Après le FRAC Franche-Comté et Sceni Qua Non, on continue de vous parler de médiation culturelle par ceux qui la font. Pour la troisième étape de notre série, focus sur Zutique Productions, à Dijon.

Zutique Productions existe depuis 1996 à Dijon. L’équipe est bien connue pour organiser le fameux Tribu Festival qui accueille des groupes de musiques du monde, jazz, hip-hop et qui cartonne début octobre à Dijon. Mais l’asso ne se limite pas à ça. Elle met à disposition ses compétences pour différents projets culturels. « On travaille beaucoup avec le tissu associatif local mais aussi avec des jeunes qui sortent des Beaux-Arts pour faire des choses avec eux sur le quartier des Grésilles », explique Pierre-Loup Vasseur, responsable des actions culturelles chez Zutique. L’asso a largement évolué et développé ses actions culturelles depuis. « On est aussi bien passé par le beatbox que par la rencontre entre le patrimoine et les musiques vivantes », continue Pierre-Loup.

Pour clarifier les choses, Zutique fait de l’action culturelle et de la médiation : deux choses différentes mais à la fois complémentaires. Monter un projet, collaborer avec des artistes et mettre en place le projet, c’est de l’action culturelle. La médiation, c’est plutôt l’animation sur le projet, c’est faire la connexion entre l’œuvre (ou le contenu) et le public. « C’est là pour faire le lien avec des gens qui sont passés mais qui sont repartis, et une œuvre qui reste », explique Pierre-Loup. Par exemple, pour faire en sorte que les jeunes s’emparent d’une œuvre et se sentent concernés par les actions culturelles, l’équipe doit faire de la médiation, pour l’expliquer. Ils partent de ce que le public connait déjà pour faire comprendre le message de l’artiste. « Le rapport à l’art c’est souvent « je ne comprends pas, donc on me prend pour un con, donc j’aime pas ». Alors que si t’expliques ce que ça signifie et comment par A+B ils peuvent se l’approprier, et bah ils adhèrent » résume-t-il. Lorsqu’ils ont emmené des jeunes de la MJC dans le Morvan sur le site archéologique de Bibracte, ils ont expliqué comment les habitants vivaient dans cette cité gallo-romaine en trouvant des ressemblances avec leurs modes de vie aux Grésilles.

« Les Grésilles, c’est notre terter’ »

Depuis 2007, l’équipe de Zutique est implanté au quartier des Grésilles et met en œuvre des projets spécialement pour ses habitants. « Le territoire, c’est aussi la manière dont on travaille, c’est pour ça qu’on est installés là », confie Pierre Loup. Jusqu’en 2019, ils étaient à Boutaric, une des dernières grosses barre d’immeuble du quartier. « À l’époque pour organiser des choses dans le quartier, on avait juste besoin d’aller toquer à 2/3 portes, appeler les gamins dans le couloir et coller des affiches. Je descendais tout le temps en bas du bat’, on était vraiment très connectés avec les habitants ». Ils ont conçu un potager avec les habitants sur l’esplanade Boutaric. De quoi faire des rencontres entre un framboisier et une salade. De cette initiative ont découlé des moments où les voisins peuvent se rencontrer et échanger autour de repas, d’ateliers cuisine, de jardinage, etc. 146 logements dans cette barre, ça fait beaucoup de monde, c’est bien qu’il y ait des projets qui rassemblent ces habitants. 

La Casbah Boutaric invite l’Espagne – Grésilles en fête – Esplanade Boutaric, Dijon, 6 juin 2010  © JC Tardivon – Une organisation Zutique Productions, avec Ben Allalat, musique traditionnelle du Maroc.

Depuis, ils ont déménagé leurs bureaux à 200 mètres de-là, sur la place du marché. Sur le quartier, ils bossent aussi bien avec la MJC que le centre social ou la médiathèque par exemple. Ils y organisent des concerts, des ateliers, ils font venir des artistes. Par exemple, ils ont fait le lien entre les différentes structures du quartier pour accueillir un orchestre de cuivres pour les 8-12 ans, créé par l’Orchestre Dijon Bourgogne. L’idée était d’amener la musique classique dans une maison de quartier. Faire de la musique classique, ça paraît pas hyper fun comme ça mais s’approprier un instrument, s’entraîner et jouer avec d’autres, c’est une bonne façon de développer sa motivation et son goût pour le travail d’équipe. 

Le quartier est tout le temps en train de bouger. Beaucoup de barres d’immeubles sont en train de tomber, tout est réaménagé. Pour se réapproprier les murs du quartier, ils ont fait appel à des artistes pour peindre des fresques. C’est une galerie d’art urbaine à ciel ouvert accessible tout le temps. Ces fresques découlent de ce qu’ils font en centre-ville rue Jean Jacques Rousseau depuis 3 ans maintenant avec le projet Le M.U.R. Une surface de bâtiment est mis à la disposition d’un artiste tous les trois mois. « C’est cool parce que ça fait du lien aussi entre le centre-ville et les Grésilles », se félicite Pierre-Loup. D’ailleurs, depuis quelques jours, on peut admirer rue Jean-Jacques Rousseau une tête de mort qui sirote du vin, signée par l’artiste Cannibal Letters. Stylé.

Zutique se diversifie et cherche tout le temps la nouveauté. « Il faut réussir à créer des choses toujours dynamisantes, on peut pas faire dix fois la même chose avec les dix mêmes artistes, ça serait chiant pour tout le monde », intervient Naemie Elmekki, qui travaille également sur l’action culturelle chez Zutique. L’équipe continue de porter des actions à droite à gauche, comme des concerts en maison d’arrêt, le développement d’une fanfare, ou des ateliers cinéma. Des projets qui permettent de mettre de la lumière à Dijon, mais surtout dans le quartier des Grésilles. 

  • Florentine Colliat // Photos : Louise Vayssié, JC Tardivon, Florentine Colliat, Zutique Productions