Est-ce un Malabar bi-goût ? Non, c’est bien Julien Granel, cheveux mi-bleus, mi-fuchsias, pull et pantalon à motifs avant son concert à la Poudrière à Belfort. Coloré dans son style et sa personnalité, on a causé avec le chanteur et DJ dont la viralité a explosé à tel point qu’il a été plagié par Justin Bieber lorsqu’il a fait des DJ sets avec des bouteilles (si c’est vrai).

Ta musique et ta personne sont très colorés, tu fais une pop très feel good, est-ce que tu produis dans des moments de joie ?

Ouais, je produis souvent dans des moments de joie, mais paradoxalement je produis aussi dans des moments un peu plus…sombres… *regard mystérieux

Mais par exemple tout l’album que j’ai sorti, COOLEUR, il a été démarré pendant la période du confinement, donc j’étais enfermé avec des amis à moi dans une petite maison et j’avais un besoin d’une explosion de joie et de lumière donc j’ai essayé de mettre cette énergie-là dans l’album.

Tu n’as pas commencé dans de la pop, t’étais au piano au Conservatoire, t’avais envie de te libérer de ça après ?

J’ai commencé par le piano classique car quand j’avais 6 ans, j’ai vu quelqu’un jouer du piano pour la première fois, et ça m’a rendu fou. J’ai fait 14 années de piano classique, mais de mes 6 à 19 ans, je commençais à produire sur un vieux synthé que j’avais chopé et j’écoutais beaucoup de musiques électroniques. Le Conservatoire c’était juste une excuse pour avoir toute la technique pour la suite. C’était une clé qui ouvrait la porte de la liberté totale de me dire que quand j’ai une idée dans la tête, je sais la jouer directement.

Julien Granel, c’est une musique très reconnaissable, groovy et disco, mais aussi un look unique : j’ai l’impression que c’était à partir du single et de l’EP « Bagarre Bagarre » qu’est apparu ton personnage, notamment ta mèche bleue. C’était le point de départ ?

En fait, j’ai toujours eu ça en moi, je m’habillais déjà de toutes les couleurs au lycée, mais la musique m’a aidé à assumer sur tous les points, ça été une excuse pour tout pousser au maximum. Y’a une vraie notion d’amusement quand je suis au studio, mais aussi dans mon style, je joue avec. Ça envoie un message d’ouverture d’esprit, de liberté totale que je trouve intéressant, et en plus de ça, ça crée des réactions : du bonheur, parfois de l’incompréhension, mais au moins ça déclenche des émotions. Pour mon premier EP, c’est vrai que j’ai commencé à avoir une mèche bleue, et c’est drôle, parce que j’avais les cheveux au carré la semaine avant le shoot de l’EP. Le lendemain de la date à l’Accor Arena avec Angèle, c’était la fin d’un cycle, de la tournée, et j’ai complètement craqué, je me suis coupé les cheveux. C’est devenu une moitié de tête cette mèche bleue, et actuellement, l‘autre moitié qui est devenue rose fuchsia. Je ne sais pas quelle sera la prochaine étape.

Ce look tu l’arbores, depuis le lycée, mais ça te vient d’où, une peur du noir quand t’étais petit ?

C’est vrai que j’avais peur du noir quand j’étais petit, wow l’analyse peut-être. Je l’avais jamais vu sous cet angle. Je voulais juste m’habiller comme les pochettes d’albums que j’aimais : celles de So-Me, pour le label Ed Banger, Ed Rec vol.2 notamment qui est un mix de plein de pochettes en slice, qui fait un arc-en-ciel, la pochette de Rainbow Man, le morceau de Pedro Winter, je voulais m’habiller comme une pochette des Beatles, je mettais sur moi ce que j’aimais écouter, et y’avait quelque chose de rassurant.

Parlons de ton nouvel album, COOLEUR, dans celui-ci tu inaugures le COOLEURCLUB. Dans ce club, c’est quoi la playlist ?

La playlist serait très disco je pense, mais pas disco vintage, je trouve qu’il y a tellement de choses aujourd’hui qui se font qui sont folles et qui varient les styles. En tout cas, ce serait éclectique, j’écoute de pleins de choses, du jazz, de la funk japonaise des années 80, je suis un grand fan d’Herbie Hancock, je fais aussi des DJ Set de temps en temps, qui me permettent de développer le COOLERCLUB.

Cette inspiration pour le club, elle est très présente, et notamment sur le dernier album où tu laisses parfois le chant de côté pour partir sur des sets ?

J’avais besoin de cette partie plus électronique, plus French Touch, mais qui découle logiquement du reste de l’album. Installer directement cet éclectisme, c’est m’ouvrir une liberté totale. J’aimerais garder ce fin mélange entre du chanté et du DJ set, car j’adore la pop, chanter avec les gens qui hurlent des refrains et j’adore ne plus chanter et péter un câble sur mes claviers. En ce moment y’a des artistes qui commencent internationalement à le faire, et je trouve cette vision très avant-gardiste. Je pense à Fred Again, qui n’a plus vraiment de barrières entre ses DJ Sets et ses concerts. Je veux casser ces barrières-là, qu’on s’est mises nous-mêmes en faisant des concerts et en respectant des codes de concerts.

Mais tu commences aussi à te livrer sur scène, tu as lâché le synthé pour sortir le piano pour la chanson « Sincère », chanson dans laquelle tu assumes la difficulté à te livrer aux gens ?

C’est un morceau qui est venu à la fin de l’album, il s’est fait en un éclair. C’était le jour où je venais de faire « Plus Fort », avec Oli, de Bigflo et Oli. Il est parti du studio et il m’avait débloqué un truc et ça a été un déclic. Je me suis immédiatement remis à faire de la musique, et c’est Sincère qui est sorti. Pour moi la fin de l’album, c’est un moment terrifiant, et donc je parle de la barrière que je pouvais mettre dans mon expression, que je gardais une pudeur, que je préférais m’exprimer musicalement que par mes textes, parce que j’avais peur de chanter à mes débuts. Ça parle aussi du parcours d’un jeune artiste aujourd’hui, c’est pas de tout repos. Je pensais qu’il allait passer inaperçu, mais c’est le deuxième morceau le plus écouté de l’album, et je trouve ça assez dingue.

Sans transition sur ma dernière question, est-ce que la touche majuscule de ton ordi est cassée, en ce moment tous les titres sont en majuscules ?

T’es la première personne qui me parle de ça, j’adore, parce que forcément c’est un détail auquel je pense. J’ai pas de problème de Caps Lock sur mon ordi, c’est purement esthétique. Je me connais, je suis très jusqu’au-boutiste et sur cet album, je pense que j’ai fait des choix tranchés, c’est un album pop mais avec des vrais choix assumés, parfois déconcertant, le live est brutal et pour moi les titres étaient en majuscules. Ça me faisait aussi penser à des titres de rappeurs américains que j’aime bien, Kendrick, Tyler The Creator, qui mettent tout en majuscules et je trouve ça brut. Mais là t’as ouvert une vraie brèche.

Texte et photos : Paul Dufour