Avec sa robe aux motifs dignes de tes meilleurs rideaux de grands-mères et son T-Shirt mi-Mickaël Jackson mi-E.T., comment se douter que l’univers électro-pop de Miel de Montagne allait se transformer en concert aux ambiances rock et club. On a causé avec celui qui a retourné la Poudrière à Belfort le 25 janvier, juste après un petit grog, temps froid exige.
Tu es né dans la campagne, d’un père compositeur et interprète ; Marcel Kanche donc la musique, c’était dans le sang ?
Ouais, c’est assez facile de faire de la musique quand t’as commencé et que ton père en fait aussi. J’étais à ses concerts petit, forcément ça donne envie, après j’aurais pu ne pas m’y intéresser, mais le fait de m’y intéresser avec mon père, c’était plus facile.
Ton père a plutôt évolué dans un univers un peu post-punk et jazz, faire de l’électro-pop c’était ta crise d’ado ?
Mon père faisait des trucs bien barrés et après, il a fait des chansons à textes. À 14 ans, moi, j’ai commencé à faire de la pop, sur l’enregistreur que mon père m’avait offert à mon anniversaire, je faisais des petites chansons. Puis après, j’ai tout laissé, je suis allé dans la mode, j’ai fait des groupes de reggae, je me cherchais, mais je me suis rendu compte qu’il me manquait un truc et j’ai posé ma voix et je suis revenu vers la pop. C’était ça que je voulais faire, mais j’avais peur.
Faire de la pop, ça te faisait plus peur que d’autres genres musicaux ?
Ouais. Avant ça, j’étais DJ dans des clubs, je jouais de la tech et de la house, mais y’avait pas la voix, pas la guitare, donc je prenais pas de risques, je le ressentais comme ça. Chanter, jouer de la gratte, tu t’exposes à tellement de choses, c’est une thérapie quoi. Tu montes marche après marche, tu prends confiance en toi, tu deviens ton propre héros et c’est trop satisfaisant. Ça m’a pris du temps pour être à l’aise mais là, c’est cool.
Et ton expérience de DJ, t’en as retenu quoi ?
Que je kiffais balancer des gros kicks. Et que j’aimais pas le monde de la nuit. Je préfère le soleil qui se couche que le soleil qui se lève. Je trouvais ça trop solitaire, moi, je fais dans le partage et c’est pour ça que je suis en groupe sur scène. Je ne jouerai pas tout seul.
Tes premières inspis pour lancer Miel de Montagne, c’était quoi ?
La phase où j’ai commencé Miel de Montagne, je suis tombé amoureux de Mac Demarco et c’est une influence qui me suit depuis toujours. C’est indéniable, je suis un énorme fan de lui. Mais sinon j’écoute plein de trucs. Ado, j’écoutais King Krule, il sortait ses premiers albums à 15 ans, c’était un petit génie et c’était une influence qui me disait que c’était possible de faire des choses à cet âge-là.
Miel de Montagne ça respire la campagne de chez toi ?
Ouais, j’ai fait un truc très spontané, pas prise de tête. Le nom, tout est spontané. Et puis y’a un fort ancrage de chez moi car j’ai de la chance et mon père m’a aussi aidé à écrire l’album, notamment le deuxième, plus ça va, plus je m’entoure de conseils d’autres, mais à part ça, je reste quand même beaucoup tout seul à faire de la musique.
Et cette solitude, c’est plus de l’autonomie ou un truc parfois pesant ?
Parfois, c’est dur de se motiver, mais après t’es quand même content quand sort le disque et que tu l’as fait de A à Z. Et puis, en plus, je suis quelqu’un qui sait exactement ce qu’il veut, donc ça fait trop plaisir d’entendre ce que t’avais envie d’entendre, parce que je pense que j’étais traumatisé dans mes groupes ados car j’étais à la batterie, c’était un peu de ta faute quand y’a un truc qui merdait, et t’as moins de trucs à dire sur l’harmonie, sur des trucs comme ça. Donc y’avait sûrement une petite frustration en moi qui fait qu’aujourd’hui, je travaille pas mal seul. Mais je collabore aussi, et t’es jamais vraiment seul de toute façon.
Sur le premier album « Miel de Montagne » en 2019, tu parles de la fête, des filles, de vivre tout nu, avec légèreté et simplicité. Ta musique, elle te permet aussi de t’alléger ?
