Débarqué des États-Unis il y a près de vingt ans, l’humoriste Sebastian Marx a conquis l’hexagone avec son accent à couper au couteau et sa vision décalée de la France. On a discuté avec lui avant son passage à Dijon le 31 janvier avec son nouveau spectacle « On est bien là ».
Tu faisais déjà des scènes aux Etats-Unis ou tu as commencé en France ? Comment tout ça s’est fait ?
La première fois que je suis monté sur scène c’était au lycée, j’ai pris un cours de stand-up à Manhattan, cinq minutes ont suffi à me donner goût de la scène. J’ai continué à la fac, avant de rencontrer une Française et de partir à Toulouse. Je comptais faire autre chose de ma vie mais la scène me manquait trop. Étant donné que j’ai grandi aux États-Unis, je savais qu’il était possible d’en faire carrière.

Ce n’est pas dur d’arriver en France en tant qu’humoriste américain ?
Il a fallu tout recommencer à zéro. Ça a été très dur au niveau linguistique comme culturel, et même le personnage a été différent. Tout de suite j’étais vu comme l’américain, donc les gens attendaient que je parle de mes expériences d’américain en France… et c’est ce que j’ai fait, surtout au début.
Ça t’a pris quand même quelques années pour te roder
Plein d’années ! Pour s’adapter et surtout être à l’aise avec la langue française sur scène. Quand j’ai commencé, c’était comme si j’écrivais et j’apprenais le texte phonétiquement, j’avais vraiment l’air d’un robot. Je n’étais pas spontané du tout et ça s’entendait, mes premières scènes à Toulouse étaient catastrophiques. Une fois, j’ai joué dans un petit café-théâtre devant douze personnes qui mangeaient. Il y avait un grand silence (rires). J’ai finalement décidé de tenter l’aventure parisienne. Chaque année il y avait des petits signes indiquant qu’il fallait rester, et ça fait maintenant vingt ans que je suis là. J’ai fait le Jamel Comedy Club, mais je n’ai pas l’impression que ça a beaucoup été regardé. La même année je deviens chroniqueur sur RTL et sur France Inter. Je commençais à me faire un petit nom grâce à ces chroniques.
« La France est un pays de cigales »
Tu t’imaginais faire quoi en France si ce n’étais pas du stand-up ?
Je pensais rentrer (rires). Non, j’ai fait mes études en cinéma… Mais je me suis rendu compte assez rapidement que ce que je préfère, c’est le stand-up. Plein d’humoristes commencent avec la scène parce qu’ils visent le cinéma ou la télé. Si ça m’arrive c’est très bien, et j’ai déjà fait des vidéos sur les réseaux et ma chaine Youtube… Mais ce n’est pas la priorité, mon kiff c’est la scène.
Est-ce que tu penses que l’humour français se démarque de l’humour américain ? Est-ce qu’il y a des ressorts comiques qui sont totalement différents ?
Je trouve qu’il y a toujours eu une identité française dans l’humour. Le côté série de sketch, one man show… Lorsque je suis arrivé il y a 20 ans, c’était très théâtral. L’acteur jouait des personnages, il y avait ce quatrième mur, comme on dit dans le milieu. Il y a ce mur imaginaire entre la scène et le public. Alors que dans le stand-up je suis moi-même, le public est là et je lui parle de ma vie actuelle. C’est la grande différence entre le stand-up et ce qu’on appelle le sketch ou le one-man show. La France était beaucoup plus branchée sketch à l’époque, et avec le Jamel Comedy Club les choses ont commencé à bouger. Et je trouve que la France a bien rattrapé le retard depuis 15/ 20 ans au niveau du stand- up.

J’ai vu que tu joues en français et en anglais, comment tu t’adaptes ?
Il y a quelques blagues que je peux faire dans les deux langues. Mais j’essaie de plus en plus de faire deux spectacles complètement différents. Le rodage que je faisais récemment en anglais à Paris ou en tournée, ce n’est pas le même spectacle que celui en français. Le thème du spectacle en français, c’est la Cigale et la Fourmi, qui est très français (rires). J’ai essayé une ou deux fois de faire le même genre de blague en anglais et ça ne marche pas du tout. Il y a des références culturelles, des clichés ou des notions propres à chaque pays qui sont plus compris par un pays qu’un autre. Je trouvais que c’était plus astucieux de séparer les deux spectacles.
Pourquoi « On est bien là » comme titre du nouveau spectacle ?
J’adore cette phrase. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’humoristes, y compris moi, qui se plaignent de la France. On râle souvent, on dit que c’est la merde… Mais « on est bien là » en France, les français le disent beaucoup et je trouve que c’est vrai. Sur plein d’aspects par rapport aux États-Unis, et je le sens encore plus en ce moment. Il n’y a même pas de traduction possible, on ne peut pas dire « we’re good here », ce n’est pas la même chose en anglais. Et surtout parce que le thème du spectacle c’est la cigale et la fourmi. La France est un pays de cigales, et c’est vraiment une phrase de cigale de dire qu’on est bien là. Dans le premier spectacle, je parlais plus de mon arrivée en France. Maintenant, je suis installé et je suis bien ici. Je joue moins l’étranger…
« Avec le Jamel Comedy Club les choses ont commencé à bouger. Et je trouve que la France a bien rattrapé le retard depuis 15/ 20 ans au niveau du stand- up. »
Tu as fait un sketch sur les expressions/ mots français, c’est lequel ton petit préféré ?
J’adore « voilà » (rires). Ça veut vraiment tout et rien dire. Surtout qu’on peut allier le « voilà » avec « donc voilà quoi ». J’aime beaucoup ces mots qui ne veulent rien dire, mais en même temps qui sont utilisés partout et pour tout dire. Il faut être français pour comprendre ça.
T’as pas peur de perdre ton accent ?
Non, de toute façon, j’ai l’impression que c’est foutu avec cet accent. J’essaie de l’enlever un peu, mais je n’ai pas forcément peur de ne plus rien avoir à dire si je le perdais. Le propos et les blagues ne sont pas dans mon accent, c’est dans l’écriture ou le thème du spectacle. Les gens pensent que je fais exprès alors qu’au contraire je voudrais être bien plus fluide et galérer un peu moins, car malgré tout je fais des fautes et j’hésite toujours avec des mots. Depuis quelques années maintenant j’ose faire plus d’impro sur scène donc je parle avec mon public et forcément je commets des fautes. J’en suis conscient mais souvent après coup, après que la phrase soit déjà partie. Ça peut faire rire mais ce n’est pas volontaire.

Sebastian Marx sera à l’amphithéâtre Romanée Conti (Palais des Congrès) à Dijon le 31/01 et au Grand Kursaal à Besançon le 23/04. Réservations sur www.scenizz.com et points de vente habituels. Plus d’informations au 06.95.85.52.05.
Texte : Killian CESTARI // Photos : Laura GILLI