La Vapeur, le 20 novembre, c’est la journée internationale de la musique indé à la Vapeur à Dijon. 6 groupes d’obédiences pop et rock se partagent deux plateaux survoltés. Posé vers le bar, un studio mobile, comme une caravane du tour, campé par Radio Campus et Sparse. Retour sur l’interview qui ouvre le bal ce soir-là ; La Battue, un trio prometteur en provenance de Rennes.
Merci de venir nous rejoindre après ton concert effectivement ce n’est pas facile c’est un marathon de la Battue, avec Ellie qui a lâché son clavier, et qui a couru un 50 m staples pour arriver sur le plateau de Radio Campus.
Et vous m’arrangez très bien ! Comme ça, je ne démonte pas mon matériel !
Si on en revient sur la genèse du groupe, Ellie, toi et Bertrand vous êtes frangins, c’est un peu la base du groupe, vous vous connaissez depuis à peu près toujours, mais moi en préparant l’interview j’ai trouvé un truc assez marrant ; c’est que Dijon apparemment a une importance particulière dans la création du groupe. Est-ce que tu peux nous expliquer ça ? Parce qu’il faut le préciser vous n’êtes pas du tout originaires de Dijon, et vous êtes venus deux trois fois ici maximum.
Non, on vient de Rennes en Bretagne. En gros Bertrand et moi on a commencé à composer des morceaux il y a 6 ou 7 ans maintenant, et comme d’habitude on écrit tout sur un ordinateur dans une chambre, donc quand on veut jouer en live on se rend compte que ça ne va pas le faire du tout avec juste deux personnes sur scène. Moi j’étais à fond, genre j’ai envie de plein de voix, des voix féminines pour nous accompagner et j’en avais marre d’être toujours la seule meuf dans les groupes parce qu’il y a un moment ça suffit, more women on stage et du coup j’ai cherché plusieurs personnes à Rennes mais ça ne collait pas trop. Et donc voilà, je me retrouve à jouer au festival Génériq avec mon spectacle pour enfants, Yurie jouait avec son groupe Yacht Club.
C’était en 2018 ?
Ouais je pense en 2018 et je l’avais déjà croisé vite fait en festival ou à des teufs mais elle habite à Tours et donc là on s’est retrouvées, on a dansé sur Eddy de Pretto, on a bu du champagne parce que c’était l’inauguration, et donc le matin au petit dej’ j’ai fait : “Eh mais toi ça ne te dirait pas de chanter dans mon groupe”, elle a fait “ouais carrément” et en fait
elle emménageait à Rennes pile cette année-là.
Incroyable. Donc du coup la sérendipité ! Dijon a une place intégrante dans la vie de La Battue.
C’est vraiment ça ! Sans Dijon il n’y a pas la Battue !
J’interviens, la Battue dans quel sens on doit voir le mot ?
Chacun l’interprète comme il le veut, il y a plein de sens différents. Déjà c’est la –espace – Battue, parce qu’on pourrait croire L’abattue avec une apostrophe mais nous en gros on aime bien l’univers un peu Sherlock Holmes et des gens qui disparaissent, très British, parce que mon frère et moi on est d’origine anglaise. Donc sur la pochette de notre premier EP c’est un chien qui porte une casquette de Sherlock Holmes. L’EP s’appelle Search Party qui veut dire littéralement La Battue.
Ah Search Party ça veut dire la battue comme à la chasse !
C’est ça, quand quelqu’un disparaît on fait une battue. Mais nous, ce n’est pas du tout l’aspect chasse parce qu’on est tous végétariens (rires) et complètement contre la chasse à courre mais comme on a l’humour British on trouve ça assez marrant d’opposer ces choses. Et la dernière interprétation c’est une battue rythmique. C’est donc le tempo, un BPM et
comme dans la battue on aime bien le math-rock où il y a des petits breaks qui changent tout le temps, on s’était dit que c’était encore une autre facette du nom du groupe.
Moi j’ai le post #Metoo avec la battue au féminin qui me vient…
Bah oui aussi. Il est là, nous, on est deux femmes sur scène, ce n’est pas …
…Ce n’est pas le sujet le plus gai…
On peut parler de choses sérieuses avec la musique
Oui mais on peut l’aborder, on peut l’aborder, complètement, c’est un sujet qui est sur la table aujourd’hui et nous, on, bon on n’est pas un porte-étendard non plus mais on est très féministe et on est pour le droit des femmes et si ça peut interroger pourquoi pas en fait. Qu’on se pose les bonnes questions.
Vous posez un peu ces questions-là dans vos textes aussi ?
Alors là justement on est en train d’écrire notre premier album et moi je geek pas mal sur les minorités et la déconstruction de la domination dans notre société, de toutes les minorités et du coup j’écris pas mal de paroles. Là ce soir on a joué un morceau exclu et en fait les paroles c’est sur les tâches ménagères, la charge mentale et ce genre de sujets qui commencent à être récurrents. À la base c’est un peu plus des textes pas toujours très joyeux, genre sur la fin du monde et l’écologie.
