire dans la première saison. »

Après seulement quelques mètres, Damien nous montre que l’on peut manger un peu tout lorsque l’on se retrouve dans la nature, à condition de savoir ce que c’est. « Si tu connais pas, tu manges pas ». Me voilà donc en train de déguster des orties à 9h30 un samedi matin. Pas mauvais ma foi, mais un peu léger pour remplacer un english breakfast. Pas le temps d’imaginer les saucisses ruisselantes de sauce Worcestershire, puisque nous sommes déjà sollicités pour nous orienter sur la carte IGN. Pour les plus grands fans de course d’orientation, ce n’est peut-être qu’un détail, mais pour moi, à 9h45 ça veut dire beaucoup… d’abnégation. Tu te rappelles comment on oriente la boussole ? Comment on lit une carte IGN ? Que veulent dire toutes ces lignes concentriques ? Personnellement mes souvenirs ne sont pas frais et cela permet au groupe d’échanger, et de se rapprocher rapidement dans l’adversité. Je fais équipe avec une nana qui a l’air aussi douée que moi, probablement pas une fan des balises de l’époque. Si seulement je pouvais enclencher Google Maps… Merci Bouygues Telecom et son zéro réseau dans les Hautes-Côtes. Heureusement, dans le groupe on a aussi un couple père-fils de ferrailleurs qui ont fait le chemin depuis Vichy, et qui ont l’air sacrément à l’aise dans la forêt. Ils prennent le lead jusqu’au premier point-relais, sous le regard approbateur de Damien.

Règle n°1 : Ne pas toujours croire les trucs de grand-mère

Damien, c’est le genre de mec que tu débarques au pôle nord avec un slip de bain pour tout vêtement sans une brosse à dents et que tu vois rappliquer le lendemain après-midi au bord de ta piscine avec le sourire jusqu’aux oreilles, les poches bourrées de pesos (cette expression issue du film En Terrain Miné est également valable pour Steven Seagal période 80-90). Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il a la vulgarisation facile. En plus de te donner des tips et astuces pour te repérer, il te raconte les trucs qui ne marchent pas du tout comme poser la boussole sur la bagnole. Comme les gendarmes font avec Corinne Touzet dans les séries nulles, sauf que le métal ça te fausse ton nord géographique et que t’es de la baise pour retrouver ton chemin dans le bois. Par contre, pour s’orienter, ce qui est un peu la base de la survie, on peut se fier au soleil. En prenant sa montre, si on en a une, et en déterminant l’heure solaire (une heure de moins que l’heure actuelle en été, et deux en hiver) ou en reproduisant un cadran solaire sur le sol on peut retrouver le nord easy. Par contre, Damien nous explique que la mousse sur les arbres qui indique le nord, selon les dires de nos grands-mamans, n’est pas forcément un truc qui marche : « les conditions d’ensoleillement et d’humidité jouent un rôle majeur, et je ne parle pas de l’hémisphère sud ou de la jungle, où tout pousse partout ». Ah oui forcément vu comme ça…

« Damien me refile une ration de survie de l’armée: C’est Byzance, même chez moi, je n’aurais pas rêvé mieux. »

Et qu’est-ce que l’on dit au gentil braconnier ?

Les heures avancent, et on a l’impression de développer des skills de malade, un peu comme Bear Grylls quand il échappe à l’ours polaire dans la première saison. Nous, on fait des pièges de fou pour choper des lapins de garenne, c’est pareil. Enfin, pas tout à fait, car braconner c’est interdit en France, et il vaudrait mieux pas que l’on se fasse choper par l’ONF ou autres Walker Texas Rangers des forêts. Mais pour Damien, c’est quand même important de nous montrer, en cas de survie, comment ça se passe. J’en profite pour aborder la question des survivalistes avec lui. Vous savez, ces mecs bas-du-front, à la limite du faf, qui se préparent à l’éventualité d’une fin du monde en accumulant des boîtes de haricots dans un abri anti-atomique tout en tenant des discours débiles. Pour Damien, rien à voir avec son activité, le but du stage ici « est de montrer que la forêt peut être un endroit inhospitalier qui a ses règles. Si vous êtes confrontés un jour à une situation dangereuse, j’espère que mon stage pourra servir ». Effectivement rien à voir, ce n’est pourtant pas la première fois que l’on fait le rapprochement entre son activité et les survivalistes adeptes de théories fumeuses. « Quand j’ai lancé ma boîte Time on Target, les gendarmes sont venus me voir pour vérifier ce que je faisais. En tant qu’ancien militaire, ils se sont posés quelques questions sur mes intentions ». Cependant Damien ne pense pas à mal, au contraire, il partage son goût pour la nature, il est d’ailleurs aujourd’hui référent pour des émissions de télé-réalité célèbres basées sur la survie. « C’est sûr que c’est un effet de mode télévisuelle qui attire les gens aux stages ».

