En sept ans, le groupe Oracle Sisters est passé d’un groupe de pop confidentiel aux petits chouchous des radios et playlists streamées autour du monde. Une pop bien ciselée comme on en faisait dans les années 60, 70 et un sens de la mélodie qui fait chavirer les cœurs devant un coucher de soleil. On a discuté avec Lewis Lazar, un des membres du trio, avant leur venue vendredi soir prochain à La Vapeur à Dijon.
Le premier single, Always, sort en 2018. Le deuxième album, Divinations, sort en 2025. En sept ans, qu’est-ce qui a évolué dans Oracle Sisters ? Hormis le fait que vous soyez trois à la composition maintenant ?
Lewis Lazar : En 2018-2019, on était vraiment au début. C’était une période d’expérimentation et d’apprentissage par rapport à la production. On travaillait avec d’autres gens dans la production qui nous aidaient à enregistrer, à nous développer. Mais ces deux années, c’est un peu la période où on écrivait nos premières chansons. On était peut-être un peu plus naïf. Je pense que nos expériences nous ont influencé dans le dernier album. Comme le Covid, les voyages, les tournées, tout ça… Mais dès le début, il y a cette appréciation pour la mélodie. Je pense que c’est l’essentiel dans notre musique. La mélodie et l’amour de la composition, de l’arrangement, de raconter des histoires qui sont importantes pour nous.
D’ailleurs, en parlant de la mélodie. C’était quoi le postulat, les influences au début du groupe ? Parce que moi, j’entends un truc un peu à la America à ses débuts. Un truc hippie, mais avec des progressions d’accords qui ne sont pas si simples, qui vont lorgner un peu autour du jazz et des accords septième, etc…
Lewis Lazar : Oui, exactement. On a toujours lié le mot pop à une connotation peut être un peu superficielle. Mais pour écouter la pop comme nous on l’aime, il faut retourner dans les années 60, 70. Au final, la pop, c’est très large. C’est un genre qui mélange plein de styles. Mais je pense qu’il y a un truc consistant dedans, c’est catchy, il y a une mélodie très forte… C’est ça l’essence de la pop. Par exemple, Bridge over Troubled Water de Simon and Garfunkel, c’était un tube.
« Même si la culture est différente maintenant, il y a cette idée que la musique parle directement au cœur et a une force émotionnelle. C’est toujours ça qu’on a voulu faire. »
On ne s’est jamais donné une sorte de catégorisation. C’est pour ça qu’on mélange tous les styles qu’on aime. Le jazz, le rock, la musique des années 80, 60… On n’a vraiment aucune limite par rapport aux influences.
Effectivement, j’ai compris qu’il y avait pas mal d’influences qui venaient de la musique brésilienne, la musique éthiopienne, non occidentale… Elle vient d’où cette érudition de la musique ? Parce que ce ne sont pas des styles faciles d’accès de prime abord…
Lewis Lazar : Julia, par exemple, elle a grandi en Finlande. Elle a été dans une école de musique où elle a appris ses premières chansons à la guitare. C’étaient des chansons brésiliennes. Plus tard, elle a creusé ça, en voyageant beaucoup. Elle a développé une vraie appréciation pour la musique brésilienne. Alors que moi, je suis tombé amoureux de la musique éthiopienne. Surtout, Tsegué-Maryam Ghèbrou, une nonne éthiopienne. J’ai commencé à apprendre quelques chansons éthiopiennes sur le piano. Avec le groupe, on a un peu intégré des accords qui viennent de leur façon de jouer. Par exemple, sur Tramp Like You, il y a un peu cette influence dans l’intro. Mais du coup, à chaque fois qu’on crée, on joue avec ce qu’on aime. On a toujours été ouvert à toutes les influences et à tous les styles de musique. Là, on a rencontré, en tournée, Tim Bernades du Brésil. On est des grands fans.

On rappel, vous vous connaissez tous depuis tout jeune. Le groupe, c’est une réunion comme deux faces d’une même pièce qui se réunissent pour assouvir le besoin d’écrire des chansons ensemble. En fait, c’était un plan qui ne pouvait que marcher, vous auriez fait quoi, si ce plan incroyable n’avait pas fonctionné ?
Lewis Lazar : (rires) J’avoue, c’est une bonne question ! J’étais à New York de mes 21 à 25 ans. On a commencé le groupe quand on avait 26 ans. Du coup, j’ai vécu l’expérience de ne pas savoir ce que je faisais. De boucler des concerts, mais ne pas savoir comment les promouvoir. J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec un des membres de The Strokes. Ça m’a appris un peu plus l’approche professionnelle. Quand je répétais avec lui, il était hyper pointu sur les détails. Il fallait répéter une trentaine de fois un morceau. Je pense que c’est un peu la philosophie de The Strokes. Ils sont hyper pointus. Et du coup, j’ai adapté cette approche un peu perfectionniste au groupe. Quand on a commencé le groupe, on n’était pas très contents de répéter pour avoir un bon son live. C’était juste le truc… comme au restaurant, d’aimer ce qu’on sert à table.
