On a rencontré le groupe alsacien Last Train avant leur passage sur scène au VYV Festival au mois de septembre. On s’est posé une ambiance transat au soleil afin de discuter avec eux de musique, de concerts et un peu de chansons françaises inavouables, enfin de la vie quoi !

Frank le Tank : Le deuxième disque que vous avez sorti s’appelle « The Big Picture » et il date de 2019, ce qui commence à remonter maintenant… Vous êtes dans quel état d’esprit en ce moment pour un disque qui est déjà vieux pour vous ? Vous incrémentez des nouveaux titres dedans ? Comment ça se passe sur scène ?

Last Train : Il faut être honnête, on a eu la chance de faire près de 70-80 dates en tournée dans toute la France mais aussi en Europe, ça nous a fait beaucoup de bien contrairement à pleins d’artistes qui ont sorti des disques pendant le confinement sur lesquels ils ont pu faire 3, 4, 5 dates. On se sent chanceux. Y’a aussi le fait que la scène ça a toujours été un peu comme ça pour nous : On aime bien prendre notre temps et on aime bien s’approprier les titres. Le fait de prendre le temps et trainer les titres sur plusieurs années c’est hyper important pour le processus d’incarnation du morceau et de digestion de l’idée. Je crois qu’il y a des sujets de ses chansons qui restent d’actualités pour nous tous et on est hyper fier et heureux de les jouer aujourd’hui donc y’a pas temps de lassitude. Même si on aurait préféré que ça soit dans une temporalité plus… logique on va dire.

Il y a quand même des nouveaux titres qui s’ajoutent sur le live, des trucs que vous avez bossés ? la période COVID ça a été quoi ? C’était quelque chose de prolixe pour le groupe ou c’était plutôt plombant parce qu’il n’y avait pas de concerts justement ?

Last Train : Je dirais un peu des deux, c’était quand même vachement plombant, les gens n’étaient pas aux mêmes endroits pendant le premier confinement. Le local de répet était fermé donc ça a quand même fait un arrêt bien vénère. C’était une pause imposée, du coup ce n’était pas facile d’être prolifique et inspiré mais on a quand même bossé.

Est-ce que vous avez utilisé ce temps-là pour écrire un nouveau disque, tester des nouveaux trucs ?

Last Train : On en a profité pour rassembler des idées et puis se heurter à un genre d’exercice de style qu’on avait en tête depuis un moment. On est allé jusqu’au bout de l’histoire, ça devrait sortir pour cet automne.

T’entends quoi par « exercice de style » du coup ? C’est secret ? Tu nous tease ?

Last Train : Effectivement, on n’en parle pas encore aujourd’hui car on n’a pas sorti la promo mais oui on va sortir de nouvelles choses. Ça ne sera pas un album, ni un EP mais quelque chose qui rassemble plusieurs éléments qui définissent Last Train où l’on se rapproche de plus en plus de l’image. Tu as peut-être suivi le fait qu’on réalise nos clips nous-mêmes, on a réalisé un documentaire aussi. Je crois qu’il y a des ponts de plus en plus évidents entre notre musique et le cinéma. On avait envie d’écrire de la musique qui s’en rapproche, on avait envie de mettre des images dessus. Donc ça sera de nouvelles choses à écouter et à voir qui devrait sortir cet automne.

Est-ce qu’il y a des autres envies musicales pour ce qui va sortir ? Est-ce que « stylistiquement » parlant vous voulez aller vers des trucs différents, peut-être plus pop, plus psyché ? Ou alors est-ce que vous gardez l’identité propre qu’est la vôtre, à savoir rock ?

Timothée : Un peu des deux. Ça reste 4 mecs qui font du rock. Je ne suis pas sûr qu’on soit le genre de groupe a se focaliser sur un style musical bien particulier, genre un album complètement axé électro année 80 pété de machines, mais on se nourrit un peu de tout.

Julien : Un peu comme Arctic Monkeys, je trouve. Sur leurs albums y’a plein d’évolutions. Au début c’est ultra-brit-pop, après t’as un côté plus stoner puis dans l’album suivant t’as un mélange des deux. Le dernier était très esthétique, 70’s hyper léché. Y’a un écart mais tout de même une continuité dans leur discographie. Sur le dernier album c’est plutôt en mode « parti pris ».

Jean-Noël : Je crois qu’on n’est pas trop dans ce truc de parti pris avec une esthétique particulière, en ce moment en tout cas. Tim a dit un truc intéressant : c’est qu’on se nourrit de tout. Des fois, quand on commence une zik en partant d’une envie, comme quelque chose de Math (Math-rock, style de musique avec des mesures composées NDLR), on se rend vite compte que finalement ça ne nous correspond pas et qu’il faut aller chercher l’idée et l’essence de ce truc-là, sans forcément le dégueuler.