De la flotte et des joues de porc pour John Rambo

La matinée se passe entre apprentissage et randonnée tranquille, la pluie nous guette, elle a été annoncée de longue date mais pour l’instant on passe à trav’. Vers les 13 heures, mon bide commence à crier famine, heureusement on s’arrête pour entamer le module « eau ». La journée de stage, vous l’avez sans doute compris, est divisée en modules d’apprentissage avec différents pôles d’enseignements majeurs. La flotte en fait bien évidemment partie. Le postulat de base étant : comment trouver de l’eau quand on n’en a pas. Bon, en l’occurrence j’ai 1.5 litre dans mon sac que je dégomme allègrement. Autant vous dire que je n’ai rien écouté du pourquoi du comment on récupère de la flotte si on n’a pas de Cristalline… J’ai un peu de mal à me concentrer, surtout que ma ration de survie me fait méchamment de l’œil. J’attends sagement la fin du module pour me ruer sur mon en-cas, un peu à la manière de Solid Snake dans Metal Gear Solid pour les plus geeks d’entre nous.

« Outre la batterie de nœuds qu’il faut connaître pour fixer la tyrolienne, il faut par la suite grimper dessus en cochon pendu, puis se retourner à la force des bras, passer la corde entre ses parties intimes sans finir eunuque avant de traverser à même le vide. Perso, je n’étais pas très chaud pour le faire. »

En ouvrant le carton, je tombe sur une quantité de bouffe incroyable, des barres vitaminées, des gâteaux secs sucrés et salés (infâmes au passage), du potage, du fromage fondu, du thon à l’escabèche, des compotes, du bœuf en salade… J’ai même un réchaud de poche pour faire chauffer mon plat principal : de la joue de porc en raviole. C’est Byzance. Même chez moi, je n’aurais pas rêvé mieux, c’est un peu comme si Paul Bocuse venait me servir dans les bois. Je garde le chaud pour le soir et commence à déguster différents mets raffinés, Damien nous explique que ce sont des rations de l’armée qui sont destinées aux militaires à l’étranger, avec lesquelles les soldats peuvent tenir au moins 3 jours. Bon, le club des petits gros s’en chargera en 24 heures, la randonnée ça creuse… Malheureusement, Damien n’a pas pensé au module digestion dans sa journée, vous savez, l’activité qui consiste à bailler aux corneilles en se racontant des souvenirs. Il nous reste de la route à faire pour atteindre notre camp pour la nuit, sachant que l’on doit encore apprendre à monter notre abri, créer une tyrolienne et faire du feu. Easy Peasy, comme dirait nos voisins anglo-saxons.

Bed and Breakfast dans la forêt de Sherwood

« Comme on fait son lit, on se couche », vous connaissez probablement ce proverbe d’un ancien temps, qui prend malheureusement tout son sens dans les bois, en particulier quand vous n’avez pas de tente. Car comme je le mentionnais en préambule, la bâche que l’on a dans notre sac sera notre « sleeping bad » (analogie de « sleeping bed », expression déposée par moi-même à l’INPI). Il est donc important de savoir comment l’installer avant qu’il ne fasse nuit noire. Comme d’hab’, Damien nous fait ça comme un chef en deux temps trois mouvements, entre deux arbres. Il est important de considérer le vent (pour ne pas être trop exposé), et de se construire 4 piolets à base de noisetiers, histoire de bien maintenir la base, un peu comme vos sardines de tente 2 secondes en festoche. Une fois que cela est monté, on cherche de la mousse pour installer son nid douillet pour passer la nuit, mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point un peu plus tard… Nous continuons nos pérégrinations en forêt, la digestion et mon manque de sommeil commencent à se faire sentir, et pour en rajouter une couche, c’est à mon tour de m’occuper de la topographie avec ma collègue Cécilia. Cécilia, c’est le genre de nana sportive, fondue de crossfit (ce sport estampillé par Reebok qui a remplacé la zumba dans les salles de sport), et désireuse de se dépasser dans les activités. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle s’est inscrite. Malgré son expérience dans les bois, la topographie n’est pas son fort, et comme elle me confie que son sens de l’orientation est très approximatif, je décide de lui demander par instinct où elle irait. En prenant l’inverse de son conseil, nous voilà à nouveau sur le bon chemin. Efficace.

