Danse, création lumière, rap, musique électro, batterie, ce n’est plus un concert mais Broadway qui s’invite le jeudi 29 juin à minuit sur la scène de La Loggia des Eurockéennes de Belfort. Unblock Project, c’est le nom de cette création initiée par le chorégraphe Étienne de Rochefort. On a causé avec Mondkopf, l’artiste électro dont l’univers un peu dark a répondu présent pour le projet.

Unblock Project est une création originale en partenariat avec les Eurockéennes de Belfort, La Rodia et La Compagnie 1 des SI de Besançon. Au total, il y a 3 musiciens, 5 danseurs, 2 vidéastes et un créateur lumière et scénographique. Comment vous vous êtes tous rencontrés ?

On s’est tous rencontrés au fur et à mesure. J’ai personnellement rencontré Étienne, le chorégraphe de la Compagnie 1 des SI parce qu’il m’a appelé pour faire la musique de son dernier spectacle de danse contemporaine, Bugging. C’est là que j’ai aussi rencontré Olivier Bauer qui travaille sur la lumière et la scénographie. Au fil des projets, on a aussi rencontré des danseurs, 9 sur Bugging. Pour toute la partie vidéo, j’ai pensé au duo As Human Pattern, Grégoire Orio et Grégoire Convert, que je connais car je collabore régulièrement avec eux. On s’est tous revus pour ce spectacle, Unblock Project, et on s’est rencontrés comme ça. L’ajout a été Eli Finberg au rap et Joël Brown qui était danseur sur le spectacle précédent et est batteur et danseur sur celui-ci. On jouera le spectacle pendant le festival Détonation à Besançon et aux Eurockéennes. La Rodia a acheté le spectacle et nous a donné des salles pour le préparer et faire des résidences, pour trouver des idées scénographiques et musicales. La réalisation du projet a été assez rapide, comparé aux temporalités des spectacles de danse en général, où on est sur 1 an en général. Là on a commencé en janvier avec quelques semaines de résidence. Moi j’ai dû faire 3 semaines de résidence, puis je travaillais chez moi.

« Mais pour Eli, je pense que ça a été un petit challenge de se poser sur ma musique qui reste assez progressive »

On l’a dit, dans le spectacle, il y a beaucoup d’éléments : de la danse, de la musique, de la vidéo. En termes de création, on t’a donné une chorégraphie sur laquelle tu as dû composer ou t’as plus mené la danse ?

Etienne voulait que la musique soit plus importante que dans ses précédents spectacles. C’est pour ça qu’on a créé un vrai groupe de musiciens sur scène. Tout est parti de la musique en fait, c’était la base pour qu’Étienne ait son scénario, sa trame pour ensuite développer la danse et la chorégraphie. À savoir que pour la danse, le langage corporel utilisé était déjà un peu là car le spectacle est en continuité avec Bugging. On a moins de danseurs sur scène, parce la place n’est pas illimitée surtout avec des musiciens en plateau. Mais le projet est vraiment parti de la musique, après on a pu créer la danse et la vidéo qui se tournait en parallèle.

Pour tes projets personnels, notamment ton dernier album Spring Stories, tu enregistres, composes et mixes de chez toi. Donc t’as un travail assez solo. C’est un défi pour toi d’être avec autant de monde, qui plus est d’autres musiciens qui ne viennent pas du milieu de l’électro ?

C’est vrai que j’ai l’habitude de travailler souvent seul chez moi. Je collabore avec d’autres artistes mais c’est moi qui les choisis, je leur demande carte blanche et je réutilise ce qu’ils enregistrent. Là, c’était différent, c’était des personnes avec qui je n’avais jamais travaillé, que je ne connaissais même pas il y a quelques mois, donc c’était une première pour moi. J’avais ce stress de me demander si ça allait marcher, finalement ça s’est super bien passé. On vient de scènes différentes, mais on a trouvé un terrain commun. Mais personnellement j’ai eu plutôt carte blanche, ce qui était bien car j’ai souvent l’habitude de faire de la musique pour moi. Je ne suis pas un compositeur professionnel qui peut s’adapter à tout. Sur ce projet, j’étais assez libre de faire ce que je voulais. J’avais beaucoup de chance d’avoir des artistes talentueux comme Eli et Joël qui s’adaptent beaucoup à mon style.

Toi qui fais beaucoup de musique instrumentale, travailler avec un parolier comme Eli doit aussi impliquer quelques contraintes de compositions ?

J’ai aussi l’habitude de faire des musiques aux structures couplets/refrain même sur des compositions instrumentales, mais moins ces derniers temps.  Avec ce projet du coup, je suis un peu revenu à ça, à des choses moins improvisées et plus composées, en sachant qu’Eli allait rapper dessus. Mais pour Eli, je pense que ça a été un petit challenge de se poser sur ma musique qui reste assez progressive, j’ai des longs morceaux sans vraiment de structures couplets/refrain claires, donc c’était un petit défi. C’était hyper intéressant de voir comment il a pris ma musique et s’est calé dessus.

La chose qui vous a rassemblé, ça a l’air d’être aussi le sujet du spectacle. On parle de l’évolution de la société, de l’extinction des espèces, manipulation des masses… Tous ces sujets répondaient à la musique que tu fais ?

C’est vrai qu’avec Etienne je crois qu’on partage beaucoup ça, il était très ouvert pour que je partage des choses plutôt sombres dans ma musique. Il ne voulait pas quelque chose d’édulcoré. Après le spectacle reste rempli d’espoir, mais y’a quelque chose qui touche bien au côté « dark » de ma musique, aux émotions que j’essaie de transmettre. Je le fais de manière plutôt abstraite avec mon côté instrumental. Avoir Eli qui donne des mots précis, ça renforce l’émotion et ce que j’essaie de transmettre. Si tu rajoutes la batterie, le son rajoute quelque chose de plus percutant, frontal et visuellement avoir un vrai batteur physiquement, ça rentre aussi en cohérence avec la danse, avec un propos sur le corps qui réagit à ce qu’il se passe autour de nous.

Texte : Paul Dufour / Photo : Frédéric D. Oberland