Pour tout « popeu » qui se respecte un tant soit peu, le début des années 2000 rime avec Belgique : Une scène florissante avec des groupes terriblement excitants. Parmi eux Girls In Hawaii, et leur premier effort « From Here To There », regroupant le meilleur des 90’s ajouté à ce « je ne sais quoi » qui cristallise cette période dorée. Un disque qui fête ses 20 ans en tournée, l’occasion de faire le bilan, calmement en se remémorant chaque instant avec Lionel, une des têtes pensantes du groupe que l’on appelle familièrement « Les Girls » avant de les retrouver à La Vapeur à Dijon, ce vendredi 8 décembre.

C’est les 20 ans de l’album From Here to There, ça vous est venu comment cette idée de tournée d’anniversaire ? Ça vient de vous, des fans, du label ? 

Alors c’était une idée de l’Ancienne Belgique qui voulait qu’on joue nos albums les plus emblématiques. Au début on était pas super enthousiastes à l’idée de le faire, ça faisait un peu nostalgie et puis on a trouvé ça un peu curieux dans l’approche : on est toujours en action, on enregistre encore des disques… Et puis notre manager Pierre Van Braecquel, qui est décédé entre temps poussait beaucoup. Tout ça a un peu mis en perspective et on a décidé de fêter cet anniversaire. 

C’est un truc que l’on a vu pas mal avec Sonic Youth, My Bloody Valentine, Rage Against, At the drive in pour en citer quelques uns. En général les tournées anniv soit c’est super soit c’est grave naze. C’est quoi le secret de la réussite pour faire ça ? Vous vous êtes posé la question j’imagine quand vous avez envisagé l’exercice ? 

Sur la première tournée, il y avait beaucoup de projections. On projetait des super 8, pleins de trucs en péloches qu’on avait lâché depuis ; Du coup ça a été l’occasion d’appeler notre vidéaste Louis-Olivier Cornil. On savait que ça allait beaucoup reposer là-dessus.  On a reprit les productions originelles, avec juste quelques nouvelles choses. En comparaison, c’était pas le cas avec des groupes comme At the drive-in, qui eux qui se basait beaucoup sur le physique.

Mais oui c’est ce que tu disais, ça peut paraitre curieux pour un groupe qui a encore une actualité, qui tourne, qui crée encore, de faire une pause puis de faire une tournée qui regarde un peu dans le rétro alors qu’on a l’impression que vous avez toujours envie d’avancer, toujours des choses à dire…

Oui c’est ça. Mais bon là ça nous a permis aussi de préparer quelques nouveaux titres, mettre le travail de notre prochain disque en perspective par rapport au premier… C’est toujours intéressant de revoir comment les morceaux ont été écrits. Très dépouillés, très chanson aussi. Du coup ça c’était chouette, ça nous a plutôt amusé et pour le futur aussi c’était utile. 

Il y a des titres sur ce disque que vous jouez encore en live pour certains, mais j’imagine qu’il y en a pas mal que vous avez passé à l’as depuis un moment. Ça vous fait quoi de les rejouer? Ils sont réorchestrés ou justement pour le côté anniversaire vous les jouez tels quels ? 

Ouais c’est quasiment un travail de musée qu’on a fait. On a ressorti tous nos vieux synthés, on a vraiment essayé de rejouer tout au plus proche possible, parce qu’on a toujours été frustrés de pas pouvoir le faire. C’est vraiment un disque qui tient sur du bricolage, sur des sons qui ne sont pas du tout conventionnels, entre temps on est passé à des trucs plus pros, plus réguliers quoi. Ce disque, il sonnait déjà un peu bizarre quand il est sorti. On avait tout fait nous mêmes à la maison. Au début on avait pas encore beaucoup accès aux studios. Ensuite pour l’avoir joué beaucoup en formule « normale » si tu veux, enfin plus pro et tout ça, ça sonnait pas pareil. On arrivait jamais a retrouver le charme. C’est vraiment une question de charme je crois ; et du coup voilà on est vraiment passés par ce travail technique pour reprendre au mieux le disque. 

On a quasiment fait un travail de musée, on a ressorti tous nos vieux synthés

Ça fait quoi de revenir sur 20 ans de carrière ? Selon toi, qu’est-ce qui a changé le plus pour Girls In Hawaii en 20 ans ? Au sein du groupe et au niveau du public. 

Bah on a vieilli, le public a vieilli… non j’déconne. 

C’était ma question subsidiaire, est-ce tu vois le public vieillir avec vous ou est-ce que tu vois le public se renouveler ? 

Alors, le public vieilli avec nous, mais pas que évidement. Comme ça fait 20 ans qu’on est là, on a eu la génération des gamins qui avaient 10 ans quand il est sorti, là maintenant on a la génération des enfants des parents qui écoutaient. On a aussi beaucoup d’enfants, et des ados qui écoutent, mais après le coeur de notre public a notre âge quoi, voir un peu plus jeune. En tout cas en Belgique c’est comme ça parce que c’est un groupe qui a été intégré à ce moment là dans beaucoup de famille, c’est un disque que, en tout cas cet été là, beaucoup de gens écoutaient en Belgique. 