« Pour faire du feu, il faut : de la paille sèche, des herbes sèches, de la brindille sèche et du bois sec. Quand il pleut, c’est dur à trouver. »

On passe donc à la vitesse supérieure avec la tyrolienne. Contrairement à ce que l’on peut penser, la tyrolienne c’est pas le truc marrant que l’on fait gamin pour traverser des bacs à sable (ça c’est une poulie), ou le mec qui chante sur les montagnes suisses (ça c’est Eric des Musclés). La tyrolienne, ici, consiste à tendre une corde au dessus d’une étendue d’eau ou d’un truc dangereux pour passer en toute sécurité. Bon, le truc que j’ai pas compris de prime abord, c’est qu’il y a quand même bien quelqu’un qui doit se bourrer de passer le rapide ou le ravin pour attacher la corde de l’autre côté, mais bon passons. Ce module n’est vraiment pas évident, outre la batterie de nœuds qu’il faut connaître pour fixer la tyrolienne, il faut par la suite grimper dessus en cochon pendu, puis se retourner à la force des bras, passer la corde entre ses parties intimes sans finir eunuque avant de traverser à même le vide. Perso, je n’étais pas très chaud pour le faire. J’aurais dû suivre l’exemple d’un autre participant, un informaticien venu lui aussi avec son fils, et qui nous a évoqué un sombre problème d’épaule (on peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi ils viennent tous avec leur fils, visiblement toutes les mères de familles offrent un doublé survie à leur rejeton et leur mari pour passer un week-end pépouze avec le facteur). Pour en revenir à cette tyrolienne, touché tout de même dans mon ego surdimensionné, j’ai essayé de franchir l’obstacle avant de m’arrêter à l’étape 2, c’est-à-dire juste avant de me vautrer comme une merde.

Je te fais le feu  !

La journée continue et je dois avouer qu’elle passe bien plus vite que dans mes pires appréhensions. Et puis, il faut dire que l’on arrive sur l’activité phare, celle dont tout le monde m’a parlé avant le stage : apprendre à faire du feu ! Bien évidemment, il commence à flotter juste à l’évocation de ce nouveau module, de quoi rendre la tâche un peu plus ardue. Alors c’est simple, pour faire du feu, il faut : de la paille sèche, des herbes sèches, de la brindille sèche et du bois sec. Bref, des trucs secs. Quand il pleut c’est le plus dur à trouver. Nous voilà repartis en groupes de trois pour rassembler tout ça. Deux façons de faire un feu sans briquet : la technique de l’archer (ou celle du bout de bois qui tourne dans une cavité, le genre de truc impossible où même McGyver galère) et l’autre, à savoir frotter son couteau contre un firestarter, ou plus communément une pierre à feu. En gros, on frotte le magnésium avec le couteau, ce qui va créer des étincelles et permettre à la paille de prendre feu, puis aux brindilles, puis au bois. Sur le papier, aucun problème. Le problème ici, c’est la fucking pluie. Il est super difficile de trouver de la paille ou de l’herbe sèche. Après une demi-heure d’essais infructueux, j’hésite une seconde à prendre le briquet que je viens de retrouver dans ma poche. Comme je sens que le truc n’est pas très Coubertin, on continue un peu, jusqu’à réussir à faire prendre la paille. Mais c’est là que les problèmes arrivent. Il faut être très attentif à ne pas recouvrir le feu trop tôt, sinon c’est le fail assuré. Selon Damien, « le feu doit tenir 5 minutes, avant de savoir si celui-ci va être pérenne pour des heures ». À force de travail, on obtient le résultat escompté, avec une belle dose de fierté. Et puis on éteint le feu avant de repartir, frustrés. Il est temps d’installer notre camp pour la nuit.

« Je ressens mes lacunes en pleine nature. J’en chie comme un russe pour trouver de la mousse, avant d’arrêter de regarder par terre pour me rendre compte qu’elle pousse en abondance sur le tronc des arbres. »

