Bienvenue dans la rubrique sexo de Sparse, une petite touche d’IA ça te dit ? Alors viens boire un coup à Dijon au Singe en Hiver : la fabrique de bières et de curiosité accueille une exposition collective sur les Intelligences Artificielles (IA) : “Les robots font-ils l’amour”, du 16 novembre au 6 décembre. « Les robots font-ils l’amour ? », déjà, le titre de l’expo fait penser un l’épisode de Black Mirror. Mais si, tu sais, celui où une femme en deuil fait l’amour avec une IA humanoïde, pour “rescuciter l’être aimé” et combler la perte de son mari (promis, c’est pas un spoil). Ça fout des frissons d’y penser…après ça c’est l’usage de la technologie poussée à l’extrême. Et pis, c’est fait pour jouer avec notre plus grande anxiété moderne (après que les pains au chocolat soient renommés officiellement chocolatines)  : que les robots remplacent les humains. Alors réalité ou cauchemar collectif renvoyé par les œuvres de fiction dystopique qui veulent se faire un max de biff ? Pour le savoir, on a interviewé Pierre-Elie Chapuis, le patron du Singe en Hiver, qui produit cette exposition.

Pourquoi le sujet de l’Intelligence Artificielle (IA) ?

P-E.C: On a envie de faire quelque chose sur l’IA depuis l’ouverture du lieu. Ici on a déjà cette spécificité des expos sur l’art numérique. Et avec le développement actuel : toute la place que ça a pris dans les débats publics, l’usage des IA qui s’étend, CHATGPT et toutes ces évolutions là…Y’a eu tellement de trucs qui nous poussaient vers ça qu’on s’est dit c’est bon, là faut qu’on sorte le projet des cartons. C’est un thème à la fois sexy et pop, et terriblement d’actualité donc on y accorde de l’importance et le projet nous tient à cœur.

C’est quoi l’objectif de cette exposition ?

P-E.C: Comme je disais, y’a ce constat global que l’IA dans l’espace public dans les débats prend beaucoup de place, peut-être de façon un peu hystérique parfois : y a un gros coup de flippe, enfin j’ai l’impression que les gens pensent qu’on est à 1j de Terminator. Nous on voulait montrer l’utilisation de l’IA dans des domaines censés être le propre de l’homme. On s’intéresse notamment au jeu, aux émotions, à la création artistique, qui sont des domaines dans lesquels on commence à utiliser l’IA.

Donc voilà, le débat de l’expo c’est ça, les enjeux actuels de l’usage de l’IA mais aussi ce que ça peut apporter de positif. L’expo attire l’attention sur ces  points-là, mais après elle reste assez neutre pour que le public se fasse son idée : la part de réflexion et d’interprétation est très libre.

Quel est le point de vue du Singe en Hiver par rapport à l’Intelligence Artificielle ?

P-E.C: La position globale du Singe là-dessus, c’est qu’on fait de la merde avec les objets numériques. En soit le numérique n’est pas une mauvaise chose, mais si tu prends le ratio positif/négatif on fait clairement une catastrophe de tout ça. 

Ici on cherche à montrer des choses faites avec du numérique, en proposant quelque chose de différent avec le même genre d’outil chez nous. Y’a des expos qui parlent d’IA mais en gros qui te livrent des créations mais sans réflexion dessus. Nous on voulait s’écarter un peu de ça et proposer une réflexion plus sensible sur le sujet. Et j’suis assez étonné que ce sujet-là, qui a l’air de fasciner tout le monde, bah en gros ça se résume juste à des articles internet un peu foireux pour la plupart. Alors qu’on vit déjà avec l’IA au quotidien avec la technologie qui prend de plus en plus de place dans nos vies.

Quelle sorte d’œuvre on peut trouver dans cette exposition ? 

P-E.C: Toutes les œuvres de l’exposition sont atypiques, marquantes et intéressantes à voir. Là c’est une expo collective, il y a 6 artistes différents.

On a une pièce qui convoque les réalités des nouveaux médias, le fait que l’accès à l’information dépend des algorithmes. On a une pièce qui est une structure qui crée elle-même des œuvres. On en a une autre qui réagit au toucher, elle a un statut particulier avec un côté beaucoup plus ludique.

T’as le collectif 3615 Señor qui est basé à Besançon. Ils sont portés sur le making : ils font de la bidouille avec des objets récoltés à droite à gauche. L’installation qu’ils proposent chez nous, c’est un minitel revisité qu’ils ont récupéré.

Il y a la vidéo de Justine Emard, censée être la plus impactante. On y voit un danseur chorégraphe japonais qui apprend à une IA à danser, et ça fait des images super belles.

Celle signée par Victor Reis, lui toute sa recherche s’intéresse à tout ce que l’IA est capable de produire. Ce qui fait aussi écho à ce qui est l’IA pour nous en plus. Donc il a conçu une structure cinétique qui produit elle-même des œuvres, là c’est une IA qui génère en permanence des visuels. Le propos de l’œuvre veut que les visuels générés soient systématiquement obsolètes, donc en gros ça produit une œuvre, détruite directement après. Ce qui donne un cycle continu comme ça de production/destruction.

On a 2 pièces empruntées à l’espace Gantner, le centre multimédia numérique de Belfort :

  • Une pièce interactive, signée par Dan Gregor, un artiste de République Tchèque. T’as un de halo lumineux qui bouge et qui si tu l’approche il sent ta présence, fin la machine et les capteurs sentent ta présence. Et le halo lumineux lui il réagit en fonction de ça, mais un peu comme un être vivant le ferait, avec une réaction de crainte et à la fois de curiosité. En terme d’illusion, de créer une sorte d’organisme pseudo-vivant à partir du numérique celle-ci est top. 
  • La seconde c’est une vidéo, dans laquelle l’artiste, Laurène Huret, s’est baladée en filmant toutes les scènes du quotidien. Mais elle l’a fait en cheatant son tel à partir d’un système de reconnaissance faciale qui a essayé de caler des visages sur des objets. Donc y’a des trucs un peu fous là-dedans.

Et le dernier artiste, Mathieu Arbez Hermoso, qui a créé, à partir d’une l’IA, la vidéo d’un baiser d’une durée d’un an. On ne diffuse que la dernière minute de cette vidéo, mais tout a été diffusé en temps réel en stream. C’est 2 êtres humains simulés, qui s’embrassent en permanence, mais comme c’est fait par l’IA, avec tous les défauts et imperfections que ça inclut, t’a des espèces de petits bugs dans la matrice.

“Les robots font-ils l’amour ?”, le titre interpelle, pourquoi l’avoir choisi quelle est la notion de corporalité dans l’expo ?

P-E.C: Le titre “Les robots font-ils l’amour ?”  fait écho à pas mal d’œuvres préexistantes à ça. Déjà il y a une pièce de théâtre que j’ai vu qui portait ce nom. Et c’est aussi un clin d’œil au bouquin de Philip K.Dick “les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?” et à bien d’autres.

En ce qui concerne la notion de corporalité, nous on s’intéresse à la frontière brouillée entre l’IA et les domaines du sensible. Le titre renvoie aussi à ça et on a certaines pièces qui s’intéressent directement au rapport au corps, réel comme virtuel. La plus évidente c’est celle de la vidéo simulée de baiser, là t’es entièrement dans une interprétation claire du titre.

Quand on parle d’IA, pas mal de références culturelles viennent en tête, est-ce que l’exposition fait appel à ces références ?

P-E.C: Clairement. Les références aux œuvres de science-fiction, à des films, des livres…t’en as dans dans toute l’expo. Ça convoque même beaucoup de références qu’on partage tous mais sans forcément le savoir. C’est ça aussi le côté cool : ça permet de toucher le plus grand monde, parce que c’est que y’a forcément un truc qui fait écho à ta propre culture à un moment donné.

Alors plonge au cœur du Love, death and robots Dijonnais en allant à l’expo “Les robots font-ils l’amour?” pour répondre à ta soif de curiosité. Hésite pas à ramener ton Bender, ton meilleur pote de beuverie, et venez découvrir le futur ensemble.

Bon après, si ça peut te rassurer, les robots, ils auront jamais le palais assez développé pour savourer une bonne binouze ! Donc tu restes imbattable sur ce terrain-là, et ouais mon pote. Bon, nous on t’attend au Singe en Hiver à partir du 16 novembre, loupes pas le rdv !

Texte rédigé par le Lieutenant D, certifié sans ChatGPT // Photo d’illustration : ADAGP