Entraînement musclé en compagnie des championnes du monde de twirling bâton, à côté de Besançon.

« Il n’y a aucun rapport entre le twirling les majorettes ! À part le bâton. Les majorettes sont en bottes, jupettes et chapeaux et elles suivent les fanfares » me dit tout de go Karine, la présidente du club en entrant dans le gymnase. Effectivement, j’ai l’impression que cette comparaison hâtive est un sujet sensible et que l’amalgame est vite fait. Heureusement que j’ai pris mon short et mes baskets pour apprendre, à la dure, ce qu’est le twirling bâton avec le club de Beure, un village à côté de Besançon.

 History Recall 

Le twirling naît aux USA en 1978. Pas étonnant quand on sait que « to twirl », ça veut dire tournoyer en LV1 anglais (encore un verbe que tu as zappé car il était régulier). Pendant que l’Amérique s’émerveille pour le disco en se remettant de sa gueule de bois au Vietnam, le twirling bâton se développe dans les collèges aux USA. Si on regarde un peu plus loin, il semblerait même que cette pratique aurait pour provenance les îles Samoa et le SIAM, où le bâton était alors pratiqué comme une danse religieuse à l’aide de longues cannes. En Europe, la pratique serait, quant à elle, arrivée avec des équipes de basket comme les Harlems Globe Trotters, qui, lors de leurs tournées de démos enflammées seraient venus avec des équipes de twirling bâton et de cheerleaders universitaire. En tout cas la pratique existe depuis un moment en France, en atteste Karine : « le club existe depuis 21 ans. Je l’ai fondé avec ma cousine mais avant on en faisait déjà. On a commencé à partir de 8 ans dans un club qu’il y avait à Besançon et qui n’existe plus. On s’est finalement lancée pour créer le nôtre ». Aujourd’hui le sport est bien organisé, il existe deux fédérations françaises la FFTSB (Fédération Française de twirling bâton) et la fédération dissidente, la NBTA ( National Baton Twirling Association) dont je vous passerais les embrouilles ici. Le sport est pratiqué dans le monde par environ 3 millions de personnes, ce qui représente l’équivalent de la population du Quatar ou de la Bourgogne Franche Comté.

 Training day 

Comme je le disais en préambule, je suis attendu pour l’entraînement afin de voir si le twirling bâton est un sport fait pour moi. On l’a dit, pas de majorettes qui tiennent ici, mais plutôt un mélange de GRS, de patinage artistique et de danse, c’est pas gagné pour moi mais je me mets au diapason auprès de Cindy, l’entraîneuse du jour, et qui plus est, championne de France en solo en 2016. On commence par le commencement : un échauffement en musique. On prête ici attention au tempo entre les exercices et tout y passe.

En gros, on se met une ambiance sportive abdos, squats, étirements et violence du quotidien comme dans Gym Direct sur C8. Mon niveau physique moyen me fait tout de même me rendre compte que je suis en nage assez vite. Je tiens le coup (principalement pour garder la face) et j’abandonne à deux mètres du bol de sangria lors du passage au grand écart. La souplesse et moi n’étant pas de très bons potes, je décide d’opérer un retrait stratégique à ce moment-là. La préparation dure une vingtaine de minutes, et je suis désormais chaud bouillant et prêt à me saisir du bâton. C’est plutôt léger et c’est composé de deux extrémités différentes : la balle et le tip.

C’est un sport où il y a de plus en plus de mecs.

C’est le poignet qui fait tout dans le mouvement, on pourrait comparer le mouvement de base à du nunchaku, ce qui donne cet effet d’optique de rotation. Bien sûr, ça, c’est la base et je comprends vite que la pratique demande une dextérité accrue ainsi que des heures de travail. Cindy me le confirme : « C’est un sport qui demande beaucoup de rigueur, d’entraînement et de répétition pour les mouvements. Il y a énormément de petites qui se découragent assez vite ». Effectivement c’est chaud et Karine me le confirme : « l’âge fatidique c’est 14 ans, c’est soit les copains et le scoot soit le bâton ». Avec deux entraînements par semaine, ça ressemble effectivement à un sacerdoce pour performer comme dans pas mal d’autres sports et ce n’est pas Émilie qui va me contredire. Elle est championne du monde en duo avec sa sœur en 2019 : « J’ai commencé à 8 ans et je pratique le twirling depuis près de 22 ans ». Émilie continue, tandis que sa sœur lâche le twirling au sommet avec son titre en poche. 

