À se demander si la parade Disney n’était pas invitée sur la scène de la Combe à la Serpent. L’artiste flamand Jan Verstraeten et son orchestre débarquent en deux pièces couleur bubble-gum avec leurs masques et leurs cagoules pour dérouler un premier album et des exclus ambiance soul psychédélique un brin funky. On a croisé la route de ce personnage farfelu qui a fait un passage remarqué sur les planches du VYV Festival à Dijon.
Le concert qu’on vient de voir était super coloré, avec des costumes et même des peluches. Tu fais de la musique mais aussi beaucoup de travail visuel comme du dessin ou du cinéma. Qu’est-ce qui t’es venu en premier, la musique ou plutôt le travail artistique ?
D’aussi loin que je me souvienne, je dessinais, je faisais des choses, je chantais sans vraiment y penser. Je voulais être un artiste contemporain donc j’ai étudié l’art mais c’était bien trop sérieux pour moi. Je perdais un peu le côté « jeu » de l’art. J’écrivais de la musique mais plus en loisir. Je creusais plus le côté artistique et je poursuivrais dans l’industrie de l’art. Et puis d’un coup, on m’a dit de faire un choix entre la musique et l’art et j’ai décidé de ne pas choisir et de réaliser un film. J’ai fait un film qui s’appelle « CRYDODOS » : c’est l’histoire de 3 petites créatures qui sortent des toilettes si tu ne te sens pas bien. C’était un film pour enfant psyché et bizarre. Je l’ai écrit, j’ai imaginé les visuels et je me suis dit que j’allais faire la BO du film. Mais le film n’est jamais sorti et la BO est devenue un album et j’étais soudain devenu un musicien. Je ne me sens pas comme un musicien, car les gens derrière moi sur scène jouent bien mieux que moi donc c’est un privilège de jouer avec eux. Mais quand je suis sur scène, je suis content de pouvoir être un musicien.
Tu parles beaucoup de cinéma, moi quand j’ai regardé tes clips, j’ai vu pas mal d’écho avec des films de Larry Clark, quelque chose de parfois provocant et avant-gardiste et un peu punk. Qui t’inspire visuellement parlant ?
C’est drôle, j’en parlais avec ma manageuse. Je jouais dans des groupes punks, on faisait de l’illustration, on faisait nos cassettes, on enregistrait sur les bandes audios. On faisait nos T-shirts… J’ai toujours aimé cette énergie punk. J’ai joué dans beaucoup de groupes de punk-hardcore et j’ai gardé cette mentalité et maintenant j’adore mélanger des choses belles et joyeuses avec des clips bizarres. Ce que j’aime c’est le contraste. Prenons un film avec une scène de combat, si tu mets de la musique agressive, ça passe, mais si tu mets de la musique classique, le contraste raconte des choses. Et j’adore ça.
C’est vrai que tu as l’air de bien aimer le contraste, tu as été dans des groupes de punk, et maintenant, tu fais des covers des Destiny’s Child et de Britney Spears.
En fait, je fais les choses à l’instinct, j’intellectualise pas trop. Quand j’écris une chanson, j’ai des mots, je les mets ensemble, mais je n’essaie pas d’écrire une histoire parce que tout paraîtrait trop évident.
Tu fais quelque chose de plus abstrait ?
Pas forcément abstrait, mais des fois j’ai envie d’écrire sur des sujets, j’évite les choses éculées et je me dis je vais écrire sur du sucre. Et puis après, quand j’ai écrit et enregistré, je me rends compte que j’ai raconté une histoire et que je ne parle pas que de sucre.
Tu as sorti ton dernier album Violent Disco, encore une fois, parlons contraste, le disco violent ça donne quoi ?
En fait, il y a eu le COVID, ce n’est pas un album sur le COVID, mais après cette période, il y a eu des soirées « silent disco ». J’étais là : « mais on a vécu le corona, qu’est-ce qu’on fout à faire des soirées silent disco ». J’avais juste envie de sentir les corps… Donc j’ai écrit Violent Disco comme un disque sur le disco que je voulais.
Il y a aussi cette idée de créer quelque chose de collectif autour de ta musique, avec l’orchestre qui joue derrière toi ?
