Mondkopf s’est fait remarquer sur la blogosphère avec La Dame en bleu ; souvenez vous, c’était en 2009. Cette année, il reprend son dernier album Rising Doom en live avec un visuel noir et blanc géométrique hypnotique, parfaitement calé sur des kicks écrasants et un déluge de bruits blancs. Nous étions en direct des studios de Radio Dijon Campus samedi dernier, pour une interview croisée avec Mister B puisque Mondkopf jouait à l’atheneum dans le cadre de Novosonic.

Paul Régimbeau est un mec d’une discrétion presque touchante qui, à 25 ans à peine, a déjà défini avec talent sa vision très personnelle d’une electronica « raveuse ». Il nous explique ici son arrivée au sein du label Fool House, précise l’orientation musicale de ses prochaines productions et évoque son ancienne adjanite* aïgue.

(c) Vincent Arbelet

 

Sparse : J’ai lu dans plusieurs de tes interviews que lorsque tu composes et que ça ne marche pas, tu passes vite à autre chose. As-tu beaucoup de morceaux orphelins, qui traînent sur ton ordi ?
Oui il y en a pas mal. Et c’est vrai qu’en général si j’ai pas fini le gros de la composition en 2 jours, j’abandonne et je passe à autre chose. Alors oui mon disque dur est rempli de fichiers de morceaux d’1 minute à peine, ou de boucles…

Mister B : Justement pour tes morceaux, tu travailles avec des machines ou tu fais tout sur ton mac ?
Non je fais tout sur ordinateur, et c’est un PC (rires). J’ai un mac pour le live et un PC, qui est d’ailleurs mon premier et que je n’ai jamais lâché. C’est pas vraiment un choix, c’est comme ça. Les machines ça coûtent un peu cher, surtout maintenant ça a pris de la valeur. Et bon j’ai acquis un ordinateur au lycée, j’ai vu qu’il y avait des logiciels qu’on pouvait craquer donc je me suis pas pris la tête, et voilà j’ai commencé avec ça… et maintenant j’y suis habitué.

Sparse : Pour tes albums, tu enregistres quand même les voix et les synthés qui sont joués, et donc rajoutés sur l’album, même si à la base tu les travailles sur ordinateur, c’est ça ?
Ouais, alors les synthés ce sont les miens. Mais il y a des instruments et des voix que j’ai enregistrés par des musiciens ou des chanteurs. Y’a un coeur de chanteurs pour un morceau par exemple. C’est vrai que quand même j’aime bien avoir de vrais voix, c’est plus agréable et plus joli.

Sparse : Est-ce qu’on pourra s’attendre un jour à une composition avec un vrai chant ? Sans qu’il soit secondaire.
Ouais je pense, j’ai vraiment envie de faire un album avec beaucoup plus de voix… Pas forcément des paroles, mais des choses plus lyriques.

Mister B : Et peut-être te mettre aussi plus en scène pendant tes lives. T’aurais pas envie de faire comme Koudlam par exemple ou Yuksek qui n’hésitent pas à chanter ?
Non non, je crois que je suis bien derrière mon laptop (rires).

Sparse : Concernant tes visuels, qui sont réalisés par le collectif Trafik, comment ça se passe en live ? Est-ce que ça te laisse quand même une marge de manœuvre lorsque tu joues ?
Non pas vraiment, ça me donne un cadre très rigide, mais ça me convient parce que je suis quelqu’un qui se perd très vite si j’ai trop de possibilités. Du coup je préfère me concentrer… je veux pas avoir à penser à trop de choses quand je fais mon live pour bien réaliser ce que je fais.

Sparse : Et pour les autres visuels, je pense notamment à la série de t-shirts qui est sortie récemment et la pochette de ton album. C’est fait par la même personne ?
Alors la pochette, c’est une photo de Gala Collette, une photographe qui fait toutes les photos des maxis du label Fool House. Elle fait des autoportraits. C’est une amie, on aime bien travailler entre amis, c’est plus agréable. Après pour l’artwork général de l’album, c’est Jules Esteves, qui a fait aussi le graphisme des t-shirts.