Le monde Chico et tout ce qu’il y a dedans 

Je délaisse le bâton pour m’entretenir avec Émilie concernant cette coupe du monde 2019 remportée en duo avec sa sœur. C’était à Limoge : « chaque pays fait une sélection : des solos, des duos, des équipes, des groupes. Moi j’étais en duo avec ma sœur. C’était notre première participation ». Avant d’en arriver là, Émilie a convaincu les jurys à Paris lors du week-end de sélection : « Il y avait un énorme gymnase coupé en 4, tout le monde avait la même musique et des figures imposées. Les jurys notent l’artistique, la chorégraphie ainsi que les mouvements avec le bâton qui sont divisés en 3 catégories : « il y a le lancer, le rouler (quand le bâton est sur la nuque ou qu’il roule sur le corps) et le maniement (le bâton est près du corps mais dans l’espace). On doit présenter 3 roulés, 3 maniements et 4 lancés dans un programme ». Ça m’a donné envie de faire quelques lancés et quelques roulés mais l’échec est cuisant, je pense que je suis encore plus raide que le bâton… Je demande à Émilie si ce sont les USA les stars de la catégorie : « Le Japon c’est les plus balaise, toutes les équipes sont en Elite (le plus haut niveau du Twirling ndlr). Après c’est la France, et les USA. ». J’apprends C’est un sport où il y a de plus en plus de mecs. 32 33 Allez ! Vous m’en faites encore 200. même qu’il y a des stars du twirling bâton ; principalement des Japonais mais aussi des Français : « En France on a nos stars mais elles ne sont pas très connues. Jason Traver, Andy Morel, Sabrina Péan. C’est un sport où il y a de plus en plus de mecs. Il faut de la force dans les bras pour pouvoir lancer le bâton. Les hommes sont en général bien côté. ». C’est d’ailleurs un sport mixte, où les hommes et les femmes peuvent être dans la même équipe. Les filles de Beure Twirl’ (le nom du club de Beure) connaissent bien la star Andy Morel puisque c’est lui qui a conçu leur dernière création : « On fait venir deux entraîneurs, Andy Morel et un juge international qui font le montage des numéros ».

Il s’agit d’une résidence de travail pour créer la chorégraphie. Ils sont venus en août 2019, pour travailler un spectacle à présenter aux prochains championnats puis il y a eu le Covid. Pour Émilie, cela a représenté un sacré coup pour la pratique : « C’est dur de se remettre dedans. Presque deux ans sans gymnase. On sentait qu’il y avait un engouement, c’est un sport qui intéressait de plus en plus, les adhésions montaient en flèche mais avec le Covid on a perdu beaucoup de licenciés. Il y a eu un Incroyable Talent à la TV qui nous a mis en lumière. Il y a aussi pas mal de vidéos TikTok, notamment des challenges entre les clubs ». On sent que le Covid à une influence importante sur les filles du Beure Twirl’ qui me présentent leur dernière création autour de la pandémie : « En compétition, ce sera plus impressionnant car on intégrera des masques dans nos costumes, dans la chorégraphie on se transmet le Covid, c’est pour ça que l’on finit au sol ». Ambiance…

 Nelson Monfort & le Twirling 

Vous l’aurez compris à ce stade, le twirling bâton c’est une activité sportive qui mélange performance physique et artistique, alors pourquoi cette pratique n’est-elle pas présentée aux Jeux Olympique ? Émilie à bien évidemment la réponse : « Un jour il y aura du twirling bâton aux JO. Il faut un certain nombre de licenciés dans le monde et un certain nombre de pays. Il manque encore des clubs en Afrique et en Amérique du Sud, là où le twirling bâton est peu développé. Ça n’arrivera pas en 2024 mais peut-être en 2028 ». En attendant le sport se développe encore en France et prend aussi des ramifications avec la pratique du pompon (un mélange entre le twirling et le cheerleading).

C’est quoi le délire avec les tenues originales utilisées dans le Twirling un peu à la manière du patin à glace. Ambiance sequins, paillettes et satin.

Cependant le sport pâtit du peu de reconnaissance du public et l’économie de ces clubs est précaire : « la location d’un gymnase à l’année, l’inscription à la coupe du monde et aux championnats, la logistique que ça engage représentent des coûts très importants pour des petites structures comme les nôtres » nous confirme Karine. 

Last one for the road

 Avant de partir, les filles me montrent leurs différents programmes, et force est de constater que la maîtrise du bâton est plus qu’impressionnante, que ce soit en solo, en duo ou en équipe. Les filles ont toutes choisi une chanson personnelle pour leur programme. C’est souvent un truc de dance ou un remix douteux d’un tube passé, version DJ Snake : « la musique n’a pas forcément besoin d’être hyper rythmée mais il faut qu’elle soit entraînante ». Les programmes durent en moyenne 3 à 4 minutes et représentent un mix de tout ce que l’on a cité précédemment : des figures de gymnastique, des lancers de bâtons, des roulés à un rythme assez effréné. Le plus impressionnant reste tout de même les lancers (c’est d’ailleurs pour ça qu’elles doivent s’entraîner dans un gymnase car les lancers sont souvent à une dizaine de mètres de haut).

J’en profite au passage pour demander quel est leur délire avec les tenues originales utilisées dans le Twirling, un peu à la manière du patin à glace. C’est plutôt grandiloquent, ambiance sequins, paillettes et satin : « La tenue ça fait partie du personnage. On a des couturières dans chaque club, nous, ce sont nos entraîneurs qui les font ». Karine me confirme : « On se met à la machine et on fait Mac Gyver. Les tenues doivent être en adéquation avec la musique ». Une façon de s’immerger dans le perso comme quand Candeloro ridait en Lucky Luke ! À les voir s’envoyer des bâtons à plusieurs mètres de haut on en vient à se poser la question fatidique : le twirling ce ne serait quand même pas un sport à risque ? Karine nous le confirme : « J’ai la cloison nasale déviée. Le bâton c’est de la ferraille : plus on le lance fort, plus il tourne et plus ça peut être dangereux ! ». Émilie rajoute : « ma sœur a failli me casser le nez avec le bâton. J’ai dû mettre des strips la veille d’une compétition ». Une raison de plus pour poser mon bâton, retourner au vestiaire et prendre ma retraite anticipée.

Texte : Frank le Tank // Photo : Julien Lasota