Ok, donc tu prends le riff Math-rock qui te plaît mais tu l’adaptes à la sauce Last Train, c’est ça ?

Last Train : On test tout ça en répet’ puis ça s’adapte, on voit si ça fait bizarre ou pas. C’est pour ça que ça prend beaucoup de temps. On aime bien prendre notre temps, c’est un luxe dont on jouit autant que possible.

C’est beau. En parlant de ça, est-ce que y’a des groupes qui vous influencent aujourd’hui alors que ça ne vous parlait pas à l’époque ? Dans ce que vous avez envie de faire dans le futur avec le groupe ? Des marottes, des groupes qui vous saucent particulièrement en ce moment ?

Last Train : On grandit donc on découvre énormément de choses. On apprend aussi à aimer certaines choses qu’on aurait un peu catégorisées ou interdit avant.

Tu écoutes un peu du Michel Jonas quand tu es tout seul dans la voiture, des trucs comme ça, non ?

Timothée : Pendant longtemps j’ai pensé que la chanson française c’était un truc de ringard alors que pas forcément. Donc je me retrouve à écouter à donf « Starmania » en boucle parce que c’est énorme en fait. On accepte aussi plus de choses. Rien n’est ringard.

Vous parliez du documentaire tout à l’heure « The Big Picture » que vous avez réalisé. C’était un rêve de gosse ? C’était à cause de « The Song Remains the Same » de Led Zepplin que vous avez fait ce documentaire ou quoi ?

Last Train : Ouais c’est un rêve de gosse. C’est assez stylé d’avoir un documentaire et puis comme pour beaucoup de choses avec Last Train, comme personne ne le faisait pour nous, on l’a fait nous-mêmes. Les choses se sont faites pendant la période de COVID où le Main Square Festival était annulé et laissait carte blanche à tous les artistes pour faire une édition en ligne, donc on est parti de là. On s’est dit qu’on pouvait parler de « The Big Picture » qu’on n’a malheureusement pas pu tant jouer sur scène et faire un genre de petit documentaire de 10-15 minutes avec des interviews. Finalement, y’a eu tellement de rushs de choses intéressantes, notamment des vidéos de Hugo Pillard qu’il avait filmé en Norvège quand on allait enregistrer, que l’on a balancé un 45 minutes sur le Main Square qu’on a retravaillé par la suite et c’est devenu le documentaire publié sur Youtube. On en est très content !

Julien, toi t’es plutôt dans la vidéo. J’ai l’impression que pour les membres de Last Train y’a pas forcément d’autres groupes, vous ne jouez pas dans d’autres projets, par contre vous avez votre « pré-carré » en faisant vos propres activités annexes. Jean-Noël tu fais du booking, Timothée de la cuisine et toi Antoine, qu’est-ce que tu fais ?

Antoine : Moi je fais beaucoup de batterie.

Frank le Tank : un vrai musicien quoi, le seul.

Last Train : Nous, on aime bien avoir d’autres petits trucs à côté, ça occupe notre temps libre quand on n’est pas ensemble en concert. Le booking par exemple, ça nous rattache à un truc un peu plus réel. C’est une autre échappatoire artistique, différente de la musique dans lequel on évolue.

Du coup, c’est ça votre recette de la longévité ? De ne pas s’éloigner avec d’autres projets, rester avec le vaisseau amiral mais en ayant des trucs annexes et complémentaires à côté.

Last Train : Ce n’est pas bête dit comme ça. Ça permet de rester ancré dans un truc. En même temps, on n’est pas h24 dans une maison à faire de la zik. En fait, chacun fait son truc selon ses envies pour se stimuler.

C’est comme ça qu’on apprend pleins de choses. On a toujours vendu le fait qu’on était indé mais en même temps on avait pleins de partenaires et petit à petit on a fait de plus en plus de choses par nous-mêmes car on a eu la chance de l’apprendre. Une tournée c’est épuisant, on peut vite devenir un peu con mais on arrive à apprendre pleins de choses pour éviter ça, toutes les semaines on se retrouve, on fait des réunions où on parle de truc pour se stimuler.

Dernière question, qui écoute encore du rock aujourd’hui ? Est-ce que vous sentez que y a encore un engouement ou est-ce que vous vous sentez dépassé par les styles comme l’électro ou le hip-hop qui sont plus en vogue chez les jeunes ?

Last Train : Hier on était dans un festival : « Le Jardin du Michel » et y’avait pas mal de gens qui venaient pour du rock quand même ! C’était marrant la soirée là-bas car au début c’était vraiment du rock avec Ko Ko Mo, Bandit Bandit et nous. Puis en seconde partie de soirée, switch total avec du Naâman et Biga*Ranx et y’avait du monde pour les deux styles en fait !

Propos recueilli par : Franck Le Tank // Retranscription : Maïa Mignotte // Photos : Anne-Sophie Cambeur