Carrément. Quand je fais de la musique, ça me fait du bien, la tournée ça me fait du bien. Ça me rend super heureux et mes problèmes se tassent. C’est pour ça que j’écris souvent mes textes quand je suis en colère, soit j’écris un truc pour me rendre plus heureux, soit j’écris un truc sur des choses que je trouve bizarres. Sur le deuxième album y’a des questions existentielles, quasi philosophiques, des questions que je me posais et que j’avais du mal à régler, et le fait de les écrire j’ai l’impression que c’était un peu réglé, quand c’est sorti je me suis dit « en fait le truc m’a guéri ».
Sur ce deuxième album, y’a des thèmes un peu différents, tu parles de la façon dont tu te perçois, de ton look, du temps qui passe. C’était un autre angle ?
Ouais, sur le premier, en fait, j’avais le besoin de sortir quelque chose. Le deuxième, j’avais besoin de soigner. Le troisième, qu’est-ce que ça peut être maintenant… Je pense que ce sera juste la méga fiesta.
Tu bosses ta musique c’est sûr, mais t’as aussi une vraie empreinte visuelle et graphique que tu explores par tes clips, tes vêtements…
J’ai toujours dessiné et c’est pour ça d’ailleurs que j’ai arrêté l’école, y’avait qu’en arts plastiques que j’avais des bonnes notes. J’ai préservé le dessin. J’aimerais dessiner tous les jours mais je suis un peu flemmard, en fait heureusement que y’a Miel de Montagne pour me faire dessiner des chaussettes, des T-shirts. Du coup, je dessine dans un but précis, c’est moins pour le kiff, on est plus dans un truc business…
T’as lancé des chaussettes, des skates, c’est quoi la prochaine étape, des pots de miel ?
J’en ai fait des pots de miel. J’ai bossé avec une petite famille d’apiculteurs qui font du miel dans les Alpes. La plus grosse idée c’est de faire une montgolfière avec la gueule de Miello, le petit avatar que je me suis créé, et de faire un clip dessus. J’avais un souvenir de ma tante et moi où je faisais de la montgolfière à la Villette, je montais pas haut, mais gamin je phasais quoi. Donc ça, c’est un truc, un rêve qui serait cool.
Si on revient à cette soirée, dans ta musique, tu joues avec ta voix, t’y mets de la réverbe, tu la modifies, et du coup le live c’est imaginé différemment ?
Le live est très différent. Il est beaucoup plus énergique, beaucoup plus fiesta que l’album. Les gens ne s’attendent pas à ce qu’il puisse y avoir des pogos à la fin de mon concert. Mon concert, c’est une invitation à ma soirée qui serait la meilleure soirée d’anniversaire. Je fais des morceaux planants, psyché, mais y’a une vraie énergie de fiesta, avec « Calvin » par exemple, où tu danses. Tout est réarrangé pour le live, tu reconnais le morceau de l’album mais la version live est assez unique. Je pense que la partie live me prend plus de temps que de faire un album. C’est très technique pour avoir ce que tu veux. Et puis t’auras toujours une part d’incontrôlé, et tu peux te fumer le cerveau pour essayer de trouver la couleur que t’as dans un disque et pas en live.
La pochette de ton dernier single, Calvin, c’est une photo pendant un concert, donc en studio tu te rapproches de l’énergie du live ?
Ouais j’essaie de lier les deux, c’est mon objectif. C’est une chose à laquelle je ne pensais pas avant, avant je me disais que je voulais juste faire des morceaux qui donnent envie aux gens d’écouter, maintenant je crois que j’ai envie de faire des chansons pour donner envie aux gens de voir les lives. Parce que c’est trop fou ce qu’il se passe en concert, je pense que je fais de la musique pour les concerts à la base, donc j’ai envie d’aller là-dessus. Et c’est pas forcément faire un album live, d’enregistrement, c’est plus faire un album bien produit que t’écoutes chez toi mais avec l’énergie, les sonorités un peu plus fiestas que je crée dans mes lives. Ce soir, je vais faire un ou deux morceaux qui sont pas encore sortis, je les teste souvent en concert. Y’a un morceau méga rock et j’ai fait un morceau reggae. En ce moment, je découvre l’autotune, je m’amuse, je trip. Je me laisse aller, j’essaie de voir ce que je peux faire pour m’amuser. Hâte de voir où ça va aller, car moi-même, je sais pas où ça va en ce moment.
Texte et photos : Paul Dufour