Un set doux et énervé, entre le chill et le rock, et on embarque pour Laventure. À l’image du bassiste Manu et d’Ingrid, vêtus de leur peignoir en soie aux têtes de dragons, le voyage sera doux et scintillant au synthé, dur et rentre-dedans à la gratte. Ingrid Laventure, c’est elle qui a donné son nom à l’actuel quatuor venu de Strasbourg qui a laissé une trace de sa mélodie groove, de ses riffs de basses fabuleux et de ses harmonies parfaites sur le parquet de la Péniche Cancale à Dijon. En loge, entre bouée de sauvetage et observation de l’eau dans les hublots, on a pu causer de son aventure.

Laventure ça a commencé comment ?

Ça a commencé en 2020, avec deux autres potes qui sont pas dans la formation actuelle, on a commencé à composer de la musique à la maison pendant le confinement, puis nous voilà en 2023. À la base, on s’est dit qu’on allait faire de la zik’ pour mon projet solo, puis c’est devenu un duo avec Boris pendant 2 ans à peu près. Puis il s’en est allé, et Manu qui avait déjà rejoint le navire, qui était déjà sur scène avec nous depuis quelques mois est resté, et j’ai contacté Pierre et Héléna. On avait les auditions des printemps de Bourges l’année dernière, et on avait 15 jours pour préparer quelque chose, donc on a préparé ce set, et puis maintenant, on est cools.

La chose pour laquelle vous êtes connue, c’est votre univers chillwave, lo-fi, l’ADN de Laventure c’est un amour du synthé, des mélodies chaleureuses et soleil ?

Y’a beaucoup de ça et depuis qu’il y a cette formation à 4, on est partis sur un côté plus rock et vite fait psyché mais par petites touches et on aime bien changer entre ces ambiances, même dans une seule chanson.


Toi, tes inspis sont très variées, t’as connu comment la lo-fi ?

Je viens plutôt de la soul et du rock, y’a quelques années je me suis intéressé à tout ce qui est lo-fi avec Mac DeMarco et tout cette team-là. Côté RnB, ce sont des gens comme Steve Lacy ou Franck Ocean.

T’as un passé dans le jazz et la contrebasse, alors toute cette passion, c’était pour te changer des cours ?

J’ai fait du jazz par la suite, moi au lycée, j’étais dans des groupes de hard-rock où on faisait des reprises d’AC/DC… Je kiffais trop l’énergie sur scène, que j’ai pu retrouver je trouve avec cette formation-là. Et le jazz, c’est venu au conservatoire à Strasbourg, je suis rentré en chant d’abord et y’a des options pour commencer des instruments. La contrebasse, ça a été un gros coup de cœur. On l’avait intégré dans la formation à deux, et pour la musique qu’on fait c’est un peu compliqué en fait. Sonoriser une contrebasse, et essayer de faire un son de basse avec une contrebasse c’est pas la peine en fait. Donc je me suis remise avec mon amour de jeunesse qui est la guitare.

Dans cette nouvelle formation à 4, Héléna est dans la soul et le hip-hop, Manu dans des formations plus pop, chacun apporte son univers ?

Ouais grave, c’est ce que je voulais. Bosser avec des artistes, pas avec des musiciens qui allaient exécuter ce que je leur disais. Tout le monde a sa personnalité : Pierre est ultra fan des années 80, de rock prog, Tame Impala ou Unknown Mortal Orchestra. Manu a un projet solo à côté qui s’appelle Amor Blitz, de la pop rock super bien écrite et Héléna elle vient du RnB, de la dub, elle est fan de reggae.

Bosser ensemble, ça ressemble à quoi ?

Ce qu’on fait, surtout en ce moment, c’est que je fais des prods chez moi, et je leur envoie leur partie, qu’ils peuvent changer s’ils veulent. Et après on répète ensemble, je les appelle quand je galère avec un truc.

Au niveau des textes des chansons, on est sur des thèmes autour de la fête, des choses plutôt instinctives ?
J’écris à partir de la musique j’arrive pas à écrire des textes et les poser après. C’est quelque chose que j’aime faire, ça sort plus facilement que d’autres choses. Sur ce qui est sorti, y’a Little Dog qui parle de trucs un peu compliqués, mais dans ce qui va sortir, les textes vont plutôt dans ce côté-là, et puis récemment j’ai eu, appelons ça une « épiphanie féministe » depuis 1 an, et je me suis dit que c’était une cause qui me tenait à cœur. Dans mes chansons je parle de la variété qu’il peut y avoir dans la féminité. Et le dernier morceau du live parle de « slut-shaming »

Et tout ça, c’est écrit en anglais ?

Ouais, j’ai grandi en écoutant pratiquement que de la musique anglophone, c’est plus trop le cas maintenant mais j’écoutais des gens qui me ressemblait et je me retrouvais vachement dans la soul, et donc quand j’ai commencé à écrire c’était naturel d’écrire en anglais.

Y’a beaucoup de fans des années 80 chez Laventure parce qu’autant dans la musique que dans le look, les visuels, c’est assez criant ?

On adore ce qui peut sembler kitsch, on aime jouer avec le kitsch dans nos clips. C’est une décennie qu’on a vraiment critiquée et malmenée, alors qu’il y a eu pleins de trucs cools à cette époque.

Et c’est quoi ce que t’aimes toi dans les années 80 ? Les K-ways colorés ?

Les couleurs, les synthés, le sons électroniques qui étaient carrément abusés, les effets sur la voix : le delay ou la réverbe.

Vous avez commencé à écrire pendant le COVID, avec un studio fait chez vous, donc l’aspect un peu « fait-main » c’est une patte de Laventure ?

Comme tout groupe émergent, on a pas beaucoup d’argent, on en a un peu quand même. Mais pour les clips, les mix, c’est les copains qui nous aident. Et on réalise des trucs nous-mêmes, j’ai réalisé le dernier clip. J’avais envie de faire ça, et on s’est marrés. On était dans le froid, on s’est pluie de boue, on a embourbé notre voiture mais c’était une bonne expérience, je pense que ce sera cool. On a pas envie de faire semblant qu’on a les moyens alors qu’on les a pas. Donc on met tout dans la recherche de son et d’histoires.

Et avec toute cette reformation de la bande, Laventure ça se profile sur de nouvelles énergies et une nouvelle direction ?

Y’aura des choses qui ressembleront et d’autres beaucoup moins. Je pense que c’est bien de sortir de sa zone de confort et de tester et voir si ça marche ou non. Par exemple sur les morceaux plus rocks, c’est un peu la galère pour le studio, pour moi c’est chaud de faire la prod sur un truc qui est un peu crade et qui n’a rien à voir avec le premier single qu’on a sorti. Mais ça pose pleins de questions, c’est cool qu’on fasse des trucs différents, et ça marque une évolution. En ce moment on bosse sur un EP qu’on va sortir en fin d’année, il devrait y avoir 2/3 clips qui sortiront donc le premier en mai normalement, et puis l’autre en octobre et l’EP en novembre.

Texte et photos: Paul Dufour