C’est surtout que je ne sais pas lire de notes, donc j’ai enregistré des démos, j’ai mis des percussions, j’ai joué de la basse par-dessus et après je suis allé vers mon synthé sur lequel j’ai des bruits d’instruments à cordes, je joue par-dessus, je sais pas vraiment ce que je fais, je me dis que ça sonne bien. Mais parce que je viens de quelque chose de punk, cette formation orchestrale, c’est différent pour moi, c’est amusant.
C’était un peu inconnu pour toi ce cadre quand même très organisé, carré. Comment travailles-tu avec eux ?
Les gens avec qui je travaille sont fabuleux. Le violoncelliste était là il y a 6 ans avec les premières démos et il ne m’a jamais quitté. Ce violoncelliste est tellement talentueux. On a eu un concert et j’avais fait des masques pour une chanson où on ne pouvait pas voir à travers. Ils devaient jouer à l’aveugle, mais ça allait car on avait répété avant. Mais soudain, mon piano cesse de fonctionner. Je ne pouvais rien leur montrer car ils avaient les masques. Dans la chanson, il y a une pause ensuite je dois continuer et ils me rejoignent. Mais avec mon piano cassé, je me dis « bon, après la pause, je suis mort ». Et là, le violoncelliste a senti que j’avais un problème et il a commencé à jouer ma partition à l’aveugle au violoncelle. Magique.
Tu parles beaucoup de ton énergie punk. Tu as dit dans une interview qu’il y avait du chaos dans tout ce que tu faisais…
Il y a du chaos dans la manière dont je fais les choses parce que je fais les choses naturellement. Je suis en train de peindre et puis d’un coup j’aime pas ce que je fais et je me dis, je vais écrire de la musique. Puis après j’intellectualise trop les paroles donc je retourne à la peinture. C’est très désorganisé, mais ça me permet d’avoir des idées fraîches et pertinentes.
Tu as illustré la pochette de ton dernier album, une espèce de vampire/loup garou en train d’embrasser quelqu’un. Tes musiques parlent aussi de démons, vampires… Tu es fan des Twilight c’est ça ?
Je n’avais jamais vu les Twilight, faudrait peut-être que je les regarde. C’est juste qu’avec ces créatures je représente le fait que chaque personne a ses démons. Un contraste entre une personne belle qui embrasse un démon, y’a le côté beau et le côté plus mauvais. On aime aller séduire ses démons, tu les haïs le jour mais la nuit, tu peux les retrouver.
Et sur scène tu crées des personnages : tu as ramené ta peluche Lama Lucy : il a aimé le concert ?
Il a toujours l’air fâché, il donne toujours des regards furieux.
Pour ton concert, tu avais ce masque de Mickey un peu psyché, t’aimes aussi te mettre en scène ?
J’adore le faire. Je sais pas pourquoi, c’est pas vraiment symbolique, ça peut l’être dans un sens mais c’est juste que pour moi tout ça n’est qu’un terrain de jeu que j’aime. Mais des fois j’y réfléchis un peu parce que je cherche la fine ligne entre faire quelque chose de carnavalesque et quelque chose de beau. J’essaie de trouver l’équilibre et me demande si je n’en fais pas trop.
Ce soir pour le VYV, tu as chanté un peu en français en nous dévoilant une nouvelle chanson « Sugar » !
J’étais en train d’écrire et j’avais une petite partie en français. Je me suis demandé si j’allais pouvoir la faire parce que mon français est tellement mauvais.
Mais on t’a compris, la foule était en délire.
Wow, merci. Mais voilà, je sais pas, cette chanson sonnait comme quelque chose de français.
À part apprendre le français, quels sont les autres projets ?
Je travaille sur des nouvelles chansons. Mais j’ai pas de plans pour les sortir… Je fais ça un peu quand j’ai envie. Je travaille aussi sur des clips un peu bizarres avec des jouets et puis je me dis que ça mène nulle part ; et puis d’un coup j’écris une chanson et je me dis qu’elle va bien avec ce clip. Tout s’aligne de manière aléatoire, c’est très fun quand ça fait ça.
Propos recueillis par Paul Dufour // Photos : Thomas Lamy