Mister B : On va un peu parler du label, comment t’as atterri chez Fool House ?
En fait Fool House c’est le label de Guillaume et Hianta de fluokids. J’avais rencontré d’abord Guillaume qui est un ami. Avec la notoriété de fluokids, il a pu créer le label. C’était donc un moyen de sortir ma musique facilement, sans avoir de contrainte ou de « direction » artistique, parce qu’il aimait bien ce que je faisais…
Après Citizen est venu vers moi et ils ont dealé une licence avec Fool House, donc c’est sorti à la fois chez Fool House et chez Citizen. Donc j’y ai sorti un maxi. Puis y’a Asphalt Duchess qui m’a contacté pour sortir un album, après y’a eu des changements de direction chez eux donc j’ai quitté ce label mais ils ont continué à m’aider… et puis je suis retourné chez Fool House où on a décidé de sortir le dernier album.

Mister B : Pour conclure par rapport à Fool House, ça ne t’ennuie pas d’être étiqueté « fluokids » ?
Je pense que maintenant, Fool House et fluokids sont des choses bien séparées et les gens l’ont bien assimilés. D’autant plus qu’à présent j’ai crée mon sous-label In Paradisum où je vais pouvoir sortir les artistes que je veux.

Sparse : Revenons sur ta musique, le côté solennel, orchestral qu’on retrouve beaucoup sur le dernier album, ça te vient d’où ? C’est ton goût pour le classique, le drone, le métal ?
(rires) C’est un peu tout ça, après je m’y connais pas tant que ça en musique classique, j’écoute un peu plus de musique contemporaine. Mais c’est vrai que quand j’étais petit, mon père me trainait à chaque fois dans les églises car il était prof d’histoire de l’art. Donc il voulait nous faire visiter, et y’a un peu cette ambiance qui est restée en moi. Et puis j’ai découvert des compositeurs comme Arvo Pârt, c’est des musiques qui me touchent beaucoup. Donc je sais pas, c’est un moyen d’expression qui me va.

Sparse : J’imagine, vu que tu t’es fait tatouer « libera me » sur le bras, c’est ça ? De Gabriel Fauré ?
(rires) Oui

Sparse : Ca te dérange par cette référence au requiem, au morbide… ?
Non pas du tout. C’est vrai que c’est assez personnel donc c’est un peu dur de l’expliquer. Je fais de la musique pour l’exprimer autrement, c’est vraiment un truc de libération, que la musique me permet.

Dessin réalisé par Mondkopf dans le fameux carnet de Mister B

 

Sparse : Quel retour tu as à l’étranger ? L’album marche bien en Allemagne ou en Angleterre par exemple ?
Les Allemands je sais pas trop encore, j’ai commencé de répondre à des questions pour un webzine allemand… Mais en tout cas en Angleterre j’ai l’impression que ça va, j’ai eu un article dans lequel on m’a nommé l’anti-Guetta (rires). Mais après, euh, je sais pas, j’ai pas mal de demandes d’interviews donc je suppose qu’il y a des gens qui s’intéressent à moi…

Sparse : T’as des dates prévues à l’étranger ?
Là oui, je joue à Londres à la mi-décembre au XOYO.

Mister B : Tu te produis qu’en live ou ça t’arrive de faire quelques dj sets ?
Non je fais aussi des dj sets. En fait une fois tous les deux mois je fais des soirées avec Guillaume au Rex Club. Ce sont des soirées du label In Paradisum, donc je suis en résidence là bas et je fais des dj sets.

Mister B : Et pour ces sets, tu es toujours dans un esprit très sombre ?
C’est vrai que j’essaie de reproduire cette musique, où dans les années 90 tu avais Aphex Twin qui faisait un mélange de techno rave avec de la musique un peu plus expérimentale. Moi c’est comme ça que j’ai découvert l’electro, donc j’essaie de rediffuser ça.

Mister B : Tu l’as vu en live déjà Aphex Twin ?
Non jamais, mais je vais le voir là semaine prochaine au Pitchfork festival où je joue juste avant lui.

Sparse : Tu vas essayer de le rencontrer ?
Je sais pas… (rires). Je pense que je vais le croiser vu que je fais mes balances juste après lui.

