Sans les coloristes, Hulk pourraient devenir violet et les Avatars roses. C’est le métier de Florine Bel. Elle s’assure que les images arrivent sur ta télé avec les bonnes couleurs. Elle apporte aussi ce p’tit effet qui rend tout “aesthetic” dans les films. On l’a rencontré au Festival Chefs Op’ à Chalon-Sur-Saône qui se déroulait du 27 Janvier au 02 Février. Action.
Ton métier c’est coloriste. Tu interviens en post-production et avant les tournages pour définir des ambiances par la couleur, c’est bien ça ?
Florine Bel : Pas exactement, je suis plutôt color scientist. Aujourd’hui, on tourne beaucoup en numérique. Là, si on prend une image avec le téléphone, les couleurs vont ressortir comme on les voit en vrai. Sauf que dans les films, on veut parfois que le contraste soit plus doux, les hautes lumières plus fortes, etc. Bref, y a pleins de volontés. Et ça, c’est des discussions qu’on a en amont du tournage pour que je prépare « un filtre ». Le filtre permet d’éviter d’avoir le look un peu basique d’une caméra. Il va donner une esthétique à l’image et appuyer le travail fait par les décors, les costumes, la lumière, le choix de la caméra. On travaille vraiment tous ensemble. Et après, il y a la post-prod. Les étalonneurs vont travailler sur les images qui sortent de la caméra pour appliquer le filtre, ce qui va peut-être demander que je le modifie légèrement selon les scènes. Je m’assure aussi que les images soient correctement vues à chaque étape de la post-prod, jusqu’à la diffusion.
Tu as travaillé sur Mufasa : Le Roi Lion, un film FX. Il y a une différence pour ton métier entre travailler sur un film “classique” et un film en effets spéciaux ?
Florine : Depuis le début, je te parle de mon rôle le plus créatif. Mais par ailleurs, je suis embauché à plein temps chez Technicolor. C’est un grand groupe financier, avec d’autres marques dedans. Il y a MPC qui fait des effets spéciaux, Mikros Animation qui fait de l’animation et The Mill, qui fait de la publicité. Moi, je vais donner des conseils techniques sur les logiciels qui sont utilisés par tous ces gens pour que les images soient correctes, qu’on voit les bonnes couleurs. Et ça, c’est super important, surtout pour les effets spéciaux. Des fois, ils créent juste des personnages, des fois toute l’image, comme dans Mufasa. Et si, ils commencent à créer en ne voyant pas les bonnes couleurs, derrière quand on va convertir les images ça va plus du tout ressembler à ce qu’on voulait. Mais sur Mufasa, on était des milliers à travailler, moi, je suis une petite partie de l’édifice (rires). Mais heureusement que je suis là sinon ça serait pas les bonnes couleurs et on comprendrait pas pourquoi le lion est bleu.

Crédit : Mufasa : Le Roi Lion, réalisé par Barry Jenkins (2024) ©
D’ailleurs, il y a des coloristes dans plusieurs domaines, la BD, les jeux-vidéos… Pourquoi t’as choisi le cinéma ?
Florine : Quand on m’a demandé ce que je voulais faire au collège, j’allais tout le temps au cinéma parce que j’habitais à côté, donc je me suis dit que je voulais travailler dans ce milieu. Ce qui me plaisait bien c’étaient les images. Parce que j’aime bien la peinture, la photographie, toute la culture visuelle au sens très large. Et je me suis dit “comment on peut travailler les images en France ?”, puis j’ai cherché les écoles de cinéma. Au début, je voulais être chef électricienne. Celles qui gèrent vraiment les projecteurs, l’éclairage, parce que j’aime bien la lumière et ses différentes qualités, je trouve ça intéressant. Pendant l’école (ndlr école publique du cinéma Louis Lumière – Saint-Denis), je me suis intéressé à ce qui se faisait après le tournage : la post-production. Et je me suis rendu compte qu’avec mon caractère, une vie rythmée par les tournages, ça ne me convenait pas. Ça avait l’air très excitant, mais peut-être trop excitant pour moi. Donc finalement, quelques chose d’un peu plus informatique, ça me plaisait bien. Mais c’était pas quelque chose que je pensais faire au tout début.
Et t’as travaillé sur de nombreux films, comme Vermiglio ou encore des séries comme Rivage… Lequel de tes projets t’a le plus marqué, que ce soit dans le processus ou la reconnaissance que t’en a tirée ?
Florine : Il y a pleins de réponses possibles. Avant chaque film, je demande beaucoup de références pour pouvoir créer un filtre, parce que parler de la couleur, c’est pas facile. Quand on me montre des images, c’est plus concret. Et pour Vermiglio, il y avait beaucoup de tableaux alors que parfois, on m’envoie pleins de capture de films. C’était riche en inspiration. Et puis le look est très fort sur Vermiglio, peut-être un peu trop fort (rires). Mais moi, je trouvais ça intéressant, ça allait vraiment très loin, alors que parfois, il y a des looks qui sont un peu plus classiques ou qui reprennent un peu la mode hollywoodienne d’aujourd’hui, etc. C’est des choses que j’aime aussi, mais se poser des questions différentes selon les films, c’est toujours chouette. Et après, il y a des films que je fais avec des gens qui sont juste très gentils, très reconnaissants. Et avoir des collaborateurs agréables, c’est hyper important !

Crédit : Vermiglio, réalisé par Maura Delpero (prévu pour mars 2025) ©
Justement, en tant que coloriste, comment tu t’inspires ou innoves dans ton travail ?
Florine : Travailler avec les mêmes personnes c’est chouette parce qu’on comprend l’imaginaire de l’autre puis j’ai des pressentiments sur ce qui va leur plaire. Mais avec ces personnes, j’ai aussi l’envie de ne pas toujours faire la même chose. Donc il faut que je compare ce que j’ai déjà fait, que l’on trouve quelque chose d’innovant. Ça va être très subtil hein ! Mais donc oui, c’est très important de s’inspirer. De voir des films, mais pas que. Il faut voir de la peinture, de la photographie… Vraiment avoir une culture d’image globale, car si on consomme qu’un type d’image, on va être formaté quoi. On va refaire les mêmes choses, et c’est dommage de pas explorer des choses différentes.
Texte : Léa Rabet // Photo : Audrey Perraud