Comme The Moon par exemple ?
The Moon il est un peu plus léger. Là on vient de sortir Akrasia avec un clip. Akrasia ça veut dire continuer à aller à l’encontre de son meilleur jugement et ne pas réussir à faire les choses qu’on est censés faire. Et donc ça peut s’appliquer à beaucoup de choses, c’est ce qui définit l’être humain avec notamment les questions sur l’écologie.
Sur le premier disque j’ai cru comprendre que tu avais des petites mélodies qui étaient présentes et qui te venaient un peu comme ça. On a l’impression que le premier EP rassemblait vos univers respectifs : Toi t’évolue dans Mermonte, ton frère évoluait dans Totorro, y avait aussi du Yacht Club et on voit que là sur ce nouvel EP y a un son plus distinctif qui se créé et une harmonie supplémentaire qui est là. Vous êtes en train d’écrire un peu votre identité au fil des disques ?
Oui c’est ça, c’est hyper dur pour nous parce qu’on ne veut pas être un groupe compilation où on sort un album et qu’au final il n’y ait rien qui se ressemble. Trouver une unité ce n’est pas simple quand on a des influences aussi énormes et divergentes et que l’on est tous un peu têtu ! Donc je pense que le premier EP c’est surtout : J’écris ça dans ma chambre, Bertrand arrive derrière pour faire la rythmique, j’écris beaucoup d’arrangements voix-clavier et Yurie arrive une fois que les morceaux sont terminés pour changer un peu les couleurs d’accords. Donc c’était un peu un travail en 3 temps alors que là sur les nouveaux morceaux on compose à 3, chacun ramène sa base et du coup y a une espèce de Lego qui se fait ; les briques s’emmêlent un peu plus quoi.
Est-ce que dans les futurs compositions, il y aura ce côté encore plus math et encore plus déstructuré, un truc un peu plus sinueux finalement. C’est le but recherché ?
En fait pour l’instant on ne se pose pas trop de questions, on est vraiment dans l’écriture presque spontanée et là pour l’album que l’on va enregistrer en février on va travailler avec un réalisateur parce qu’on avait l’impression d’arriver au bout de ce qu’on pouvait faire tous les trois ensembles. Parce qu’on fait de l’auto-production en temps normal, on est dans le DIY quoi, c’est le indie day !
C’est la thématique de la soirée c’est un peu ça !
Bah oui c’est ça et nous on est trop contents d’être dans cette case et d’être dans la débrouille parce que ce sont nos racines quoi ! Mais c’est vrai que là on avait envie d’être accompagnés par quelqu’un qui avait une oreille extérieure, qui avait du recul sur les compos et qui pouvait dire “bah nan là ça n’allait pas, là c’est bien”.
Et tu peux nous parler du producteur ? C’est quelqu’un que vous avez déjà ? Qui vient plutôt du monde du math-rock ou de la pop ?
Il s’appelle Benoît Bell et il vient de monter un studio à Biarritz et donc on y va juste pour surfer (rires). On a bossé avec lui sur le dernier Mermonte, il avait fait le mix et j’avais bien kiffé son énergie. En parallèle, j’ai contacté plusieurs arrangeurs-producteurs, c’est d’ailleurs hyper bizarre de faire écouter ses démos pas du tout terminées à des gens à Paris qui font de la variété ! Donc on avait justement ce choix : est-ce que l’on part sur un format plus variété avec des voix devant et avec des rythmiques moins compliquées ou est-ce qu’on reste dans notre univers ? On a choisi plutôt le côté indé.
Le label vous a laissé le choix ou ils vous ont dit que ce serait quand même mieux d’aller sur un truc un peu plus “Mainstream” ?
C’est un tout petit label, il n’y a que deux groupes dessus. Lui, il fait ça par passion, bon ça serait bien qu’il puisse se payer un peu quand même, mais il est complètement là pour l’artistique donc il nous guide, il nous donne des moyens d’aller au bout de nos idées. On a beaucoup de chance parce qu’on est vachement libre dans tout ce qu’on fait.
Je sais qu’il ne faut pas trop mettre d’étiquettes sur les styles mais moi j’ai l’impression en vous écoutant qu’il y a savant mélange entre du math-rock et de la dream-pop dans vos titres. Est-ce qu’on pourrait appeler ça du Dream-Math ? Comme le rêve d’une équation du second degré ?
Tu ne saurais pas si bien dire puisque Bertrand et moi avons fait des études en sciences. Du coup on a un cerveau très scientifique mais on est plutôt rêveurs ! Ça résume parfaitement notre son !
Propos recueillis par Iliana Panier, Martial Ratel et Frank Le Tank // Photos par Mathilde Leconte