À l’heure où on pense à se cryogéniser pour pas crever, être jeune ça ne veut plus rien dire. Le festival « À Pas Contés », dédié au jeune public, l’a bien compris et propose du 27 janvier au 10 février 2023 des spectacles aux plusieurs niveaux de lecture, tant pour enfants qu’adultes, et une programmation qui reflète une attaque plus franche des sujets « tabous » par la jeune génération. On en parle avec Léa Brondeau et Christine Petiot, membres d’ABC, l’Association Bourguignonne Culturelle, aux commandes du festival.

23ᵉ édition, rien que ça. Le festival À Pas Contés appartient à la Génération Z et doit pourtant s’attaquer aux problématiques de la génération Alpha. Depuis tout ce temps, c’est l’association ABC qui est à la barre. L’Association Bourguignonne Culturelle chapeaute l’évènement et propose à l’année des abonnements pour participer à des manifestations culturelles diverses. Avec une édition 2020 perturbée par le COVID, l’édition 2023 du festival est la première faite entièrement depuis la pandémie. Pour Christine Petiot, responsable de l’action culturelle chez l’ABC, les défis furent encore plus grands : « On est sortis de nos habitudes pour communiquer et passer par des canaux différents, notamment un grand appui des réseaux sociaux, pour « rentrer chez les gens ». Et le fait est que les augures sont au beau fixe pour le festival, qui affiche un taux de fréquentation encourageant, avec 55 % de remplissage à trois semaines de l’évènement.

« Les enfants sont friands de ces sujets dits « taboos » »

            Qu’est-ce qui marche ? La recette, pour Christine, c’est de ne pas se freiner à aborder des sujets parfois durs dans un festival jeune public : « on propose des spectacles avec des notes d’intentions très fortes : on traite de la mort, du divorce, de la violence, de la sexualité, des maladies. Les enfants sont friands de ces sujets dits « taboos ». » Même pas peur les gosses. Pour Léa, responsable de la communication à l’ABC, « c’est traiter de sujets « taboos » de manière plus légère, facile, pour des parents qui ne savent pas forcément en parler. ». Des spectacles qui traitent du syndrome de Gilles de La Tourette par exemple, comme dans le spectacle « Une Forêt », par la Compagnie Jolimai et Agnello, pour ancrer des personnages dans le quotidien des enfants et ne pas les marginaliser.

Christine Petiot (à gauche) et Léa Brondeau (à droite)

Le festival, c’est surtout un rendez-vous intergénérationnel. Le spectacle Générations – Battle of portraits, une danse entre une personne de plus de 70 ans avec un jeune homme de 22 ans, évoque de la maladie d’Alzheimer à coups de portés et de pas de bourrés. De quoi te rafistoler avec tes aînés. Pour Christine, c’est aussi un moyen de créer un pont entre les générations, « Pour le spectacle Nos Petits Penchants, pour la première fois, on emmène cette année les petits dans un EHPAD. Je te trouve qu’entre les personnes âgées et les petits, il se passe quelque chose. Au début, on s’est dit qu’ils allaient avoir peur, mais ça marche. »

Et faut pas croire, c’est pas comme si les plus âgés allait tout apprendre à la relève. Une des valeurs du festival, c’est aussi faire comprendre que l’apprentissage se fait aussi de l’autre sens, de l’enfant à l’adulte. C’est tout le principe du spectacle « Everest », dont nous parle Christine : « c’est un spectacle qui sorte de l’école de marionnettes de Charleville Mézières. On aime l’école pour cette idée de transmission, d’inculcation. Ici, ce qui est super intéressant, c’est que la marionnette va représenter le père petit. Le père est défaillant, et ce sont les enfants qui soutiennent les parents ». Écrit par Stéphane Jaubertie et joué par la compagnie Tro-Héol, ce sera de quoi faire un pied de nez à tes parents en leur disant que c’est toi, le boss.  

Et le plus du festival, c’est que la sauce 2023 a carrément bien pris. Poussez-vous les boomers, les spectacles sont aussi là pour se réapproprier des mythes et des histoires qui ont besoin d’un petit rafraîchissement. Pour Christine, ce parti pris est en pleine cohérence avec les valeurs de l’association : « Les spectacles qu’on choisit sont en harmonie avec nos valeurs : c’est mettre en avant les femmes, parce qu’on est un collectif composé entièrement de femmes et non pyramidal. » Dans ce sens, t’as le spectacle « Poucet, Pour Les Grands », qui raconte comment la fille de l’ogre de l’histoire originale décide que non, manger de la viande, qui plus est des gosses, c’est trop nul, et elle devient végétarienne.

À côté de tout ça t’as des expos gratuites sur la marionnette, des ateliers d’écritures et de construction de petits théâtres de poche et même des spectacles en réalité virtuelle, bref À Pas Contés, on aime sans compter. C’est du 27 janvier au 10 février 2023, dans pleins d’endroits à Dijon (La Minoterie, Le Bistrot de la Scène, la Salle Devosge, le Théâtre des Feuillants…), et le détail de la prog est juste là.

Texte : Paul Dufour // Photos : Paul Dufour, Roxane Gauthier