[Par les élèves du lycée Montchapet à Dijon] On le sait maintenant de façon sûre, le dérèglement climatique impacte notre planète et notre vie depuis 3 siècles. Mais on ne maîtrise pas toujours forcément tout sur le sujet. Benjamin Pohl, chercheur en climatologie à l’université de Bourgogne, nous éclaire sur les enjeux de ce dérèglement. Quand est-il apparu ? Comment l’arrêter ? Pourquoi le climat se dérègle-t-il ? Bref, les causes et les conséquences et ce que chacun peut y faire.
Quelle est la différence entre météo et climat ?
Ce n’est pas une histoire de temps mais d’échelles que l’on regarde, c’est un peu comme les actualités et l’Histoire, il y en a un où c’est une vision instantanée et l’autre une vision sur le long terme. Le climat, c’est au moins une trentaine d’années, on regarde la manière dont chaque jour la température et les précipitations varient et après, on en fait des statistiques pour dire qu’en moyenne en janvier il fait telle température, tel taux d’humidité. La météo, c’est vraiment la succession au jour le jour, par exemple aujourd’hui tu sais que tu vas t’habiller avec un gros manteau de ski par contre la météo va te dire si tu vas devoir le fermer ou pas donc il y a une histoire de deux échelles différentes dans le temps.
Comment prévoit-on le climat ? Quels outils utilisez-vous ?
Déjà, on ne dit pas prévoir le climat, on parle de projections, on prévoit la météo, mais on fait des projections climatiques. Donc pour cela, on utilise des gros codes qui s’appellent des modèles de climats, ça fait partie des codes informatiques, des logiciels les plus compliqués qui existent aujourd’hui, les plus gourmands en calcul sur des super calculateurs, en gros des ordinateurs qui peuvent remplir une grande pièce. C’est pas sur des ordinateurs personnels que l’on peut faire ça, c’est beaucoup trop exigeant. C’est la seule façon d’être certain de la manière dont le climat va évoluer en fonction des choix que va faire l’humanité, d’émettre plus ou moins de gaz à effet de serre, d’essayer d’avoir des politiques ambitieuses, mais coûteuses… Je voudrais rajouter que ces modèles de climats parfois se trompent et que c’est important de comparer les modèles de climats avec les observations des mesures qui sont faites par Météo France ou partout dans le monde et les deux sont importants, l’un ne va pas sans l’autre.
Quelle est la différence entre changement, dérèglement, réchauffement climatique ?
Le changement, le dérèglement et le réchauffement renvoient à la même idée que les activités humaines ont perturbé le climat naturel. Le climat que l’on a actuellement n’est plus le même que celui d’avant. C’est lié au fait que depuis à peu près deux siècles, les activités humaines ont emmené des gaz à effet de serre qui ramènent de la chaleur et modifient le climat. Au début, on a commencé à parler de réchauffement climatique, car ça commençait avant tout par la température, mais la température n’est pas le seul paramètre. Le changement de la température entraîne des dérèglements ou des précipitations sur plein d’autres paramètres environnementaux et climatiques. Ensuite, on va parler de changement climatique. Le changement climatique, nous n’avons pas réussi à le freiner. Cela devient une urgence climatique. Le problème est que l’on continue à aller dans le sens que l’on nous donne. Étant donné que la population ne va pas dans le bon sens, on parle de plus en plus de dérèglement climatique pour bien insister sur le fait que c’est nous qui avons provoqué quelque chose qui n’est pas bon pour notre propre condition de vie
L’homme est-il le seul responsable ?
Le réchauffement climatique, ça intervient depuis 1850, depuis la révolution industrielle. Entre 1850 et maintenant, les causes ne sont pas naturelles, ça vient de l’activité humaine. Ça va très vite, très fort, parce qu’on a exploité du charbon, du pétrole, toutes ces sortes de choses, qui ont émis des gaz qui piègent la chaleur et dérèglent le climat.
Quand a-t-on commencé à parler de dérèglement climatique ?
Dans les années 80. On a lancé un groupe de travail, qui n’était pas connu du tout à l’époque, le GIEC. Mais les scientifiques connaissaient les lois physiques qui piègent la chaleur, les gaz à effet de serre depuis le 19e siècle.
Est-ce que le réchauffement climatique est partout pareil sur la planète ?
