L’institution de l’afrobeat était présente pour ouvrir le VYV festival le 11 juin dernier à Dijon. Le gang de New York a réussi à foutre le feu en plein milieu de l’après-midi, à 10 sur scène, avec des cuivres, du groove, et de la transe à gogo. On a rencontré Marcos Garcia aka Chico Mann, guitariste et un des leader du collectif depuis le début, en sortie de scène, encore suant. On revient sur 20 ans de carrière, d’afrobeat, d’esprit d’équipe, de bordel et d’état d’esprit.

Pour votre concert, Y’avait des gamins qui attendaient de voir un rappeur qui allait monter sur scène après vous, je les ai entendu dire  “ah mais en fait c’est bien !”

Oui je les ai vu. J’imagine que c’est comme un film des années 1970 qui sortirait de nulle part, parce que écouter du hip hop ou écouter ce qu’on fait c’est pas tout à fait pareil.

Votre concert était très instrumental, il n’y avait pas beaucoup de chant…

À la base notre groupe ne chantait pas, on faisait beaucoup d’instrumental et il n’y avait que très peu de chant.

Avec votre ancien chanteur, Amayo, il y en avait quand même un peu plus, non ?

Au fil des années le groupe s’est éloigné de l’esprit originel et de sa façon très punk de jouer de l’afrobeat. Ce que faisait Amayo, c’était ce qu’on voulait à l’époque. Moins maintenant. Il y a tellement de personnes dans le groupe, comme tu peux imaginer, et chacun a une vision différente. Quand Amayo a quitté le groupe, on a essayé de revenir à la spiritualité originale de la musique parce que ça me parlait plus que de chanter tout le temps. Je sais que l’instrument premier est la voix et on l’incorporera plus éventuellement, mais pour le moment on revient à la mentalité originelle du groupe.

Comment est-ce que tu définirais le son d’Antibalas? Parce que c’est de l’afrobeat, mais pas que. Y’a du latin, du jazz, du funk, de la pop…

C’est de la musique de New York. New York dans sa pluralité et ses influences. C’est ce qui pour moi a toujours été spécial, c’est pour ça que je fais ça depuis 20 ans.

Et où est Martin Perna aujourd’hui (Martin Perna est le créateur du groupe, absent le jour du live à Dijon, ndlr)?

Il est à la maison parce qu’il a un bébé qui a 18 mois maintenant, il a préféré rester à la maison, c’est mieux pour le gosse. Et encore une fois ça prouve que l’institution Antibalas est plus forte que n’importe quel membre du groupe, même le créateur.

Antibalas c’est 40 personnes depuis le début de l’aventure. C’est une façon de régénérer le groupe, d’avoir des gens qui le quittent, d’autres qui arrivent, certains qui reviennent ?  Parce que c’est un gros turnover quand même…

Ouais c’est pas facile, c’est complètement fou.

Nous on fait ce qu’on a envie de faire, il n’a jamais été question de suivre une mode, on sert juste l’esprit de cette musique

C’est une façon de garder de la fraîcheur d’avoir des newbies qui viennent avec vous ? Est-ce que c’est un choix ou est-ce que c’est parce que les membres font toutes sortes de trucs ?

C’est surtout parce qu’on vit dans le monde moderne. Tout bouge en même temps et à 100 à l’heure. Nous on essaye de tenir bon. On a un réservoir de peut être 50 ou 60 personnes qui peuvent jouer avec nous. C’est de la folie.

Comment ça marche quand vous voulez enregistrer un album ? Que tout le monde est dans des groupes et des backing bands différents, quelqu’un sonne le rappel en disant : « It’s antibalas time ! » ?

Tu dois organiser ça des mois à l’avance. Chaque chose prend une éternité à préparer parce qu’il y a plein de gens qui bougent. Les gens viennent et partent certains disent oui puis le moment venu ne peuvent plus donc, bon je dois trouver quelqu’un d’autre…un beau bordel.

Et c’est pas trop dur de faire des concerts de nos jours quand on est 10 ou 12 sur scène ? À l’heure où la formule qui marche c’est un MC sur scène, ou un MC et un DJ ?

Oui, parfois. Tout est toujours plus compliqué sur le plan logistique. Mais sans tout ce monde sur scène, ce ne serait plus Antibalas. On part sur des questions philosophiques (rires), je sais pas, je pense qu’il y a plein de façons de présenter la musique. Nous c’est comme ça qu’on se sent bien. On a été plus, on a été moins…C’est tout le temps en mouvement, en évolution.

Tu trouves que l’esprit Antibalas est différent d’il y a 20 ans ou rien n’a changé ?

Vous êtes vraiment dans la philosophie là (rires).

Oui on t’a pas dit mais on est de Philosophie Magazine

(rires) Antibalas, Ça change, l’esprit n’est pas statique. C’est un esprit dynamique donc là où ça en est maintenant, ça ressemble beaucoup à l’énergie originale du groupe mais je pense qu’aujourd’hui on joue quand même mieux qu’avant, parce que l’énergie à l’origine était magique, mais là on est sur une compréhension plus profonde. L’approfondissement de la façon dont tout fonctionne ensemble. Parce que tout ça, ça ne vient pas de nulle part, ça doit bien vouloir dire quelque chose.

Ah ouais, toi aussi t’es philo…Dans les années 2000 en France, on disait qu’il y avait un groupe d’afrobeat par ville. C’était la grosse hype à l’époque mais j’ai l’impression que la hype est redescendue, qu’est-ce que t’en penses ?

Oui, c’est vrai. Mais c’est comme n’importe quelle mode. Ça va, ça vient. Nous on fait ce qu’on a envie de faire, il n’a jamais été question de suivre une mode, on sert juste l’esprit de cette musique. Les concerts, le show, c’est ce qui nous donne l’énergie de recommencer et continuer parce que quand on voit les gens sourire, danser, juste être présents avec nous donc il y a une sorte d’échange d’énergie et oui il n’y a pas d’autres raisons pour continuer à faire ça pour gagner sa vie.

Et toi Marcos t’as un projet appelé Chico Mann ?

C’est mon alter égo. C’était un projet conceptuel musicalement parlant, et je l’ai mis de côté pendant un petit moment pour commencer Here Lies Man. Un groupe d’afro-rock. Un truc très afrobeat, mais autours du riff. Un focus sur un riff. Prendre de l’afrobeat, et en faire la distillation la plus simple. Plus fort, plus lourd.

Propos recueillis par Antoine Gauthier et FLT. Retranscription : Zoé Charrier // Photo : Thomas Lamy