« Les Canards de Bagdad » ou « Ente Bagdad » en allemand. Ce club de Mayence dont le but est d’intégrer les réfugiés par le football possède un effectif digne des plus grands clubs européens (en nombre de nationalités), et fête cette année son 50ème anniversaire. À l’occasion d’un entraînement de l’équipe des enfants, on a rencontré en bord de terrain ceux qui font tourner le club avec passion : Stefan un des fondateurs, et le coach des jeunes, le Guardiola tchétchène : Basaaef. 

Comment les joueurs de différentes nationalités parviennent à se comprendre ?

Stefan : Les joueurs parlent parfois entre eux dans leur langue d’origine mais avec le reste du groupe et les encadrants, ils parlent allemand, cela leur permet d’apprendre plus facilement la langue. Le football leur apporte donc une aide pour s’intégrer et un apprentissage de la langue.

Comment les réfugiés entendent parler du club ? 

S : Nous allions vers eux avant 2014, mais depuis nous travaillons étroitement avec la fondation Juvente à Mayence, cette fondation s’occupe de l’hébergement des réfugiés. À chaque fois que des nouveaux réfugiés arrivent la fondation les prévient de l’existence des « Canards de Bagdad » s’ils sont intéressés pour taper la balle. Il y a quelque temps un membre de l’association est carrément venu avec un groupe de réfugiés afghans pouvant former une équipe complète.

Est-ce que l’accès au club est gratuit ? Ou faut-il payer une licence ?

S : C’est gratuit cependant quand les réfugiés sont là depuis 6 mois à 1 an et qu’ils commencent à recevoir un soutien financier de la part de la ville ou de l’état, nous leur demandons une cotisation de 2,50 par mois tout d’abord pour qu’ils soient membre officiel, ce qui leur octroient des avantages au niveau des assurance entre autres et de plus pour leur montrer qu’on ne peut pas toujours tout faire gratuitement. D’autant plus que l’équipement leur est fourni, comprenant les crampons, les maillots, etc… D’autre part, nous travaillons également avec le club de Bundesliga, FSV Mayence 05 qui ne nous soutient pas financièrement mais nous fournis du matériel, parfois des joueurs du club viennent nous voir, le club peut aussi certaines fois nous délivrer gratuitement des places pour voir leurs matchs à domicile.

« L’histoire commence avec 5 lycéens à Mayence qui s’ennuyaient et se faisaient beaucoup plus de soucis concernant leurs loisirs que le bac. »

Dites-nous en plus sur la création de l’Ente Bagdad qui fête cette année son cinquantième anniversaire.

S : L’histoire commence avec 5 lycéens à Mayence qui s’ennuyaient et se faisaient beaucoup plus de soucis concernant leurs loisirs que le bac. Ils ont décidé de travailler ensemble après le bac pour d’abord créé une équipe de football avec d’autres amis. Ainsi, nous sommes parvenus à réunir une douzaine de joueurs, assez pour disputer des matchs, notre premier match s’est soldé par une défaite de 5-1 mais nous étions contents d’avoir marqué notre premier but mais aussi très heureux d’être les plus à la mode avec notre maillot blanc et nos longs cheveux à la mode des années 70.

Quand à commencer cette intégration des réfugiés au club ?

S : Cela s’est fait naturellement. Au début il y avait peu d’immigrations seulement quelques européens comme les Italiens, Portugais, ensuite les Turcs, Yougoslaves… Nous ne nous sommes pas occupés des nationalités, pour nous cela s’est fait naturellement, nous avions aucuns souci de ce côté-là.

Aujourd’hui combien de nationalités différentes avez-vous au sein du club ?

S : Aujourd’hui nous avons 25 pays nationalités différentes, certains sont réfugiés toutefois nous avons également des personnes qui sont simplement venus pour le travail par exemple, nous avons des Français, des Belges, des Colombiens, des Brésiliens, des Chiliens, des Polonais, des Marocains, des Algériens, des Égyptiens…

Un club international…

S : Oui, c’est exactement ça.

Comment organisez-vous vos matchs ?

S : Nous organisons des matchs amicaux contre des équipes que l’on connaît et qui ont le même esprit que nous. C’est l’avantage de ne pas jouer dans un championnat, nous pouvons choisir notre adversaire. On a des matchs environ une fois par mois pour l’équipe adulte. Pour les jeunes nous avions une équipe qui jouait en championnat mais ces jeunes-là ont grandi, peut-être de nouveaux voudront eux aussi jouer en championnat. Pour le moment les jeunes actuels se contentent de l’entraînement et de l’intégration.

Combien de membres comptez-vous dans le club aujourd’hui ?

S : Nous sommes 200 membres officiels, qui jouent ou qui ont joué. Plus 130 réfugiés environ.

C’est pas difficile de faire la feuille de match avec des centaines de joueurs ?

S : Nous limitons à 15 personnes par match, nous faisons l’équipe sur la base du premier arrivé, premier servi. N’importe qui peut jouer, personne ne reste sur le banc, peu importe son âge ou son niveau, tout le monde joue.

Bassaef nous rejoint sur le bord du terrain. Ce jeune entraineur à la barbe fournie est un ancien joueur réfugié devenu entraîneur des jeunes du club. 

Quand as-tu commencé à jouer pour l’Ente Bagdad ?

Bassaef : J’ai commencé en tant que joueur en 2017, après 2 ans je suis passé entraîneur après avoir passé la licence. 

Pourquoi as-tu décidé de basculer, de devenir entraîneur ?

B : Le président, Ronald, m’a conseillé de remplacer le précédent entraîneur qui était malade, il m’a aidé à financer la licence d’entraîneur. J’ai décidé de faire cette licence pour aider le précédent entraîneur, pour Ronald le président, et pour aider les jeunes qui arrivent en Allemagne. Pour aider tout le monde. Je me reconnais également dans ces jeunes qui viennent d’autres pays, étant moi-même d’origine tchétchène.

« