On a attendu longtemps avant d’interviewer En Attendant Ana, et c’est pas faute d’en avoir eu envie avant. Au contraire car on suit le groupe depuis leur début, en 2018 lors de la parution de leur premier effort Lost And Found. Déjà à l’époque, on était séduit par leur univers totalement anglo-saxon et leur sens hyper catchy de la mélodie. Deux albums plus tard, cette inévitable rencontre a eu lieu pendant les Indie Days à La Vapeur. Le mektoub.

Une interview menée en collaboration avec l’innénerable Martial Ratel, pour Radio Dijon Campus.

Quand on écoute la musique d’En attendant Ana, on entend Veronica Falls, Camera Obscura, pas mal de disques de Sarah Records. Elle vient d’où cette fascination pour la musique anglo-saxonne des années 80 et 90 ?

En Attendant Ana : Je saurais pas trop quoi répondre à ça parce que moi c’était des groupes que je ne connaissais pas trop avant de faire de la musique. Aujourd’hui, on les aime beaucoup, mais quand on a commencé avec En attendant Ana, par exemple Camera Obscura, je ne connaissais pas du tout. Voilà c’est des trucs que j’ai appris à découvrir après mais ça n’a jamais été les premières références du groupe.

C’est venu un peu comme ça quoi…

Bah je pense que les références étaient autres à l’époque…

Quels étaient vos références du coup ? 

Je sais pas, au tout début du groupe je pense qu’on écoutait le Velvet, des choses comme ça. Mais on était plus jeunes, et même si j’aime toujours le Velvet, je le citerais plus comme influence vraiment.

Rassures moi t’as fait anglais LV1 quand même ?

J’ai même fait des études d’anglais !

On pourrait se demander même si vous n’avez pas vécu là-bas parce que des groupes français qui chantent en anglais on en connaît plein, mais là il y a vraiment quelque chose qui transparaît, tout un univers, un décorum. On a vraiment l’impression d’écouter un groupe anglo-saxon...

J’en suis très contente, mais je ne saurais pas dire pourquoi, j’imagine que comme beaucoup de personnes de notre âge on a vachement écouté des groupes anglo-saxons, de la pop, de l’indie pop quand on était plus jeune. De l’indie ou même pas du tout indie, par exemple Avril Lavigne. Bon voilà c’est dit, j’écoutais Avril Lavigne ! Mais je pense qu’il y a des références communes en tout cas, c’est peut-être ce qui explique qu’on fait ça aujourd’hui. (rires).

Mais est-ce qu’il y a le côté consécration quand on est un groupe français, qu’on chante en anglais, quand on joue une musique anglo-saxonne d’aller jouer en Angleterre ?

J’ai pas trop l’impression d’y penser personnellement. À part là, où on fait une reprise des Pogues et j’avoue que de la jouer au Royaume-Uni ça m’a fait un p’tit stress, j’me suis dis “Han mais si ça s’trouve j’vais me faire fusiller quoi”. Et par ailleurs effectivement dès qu’on dit bah “On va faire une reprise des Pogues” tout de suite tout le monde est très heureux quoi.

D’ailleurs c’est venu d’où cette reprise de « I’m a man you don’t meet everyday » des Pogues ? Le côté un peu trad’ folk Irish ce truc là quoi ?

Maintenant on la joue live mais de base ça venait d’une capta, et l’idée c’était de demander à des groupes pop de reprendre un morceau punk et à des groupes punk de reprendre un morceau pop. On s’est posé beaucoup de questions et on s’est dit que les Pogues c’était un bon groupe de punk. On a repris un morceau mais il se trouve que leur version est déjà hyper folk et on l’a un peu énervée nous.

L’album que vous avez sorti, “Principia” c’est votre troisième, il y avait Lost and Found en 2018, Juillet en 2020, vous êtes sur un rythme d’un album tous les 2/3 ans, c’est une rigueur de travail que vous vous êtes imposés ou c’est parce que vous arrivez à chaque fois à la fin d’un cycle et que vous avez envie de passer à autre chose ? 

Moi j’aime bien quand ça va un peu vite, donc du coup j’avoue que je pousse un peu pour qu’on se remette assez vite au travail. Après la sortie de Juillet par exemple, on s’est remis à bosser directement. C’est juste que y’a eu les confinements dans le milieu quoi, donc c’est sûr que ça a pris un peu plus de temps, si ça se trouve on aurait fini avant. C’est Paul notre ingé-son qui m’avait dit un jour “Ah mais de toute façon quand tu vas avoir terminé de faire le disque tu vas avoir l’impression d’avoir cassé ton jouet et tu vas vouloir l’avoir à nouveau” et je pense qu’il y a un peu de ça. Là on arrive sur un fin de tournée de ce disque là, et ça fait depuis janvier qu’on tourne… J’imagine que ça ira jusqu’au printemps mais pas beaucoup beaucoup plus loin après. Donc on va s’y remettre assez rapidement, oui. 

On a écouté Electrelane, Stereolab ou encore Broadcast [] Aujourd’hui ce sont des groupes auxquels je me réfère pour pleins de trucs différents : pour les textes, pour les placements de voix, pour les progressions, pour des tas de choses.

Qui dans le groupe est fan de Stereolab et Laetitia Sadier ?

On est quelques-uns je pense à avoir écouté.

Parce que dans le disque, il y a des morceaux comme Black Morning ou Same Old Story, qui font vraiment penser à Stereolab mais dans le bon sens du terme hein c’est très agréable.

Parce que j’ai l’impression que tu parles de plagiat là comme tu le dis ! C’est ma hantise quand même. T’as pris les deux qui étaient les plus Stereolab. Il y a quelqu’un qui sur un autre morceau, sur une vidéo youtube à dit “ Ohlala j’ai l’impression qu’on essaye d’imiter Stereolab ”. Mais on a quand même des morceaux qui sont vachement différents aussi quoi. En plus Stereolab y’a énormément d’album, y’a énormément de choses qui changent, qui évoluent, c’est pas un groupe qui a une formule à un moment et qui l’a adoptée.

Mais justement c’est ça qui est drôle finalement, tu viens visiblement sans connaître tout ce background indé, tu fais ta musique et on te dit “ah bah ça fait penser à ça, à ça” mais toi t’as juste à répondre “bah c’est juste c’que je fais.”

Oui alors maintenant c’est un peu moins le cas parce qu’on a écouté Electrelane, Stereolab ou encore Broadcast, des trucs qui ont été souvent cités, et ça me fait vraiment très plaisir. Aujourd’hui ce sont des groupes auxquels je me réfère pour pleins de trucs différents : pour les textes, pour les placements de voix, pour les progressions, pour des tas de choses.

Après j’ai l’impression que c’est quand même bien dans votre conception aussi d’écriture, c’est-à-dire de se mettre en danger, d’aller sur d’autres territoires même si vous avez quand même une patte qui est en train de se faire avec le temps, mais d’aller chercher un peu plus loin. 

Ouais, et en plus là on sort d’une semaine de résidence où on a décidé d’inventer une sorte de jeu de dés, où on ré-arrange nos morceaux par rapport à des règles complètement random. Et du coup on a appris à réarranger tout le truc, et c’était assez difficile à mettre en place, donc oui il y a un truc où on a envie à chaque fois de trouver des moyens de faire autrement.

Interview : Frank Le Tank & Martial Ratel // Photo de couverture : Vincent Arbelet