Sparse : Tu voudrais lui dire quoi ?
« Bonjour » déjà, après on verra. Je veux pas faire ma groupie.

Sparse : Tu as dit dans une interview ne pas aimer la pop actuelle parce que tu la trouves surproduite et pauvre en émotion. C’est ton avis sur l’album de Metronomy ?
(rires) J’ai pas d’avis parce que ma copine l’aime beaucoup donc je veux pas me mettre à dos son avis. Non mais je les ai vus en live et j’ai trouvé ça plutôt intéressant leur conception des mélodies en live, pas forcément accessibles, très dissonantes. C’est pas la musique que j’écoute mais c’est plus intéressant que ce que je pensais.

Mister B : Quel est l’album qui t’a marqué cette année ?
Il y en a plein,  j’écoute tellement de musique !  Mais je pense à celui de Tim Hecker, Ravedeath 1972.

Sparse : Justement en parlant de Tim Hecker, ça te plairait de travailler comme lui et d’enregistrer dans une église ?
Oui carrément. Après c’est vrai qu’en musique électronique et en drone surtout, ça se fait beaucoup d’enregistrer dans des églises, des orgues ou des violoncelles. Il y a quelque chose d’un peu introspectif comme ça et en même temps quelque chose d’élévateur… J’ai vu l’orgue qu’il a utilisé dans cette église à Reykjavík : il est impressionnant et produit un son très puissant. Moi en tout cas oui, ça me ferait rêver de faire un truc pareil. Mais je sais pas jouer de l’orgue.

Sparse : Est-ce que pour la prochaine sortie tu vas te rapprocher du drone ?
Oui je pense. J’essaie d’arrêter de produire là parce que je veux pas que le nouvel album soit prêt alors que celui-ci sort à peine à l’étranger. Mais c’est vrai que ce que j’ai commencé déjà est un peu plus dronesque. J’ai quand même parfois des envies de grosses rythmiques, de grosses basses bien saturées.

Sparse : Pourquoi le pull marin ?
Alors… J’ai arrêté maintenant (rires). Je suis chez les pull marins anonymes. En fait c’est juste sur une seule photo de presse que j’ai un pull marin.

Sparse : A propos du blog, In Paradisum, on y retrouve beaucoup de photos, des extraits de films… Pourquoi tu partages ça ?
Vu que je suis pas très bon en interview, c’est une manière d’expliquer ma musique. Finalement ma musique est très inspirée de la musique que j’écoute. Et puis ça me permet d’expliquer d’où je viens, ce qui peut m’émouvoir et c’est pour partager des choses. Parce que c’est comme ça que j’ai découvert plein de morceaux, à travers des blogs justement. A la base je voulais pas en faire un, puis j’ai découvert tumblr, c’était facile, je me suis pas pris la tête. Ça créé une sorte de communauté assez sympa.

Sparse : Et les soirées In Paradisum ?
Elles existent depuis quelques mois, on a fait venir Tommy Four Seven, Perc et Indigo Kennedy à la dernière. En général ce sont des djs qui n’ont pas encore joué en France, qui font une techno plutôt industrielle, un peu expérimentale. On a fait Oneohtrix Point Never qui est plus ambient… C’est donc une soirée tous les deux mois à part cet automne ou ce sera mensuel ; on fait le nouveau live de The Field à la Gaîté Lyrique. Ca sera une très bonne soirée je pense, puisqu’il y aura aussi Dexter Dub qui font une techno dub un peu chamanique, très sombre également. Et de minuit à 5h ce sera le label Sandwell District et ses djs. C’est donc en décembre à la Gaité Lyrique. Toutes les autres soirées ont lieu au Rex Club, les mercredis, c’est gratuit.

Mister B : On n’a pas les droits ce soir pour retransmettre ton live à la radio, tu sais pourquoi ? C’est ta décision ?
C’est une décision de mon manager et moi pour laisser au gens l’occasion de le découvrir. Après si c’est juste un extrait c’est possible. En plus ça a été fait par Arte lors de la soirée à la Gaîté Lyrique. C’était disponible pendant trois mois, c’est plus en ligne maintenant je pense. Désolé.

 

* addiction au pull marin
Interview : Sophie Brignoli
Photo : Vincent Arbelet