Entre Joigny et Sens, il y a toute l’histoire du cinéma. Une énorme collection qui regroupe des objets cultes de certains films symboliques du XXème siècle. Par exemple, il y a le légendaire diamant Youkounkoun du Corniaud, de plusieurs centaines de carats (bon on va pas se mentir, c’est un joli morceau de plexiglas bien taillé), la caméra de La Grande vadrouille ou le chapeau des Visiteurs du soir… Alors, pourquoi on n’a jamais entendu parler de cette collection incroyable ? Sparse a enquêté pour en savoir plus.

Petite cité médiévale du centre de l’Yonne, Villeneuve-sur-Yonne est connue pour différents célèbres personnages. Passons sous silence le funeste docteur Petiot trop connu pour ses horreurs et intéressons-nous aux secrets inconnus et incroyables des lieux. Chateaubriand aimait descendre à l’occasion au cœur de la petite cité pour se ressourcer. Il y a maintenant quelques années se sont installés les frères Loubeau. Créateurs de l’association Le cinéma s’expose. On n’imaginerait pas qu’un projet d’ampleur internationale aimerait y voir le jour aux abords de la forêt d’Othe dans un manoir.

C’est tout simplement la plus grande collection mondiale d’objets liés à l’histoire du cinéma. Presque tout y est : lanternes magiques, images animées, premiers projecteurs… La liste est longue et les pièces de collection multiples. Loin d’être une collection d’antiquités, le fonds compte de nombreuses pièces incroyables appartenant à l’imaginaire et à la culture commune. « Là, au milieu de la pièce, c’est la caméra que Georges Lucas a utilisé pour tourner Un Nouvel Espoir, le premier Star Wars », nous montre François Loubeau. Forcément, même sans être sensible aux cultures geek, on ne peut que trouver ça incroyable. Idem, plus proche de la culture franchouillarde, la caméra qui a servi à tourner La Grande vadrouille se trouve aussi au cœur de l’Yonne.

Ces deux frères jumeaux sont tombés dans le cinéma très jeune. Ils ont travaillé dans les années 80 à développer un service d’annuaire des mondes du cinéma via minitel. Toujours proche du cinéma, ils ont exercé comme conseillés, réalisateurs, scénaristes. Comme pour beaucoup, c’est une Super 8 familiale qui servira aux premiers tournages. « On a vite décidé de créer un cinéma pour nos copains dans le grenier chez nos parents. On avait déjà un modèle économique. On vendait des places et des bougies pour financer la pellicule du court métrage qu’on allait diffuser le jeudi suivant », explique François.

« Là, au milieu de la pièce, c’est la caméra que Georges Lucas a utilisé pour tourner Un Nouvel Espoir, le premier Star Wars »

Le cinéma et les tournages accompagneront alors les deux frères tout au long de leur scolarité. Ils négocient des après-midis de cours contre des tournages inscrivant ainsi leur passion dans leurs parcours scolaires. Quand une passion déborde sur l’école, c’est en général ainsi que l’on rate ses examens et que l’on doit redoubler sa terminale. À l’occasion de la deuxième année de préparation de l’examen, les compères connaissaient déjà les programmes et décident de se lancer dans une nouvelle aventure cinématographique. Bien sûr, l’époque n’était pas la même. Il y avait de gros annuaires qui regroupaient tous les contacts des personnalités du cinéma. On n’imaginerait pas aujourd’hui trouver le 06 de Jean Dujardin comme à l’époque il était possible d’appeler Michel Audiard.

À force de courage et d’audace, les deux frères se font un nom dans le monde du cinéma. Ils passent des coups de fils, invitent des auteurs, rencontrent des acteurs et écrivent en scénarios. Ils sont les maîtres d’œuvre de projets de différentes importances, des films avec Ventura, ou Claude Rich entre autres… En même temps, ils commencent une collection d’objets cinématographiques. Une passion était née. Les deux frères s’allient à deux amis et fondent l’association Le cinéma s’expose. « On a commencé à collectionner au fil des tournages, des brocantes et puis à la mort d’un grand collectionneur, sur sa demande, sa veuve nous a cédé gracieusement tout le fonds. On l’a enrichi au fur et à mesure des ventes aux enchères, des rencontres. »

Le lien avec la Bourgogne vient tardivement. C’est une grande propriété, le château du Champ-du-Guet, une ancienne colonie de vacances perdue dans la forêt qui devait être la genèse de la cité du cinéma. Bien sûr, le nom est controversé et le conflit non dissimulé avec un réalisateur français bien connu. Ce site n’est pour l’heure pas ouvert au public. Le cinéma s’expose voudrait créer un espace de grande ampleur, musée interactif, lieu dédié à ce patrimoine exceptionnel. « On a eu des dizaines de rencontres, des promesses mais jamais de volonté suivie », continue François, un peu blasé.

La caméra de La Grande vadrouille ou le chapeau des Visiteurs du soir

Pourtant rien ne se fait, point d’investisseurs privés, point de soutien public. Des années de combats pour essayer de trouver des financements dédiés à un projet ambitieux pour conserver la mémoire du cinéma et la partager. Aujourd’hui, les frères Loubeau et leurs amis ne baissent pas les bras et espèrent toujours ouvrir un espace culturel en France. Pourtant, les investisseurs étrangers sont prêts à racheter la collection. « La Colombie, le Qatar ou encore le Japon seraient enchantés d’accueillir Le cinéma s’expose ».

L’association tient à son pays et aimerait voir un pôle culturel cinématographique naître. Les pouvoirs publics et choix politiques forts se font toujours attendre. Mais franchement, ça serait classe d’avoir une cité internationale du cinéma à Villeneuve. On pourrait dire : « Tu sais, la ville du médecin tueur en série et du cinéma. »

  • Texte et photos : Zak