Non, ça dépend des activités humaines, des gaz à effet de serre. On peut aussi dire que l’amplitude du réchauffement est plus forte sur terre que sur mer. De plus, les hautes latitudes se réchauffent plus fort que les latitudes tropicales.
Comment s’organiser et d’adapter face au changement climatique ?
Il y a 2 manières de faire les choses. L’atténuation déjà : c’est rechercher à avoir des modes de vie qui essaient de rejeter le moins possible de gaz à effet de serre. Donc moins d’énergies fossiles. C’est ça la transition énergétique. C’est compliqué, parce que ça fait longtemps que l’humanité consomme de l’énergie fossile. Ensuite, l’adaptation : pour s’adapter à + 4 degrés… ça va être compliqué. On va avoir de gros problèmes de sécheresse, des problèmes sanitaires… avec des pics à 50°. C’est énorme. Il faut revoir la façon dont on bâtit nos maisons, nos villes, dont on pense notre agriculture… Pour pouvoir continuer à accueillir une population dans un environnement moins hostile.
Comment peut-on faire à notre échelle ?
Il faut changer notamment notre manière de consommer. Par exemple, on achète des produits qui viennent de loin. Il faut revenir au circuit court, aux produits locaux. Il faut aussi se demander si on a besoin de changer de téléphone tous les deux ans… On a été trop loin dans un mode de consommation qui ne prend pas en compte les besoins énergétiques qui se cachent derrière ce que l’on achète. Il faut changer notre manière de se nourrir, de se déplacer, de consommer… Pour avoir un mode de vie moins énergivore.
Comment arrêter ce réchauffement climatique, que ce soit individuellement ou collectivement ?
Il ne faut pas croire que ce sont les technologies qui vont nous sauver. Parfois, nous entendons dire : « oui, mais les technologies nous ont toujours tirés d’affaire et elles vont bien continuer à le faire encore à l’avenir ». À l’heure actuelle, nous n’avons aucune technologie qui nous permet de nous sauver de cela. Donc parier sur la technologie serait très risqué et cela serait probablement un pari perdant. Donc là meilleure façon de faire, c’est de réellement réfléchir à notre manière de vivre, de consommer, de se déplacer, d’acheter… À la place, il faudrait essayer de promouvoir une consommation responsable, modérée et sobre. D’une manière plus générale, en ce moment, nous parlons beaucoup de la sobriété énergétique à cause du contexte géopolitique, mais c’est quelque chose de plus général qui pourrait aussi avoir un intérêt par rapport au climat. Depuis quelque temps, un mot tabou est employé : « la décroissance ». Des personnes pensent que nous sommes allés trop loin sur la croissance économique sans se rendre compte que celle-ci avait un coût environnemental. Quand nous commençons à parler de cela, il faut se rendre compte que cela peut être compliqué politiquement. Il y a des gens pour et d’autres contre. Que nous parlions de décroissance ou non, aller vers une idée de sobriété, de consommer moins d’énergie, donc moins d’énergie fossile, cela serait vraiment la voie première à adopter.
Que diriez-vous à ceux que l’on appelle les climatosceptiques ?
Je n’en ai rencontré aucun qui a une explication scientifique pour étayer ses propos… Quand on se rappelle du film d’Al Gore, « une vérité qui dérange », c’est vraiment ça : ça dérange. Tous les scientifiques sérieux sont d’accord entre eux. C’est l’activité humaine qui déclenche la catastrophe. Mais ça dérange parce que ça remet en cause tous les progrès techniques et industriels depuis deux siècles. C’est beaucoup plus confortable de ne pas se remettre en question. La remise en question est trop importante et tout le monde n’est pas prêt. C’est pas une histoire de croire ou ne pas croire, c’est une histoire de mode de vie. Tout le monde n’est pas prêt, intellectuellement, à remettre en cause son mode de vie. Le problème des climatosceptiques, c’est un problème de philosophie…
Propos recueillis par : Maïssam AGGOUN, Emilande BAUDRION, Noah CAMP, Lucie BLANCHARD, Chiara DEROUILLAC, Célia CHARLOT, Solana GUIZNAIA, Mathyss JARCZYNKA, Marion LEGLISE-MARTIN, Louis MARCEAUX, Caroline ROBLOT