Un soir au camp d’été…

Le voilà le gros morceau du stage : dormir dans la forêt fin octobre sans tente, de quoi calmer les lecteurs qui doivent penser qu’à ce stade là de l’article, j’étais en vacances dans les bois ! On s’enfonce un peu plus dans la forêt pour trouver un endroit à l’abri, c’est-à-dire loin d’un chemin balisé, et suffisamment couvert en cas de pluie, pluie qui a d’ailleurs fini par se calmer depuis l’épisode du feu. En arrivant sur le site, on met en action les cours de l’aprèm. On installe nos bâches par binôme, c’est d’ailleurs le moment de vous présenter mon nouveau collègue, celui avec qui je vais avoir l’honneur de passer la nuit : Gérard ou Gégé pour les intimes que nous ne sommes pas (encore). Gérard est un médecin généraliste de 71 printemps, qui aime dépasser ses limites. Adepte du saut en parachute et ancien médecin pénitentiaire, il vit pour l’adrénaline. Un peu comme moi, mais en plus prononcé quoi. Malgré des talents évidents de survie, notre aventure pour fixer la bâche n’est pas si bien partie que ça. On galère à mort pour attacher le truc et mes pauvres piolets taillés dans le noisetier, qui font pourtant le taf, ne satisfont guère Gérard qui part dans un complexe procédé de calage à base de troncs d’arbres. Qu’à cela ne tienne, je m’affère à trouver de la mousse avant que la nuit tombe. Je n’ai pas peur de dire que je suis carrément citadin, mais là je ressens clairement mes lacunes dans la nature, et j’en chie comme un Russe pour trouver de la mousse, avant d’arrêter de regarder par terre pour me rendre compte qu’elle pousse en abondance, et au sec, sur le tronc des arbres ! Cette réflexion, pourtant simple m’a pris tout de même bien 10 minutes. Je prépare désormais mon lit de mousse à la frontale. Gérard, qui cogite toujours à plein tube sur son système, me dit qu’il n’a pas besoin de mousse. Chic, je me fais un matelas digne d’un Bultex ©. Pendant ce temps, mes collègues plus alertes, aka la famille de ferrailleurs Damien et Cécilia, ont déjà réussir à faire partir un feu. On peut enfin tous se retrouver autour du brasier pour la collation. À moi les joues de porc qui me faisaient de l’œil depuis le matin ! Le repas se passe dans le calme, on est tous un peu fatigués de la journée, même si on n’a pas énormément marché, environ 15 km. Il fait désormais nuit noire, on profite du feu pour réchauffer potages et autres denrées. Le litre et demi d’eau s’est tari et je me dois de les provisionner pour la nuit. Pas d’harmonica ou d’histoire type chair de poule, après le repas tout le monde part se coucher. Demain, debout 5h30 pour lever le camp.

When the night has come…

Lorsque l’on s’enfonce dans son duvet, on a peur, peur de se les cailler à mort, peur d’être mouillé par le sol qui à défaut d’être détrempé, est bien humide. Par contre, je suis très agréablement surpris par la mousse. Cela permet de conserver le corps au sec, et même d’apporter une certaine forme de confort. Les premières minutes, on est galvanisé par le bruit du vent dans les feuilles, par le sentiment, un peu cucul de plénitude qui nous entoure. « On n’est pas grand-chose, hein Gégé ? » Et puis ensuite, ben on a froid. Ok, ce n’est pas la mort car ce mois d’octobre a été plus que clément mais une nuit à 8 degrés, c’est quand même pas la fête. Damien nous l’avait dit : « il y a de grandes chances que vous dormiez par intermittence ou pas du tout ». Heureusement vu mon état de fatigue, je me place dans la première catégorie. Ce qui est bien avec ce genre de nuit, c’est que le réveil se passe sans accroc, pas de place pour les grasses mat’. Après avoir ravivé le feu, on s’assoit ensemble pour parler des expériences plus ou moins traumatisantes de la nuit passée en partageant un café lyophilisé avec un goût pas des plus légaux (les amateurs reconnaîtront). Pour les plus accrocs à l’hygiène, et pour ceux auxquels il reste un peu d’eau, on peut même se brosser les dents à la cendre froide, qui représente une excellente pâte à dent. Après quelques minutes de torpeur généralisée, on doit tout de même plier rapidement et faire le chemin inverse… À la frontale. Hé oui, il fait encore nuit noire et on s’est pas mal enfoncés dans le bois pour trouver notre coin douillet. Après une heure de marche accompagnée d’un superbe crépuscule, le soleil pointe le bout de son nez. On discute avec les participants comme si on les connaissait depuis un moment, des camarades de galère avec qui on voit le bout du tunnel ! Avant de retrouver nos voitures respectives et de retourner à la civilisation, Damien me demande comment ça s’est passé et me lance un petit « ça te tente de venir faire la survie niveau 2 ? Ça se passe en février, cette fois on part sans sac, sans eau, sans bâche. Juste avec un couteau. » Je me laisse le temps de la réflexion… En attendant, je retrouve la civilisation avec un regard neuf, ces routes grises et ces gens bruyants, acculés par des problèmes futiles. Je me dis que plus jamais je n’irai dans un centre commercial, ces palais consuméristes. Avant de passer devant le Super U de Fixin et de voir sa promo sur les pains chocos, trois pour le prix d’un. Demi-tour rapide, je klaxonne une vieille qui gueume au feu rouge, avant de poser un frein à main sur le parking. Que voulez-vous, il faut bien survivre.

 

  • Frank le Tank.

Illustration : Michael Sallit.