Un disque fédérateur quoi ? 

Ouais… Il y a un peu ce truc quand même de disque de vacances, tu vois. Y’a beaucoup de gens qui m’ont dit : « Ah ça me rappelle tellement certaines années de vacances »… Les gens qui se marient sur nos chansons… Ouais c’était assez fou comme période. J’ai un de mes meilleurs potes, pour son accouchement il a passé le disque quoi, donc c’est un peu étonnant ! Il y a une facilité formelle d’identification par rapport au disque, donc y’a de la place pour se l’approprier, y’a un truc comme ça… C’est un disque qui est arrivé au bon moment, qui a bien résumé la période. On a plus jamais tout à fait retrouvé cela après. 

Et du coup en 20 ans au sein du groupe, comment ça se passe entre vous ? Vous vous parlez encore ou c’est comme Air, vous arrêtez de vous calcul une fois passé en backstage ? 

Ah oui c’est vrai qu’ils s’entendent plus eux… Mais non nous pas du tout, non. Y’a eu des hauts et des bas, tu vois, Antoine et moi on a tous les deux notre caractère, et une tendance à avoir envie de faire ce qu’on veut… Mais on est aussi très potes, on se connaît bien, on connaît les parents de l’autre, les enfants. Donc parfois y’a peut-être un peu des tensions mais on est vraiment comme des frères, c’est vraiment le truc familial. Une ambiance de famille, et parfois ça te saoule d’aller à la réunion de famille et parfois c’est super, mais c’est toujours familier quoi.

Vous faites partie d’une scène belge qui a complètement explosée dans les années 2000, on parlait de vous, Ghinzu, Deus, BRNS, etc… Est-ce que tu as un regard nostalgique sur cette période ? 

Nostalgique, non, vraiment pas. Enfin… pas « non » non plus, mais j’aurais pas envie d’y retourner spécialement, parce que c’était quand même un peu what the fuck cette période. On se sentait très indés nous quand on a fait notre truc, on était tous dans des écoles d’art. Y’avait vraiment l’impression de faire un truc un peu artistique, un peu cool. Et la Belgique ça a vraiment explosé, c’est même devenu un peu un groupe « à fans » tu vois… Y’a un peu tout le mauvais côté qui commençait à marcher, beaucoup de critiques, de jalousie… 

Le côté rock-star un peu foireux, c’est ça que tu veux dire ?  

Ouais carrément, chez nous oui c’était vraiment dingue. Sur 2/3 ans… C’était vraiment disproportionné par rapport au projet. Bon évidemment c’est pas Justin Bieber mais bon, y’avait un truc étonnant, et trop. Mais bon après à côté de ça, on était un des groupes indés en Europe – en tout cas Europe type Espagne, Italie, Allemagne, tout ça… – donc on était dans tous les festivals. C’était vraiment un passeport super facile quoi. Donc ça c’était chouette, mais après ce qui était compliqué c’est que nous on était vraiment un peu à la ramasse, avec pas assez d’expériences, les concerts étaient difficiles, on faisait beaucoup la fête… 

Ça rend la pratique plus difficile effectivement…

Ouais, c’était vraiment courir après un train qui allait un peu vite pour nous. Donc on en est sorti un peu à fleur de peau, la pression était là et donc c’est devenu plus compliqué d’écrire. Ça a quand même laissé un peu des traces à ce niveau-là. Mais après ce disque a changé nos vies quoi… Moi j’ai toujours rêvé d’être musicien, j’ai toujours fais le voeux de faire un disque qui plaisent aux gens, donc voilà… C’est arrivé. C’est plus pénible aujourd’hui qu’on est moins hype, qu’on est plus en dehors du truc. En France par exemple la presse se bouscule plus trop comme avant, on avait des articles dans Télérama, les Inrocks et tout ça… Aujourd’hui moins, parce qu’on est plus vieux quoi, mais les salles sont quand même toujours plus ou moins pleines, quasiment toutes. Donc on est contents en fait, et on a plus a jouer quelque part ce jeu là. 

Sur cette tournée y’a pas mal de groupes cools en ouverture de vos dates, notamment River into Lake (un ancien membre des Girls) mais aussi Hoorsees, Judith Kiddo, Uwase, Lo Bailly, Lonny, Condore et j’en passe… Du coup vous avez eu un regard sur ces gens qui ouvraient pour vous ? Vous avez choisi ou ça s’est fait un peu naturellement ? 

Ouais on a vraiment passé du temps à choisir, ce qu’on faisait pas spécialement avant. A part les potes et tout. Du coup le label nous proposait des trucs, et puis nous aussi on avait des choses qu’on écoutait, et donc on voulait que la première partie soit vraiment choisie. C’est chouette aussi d’avoir un lieu, un soir où y’a un échange un peu indirect comme ça entre nous. 

Texte : FLT // Photos : Simon Vanrie