« Le principe était de se faire confiance ; que si tu crées quelque chose dont tu es fier, que tu trouves qualitatif, ça va plaire aux autres aussi. »
C’est un peu ça. Chris avait ses expériences à Édimbourg aussi. Il gérait des clubs de musique là-bas. On avait déjà un peu d’expérience derrière nous pour savoir se gérer au moins un peu !
Ça s’entend de toute façon sur la production et sur l’arrangement. Tout le monde a sa place, on sent les influences, mais sans que ce soit trop piqué. C’est cool. Ça montre qu’il y a un truc qui a été vraiment bien bossé en amont. En 2020, le single Asc. Scorpio vient un peu tout chambouler. Il y a une espèce d’effervescence à ce moment-là autour de vous. Vous l’avez senti ?
Lewis Lazar : Oui, ça s’est passé au fur et à mesure. Un an après, on voyait que la chanson avait été prise par des radios. On ne s’attendait pas du tout à ce qu’il fasse autant de streams. Sur le premier EP, le label avec qui on bossait s’attendaient à ce que ça soit une autre chanson. Moi, j’avais une petite intuition. Mais, on ne s’attend jamais à autant de succès. En plus, au moment de la sortie, c’était le Covid. C’était très difficile de ressentir l’effet bénéfique. C’est plutôt en tournée, un ou deux ans après, avec les gens qui chantent avec nous, qu’on a vu que la chanson avait un petit effet.
Le premier disque vous a mis sur la carte des groupes à suivre quand on aime la pop. Y’avait une certaine instantanéité, qui fait penser à Papooz, Andy Shauf… Ce truc de pop international méga bien ciselé. Et là, pour le deuxième album, vous vous éloignez un peu de cette pop Summer, il y a un truc un peu plus synthétique. Pourquoi ce virage ? C’est pour ne pas faire de redite ? Vous ne vouliez pas vous encroûter dans ce truc dans lequel on vous attendait ?
Lewis Lazar : Oui, peut-être ça. C’était aussi un peu une réaction à l’intensité du monde qu’on rencontrait, surtout aux États-Unis. Et les influences qu’on écoutait à ce moment-là, c’était un peu plus New Order, le groupe Suicide avec Dream Baby Dream, des chansons comme ça. On est aussi des fans d’autres styles. Tom Waits, Townes Van Zandt… on aime expérimenter ça aussi. Sur cet album, au lieu de prendre les guitares, on prenait des Casio, des vieux synthés, avec des boîtes à rythmes intégrées. Et on s’amusait à composer et trouver des idées là-dessus.
C’est marrant parce que j’ai l’impression que vous voulez faire danser davantage les gens avec ce disque. C’est un truc qui est venu avec le live, ce truc-là ?
Lewis Lazar : Oui, exactement. En tournée aux États-Unis, on voyait que c’était plus marrant pour tout le monde quand on allait un peu plus vite, et qu’on mettait un peu plus d’énergie sur les chansons. On a même inventé une sorte d’extension d’un morceau pour chercher plus de folie musicalement. Et on s’est dit après ces concerts qu’il nous fallait plus de morceaux comme ça. On a suivi notre instinct.

Crédits : photo par Victoria Lafaurie – graphisme par Clément Johanet
Sur la pochette de Divinations, il y a un côté Trivial Pursuite, Simon Says (NDLR, équivalent anglais de Jacques à Dit) un truc autour du jeu. C’était fait exprès ?
Lewis Lazar : Pas du tout (rires). Mais je vois ce que tu veux dire. C’est pas une mauvaise chose, parce que dans Divinations, on en vient toujours à l’oracle ou à une question. C’est un Trivial Pursuite mystique. Pour la couverture, on a travaillé avec un très bon ami graphiste qui s’appelle Clément Johanet, qui a proposé plein de choses. En fait, le cercle, c’est une sorte de symbole de l’onde sonore. Et pour le titre Divinations, on cherchait un mot un peu comme l’album Rumours par Fleetwood Mac. Un mot pour symboliser l’ambiance de l’album. Et on trouvait que ce mot, il décrivait assez bien notre rapport à la composition aussi. Il y a toujours cette ambiance mystique quand une chanson arrive, on ne sait pas d’où elle tombe. C’était un peu pour honorer ça. Un hommage à ce rapport qu’on a avec la composition.
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Texte : Frank Le Tank // Photos : Ella Hermë