À l’occasion de l’avant-première du film “Vincent doit mourir” au cinéma L’Eldorado à Dijon, on est parti à la rencontre de l’acteur Karim Leklou. Dans ce film, Karim joue Vincent, un mec que tout le monde veut tuer sans qu’il sache pourquoi…il devra se battre pour sauver sa peau et faire équipe avec une serveuse énigmatique et un chien. (Oui je sais , ce pitch est fou…) Et visiblement, bah, ça marche, et même bien ! Eh ouais, le film a vu le jour à la semaine de la critique à Cannes, et depuis il globe-trotte PARTOUT dans le monde, on ne l’arrête plus…heureusement que les punaises de lits ne sont pas encore 2.0. (On rappelle que le film est réalisé par Stéphan Castang et que vous pouvez retrouver une interview de lui dans le magazine n°43 de Sparse).

Qu’est-ce qui a marqué ta rencontre avec Stéphan Castang autour de ce film ? 

Karim Leklou : Quand j’ai rencontré Stéphan j’ai été très marqué par sa vision que je trouvais hyper délicate, et j’aimais l’histoire d’amour qu’il incluait dans un monde violent. Et jouer cette histoire-là avec toutes les sous-couches qu’il propose par son écriture : on passe de l’absurde, à la comédie noire, au thriller paranoïaque, au film de genre, qui emprunte un peu au film de zombies. Tout ça pour défendre avant tout une histoire d’amour…C’est impossible à refuser quand vous êtes comédien. Surtout quand vous avez en face de vous un réalisateur qui a une vision précise de son film, et qui propose un challenge, que moi personnellement, j’avais pas eu l’occasion de faire. Donc j’ai été ravi de travailler avec Stéphan Castang.

Pourquoi t’as accepté de jouer dans le film ?

K.L: La cinématique me touchait, la façon dont il filme les combats, il esthétise pas la violence. Il la rend presque plus humaine, très réelle, parfois même absurde et complètement nulle. Y’a beaucoup de types de violences : celle faite aux femmes, en entreprise, la violence entre vieilles personnes, celle faite aux enfants…Parfois tabou, parfois qu’on ne veut pas voir. Je trouve que toute l’intelligence du scénario et du film de Stéphan c’est de décrire à travers des corps et sans un discours cette violence présente dans notre société. C’est quelque chose qui me touche, parce que ça contrebalance avec la tendresse et le réconfort que propose l’histoire d’amour.

Y’a des points communs entre toi et ton personnage ?

K.L: Je viens de me rendre compte que j’ai un gros point commun avec le personnage que je joue : c’est qu’on avait le même objectif, celui de rester en vie. Et c’était un vrai challenge par toutes les scènes de combat qu’on avait à jouer, c’était vraiment ma première préoccupation. Plus sérieusement il y avait quelque chose d’assez troublant, que Stéphan aime bien faire, c’est qu’il mélange la personne que vous êtes au personnage. Du coup y’a une part forcément de soi-même, et des choses qui ne le sont pas. Parce que moi au début, l’aspect jeune dynamique qui travaille dans une entreprise, c’était un rôle que j’avais pas forcément fait, et j’étais un peu en distance dessus. 

C’est quoi la scène qui a été la plus dure à jouer ?

Déjà, grâce à Stéphan j’ai eu la chance de rencontrer presque tous les acteurs du film ; donc ça crée des liens, où vous avez une relation humaine. C’est quand même mieux de dire bonjour à quelqu’un avant qu’on lui dise “Action, aller tape-lui sur la gueule !”. Et ça c’est quelque chose qui est important pour moi. La scène la plus dure pour moi, ça a été une scène physique, de dispositif de mise en scène. C’est une scène de combat dans une fosse septique où on se bat dans de la merde. Ça a été très très dur d’un point de vue physique. D’ailleurs je tiens à saluer le travail de Guillaume Bursztyn, l’autre acteur qui joue cette scène, le facteur. Ça rentre dans une violence qui, au début, peut paraître absurde et rigolote, à quelque chose d’extrêmement violent. Et même pour le personnage, que ce soit moralement et physiquement, je crois que ça a été la scène la plus dure.

Sinon c’était les scènes de rencontres avec Vimala. Et là aussi c’est de l’intelligence du dispositif de mise en scène d’un réalisateur: c’est qu’on n’a pas eu de vrai rencontre. En fait, j’avais juste répété les scènes de cascades avec elle, mais les rencontres, si on les avait répétées avant, ce flottement-là, cette maladresse, elle aurait été beaucoup plus difficile parce que superficielle. Pour revenir à la question, je pense qu’il y a complètement moi dans cette partie de maladresse qu’on voit à l’image. Et c’est vraiment tout le travail de Stéphan qui fait que ça peut exister. C’est assez chouette d’avoir un directeur d’acteur qui utilise vraiment toutes les armes de la direction d’acteur pour arriver à ce qu’on ait un film cohérent.

En plus y’a un truc assez génial pour un acteur, c’est que Stéphan c’est pas quelqu’un qui travaille AU-DESSUS des autres, il travaille AVEC les autres. Et ça peut paraître rien mais ça veut dire qu’il implique vraiment toute l’équipe artistique, les acteurs… tous les corps de métier. On a vraiment tous travaillé main dans la main pour fabriquer ces scènes, c’est un des films où j’ai le plus ressenti ça depuis que j’ai commencé et j’ai trouvé ça super. Ça donne un sentiment de collaboration assez jouissif. Et je crois qu’on a tous prit plaisir finalement, et moi le premier à être, dans la merde, voilà, pour en revenir à cette fosse septique. (rires

Texte : Lieutenant Dan // Photos : DR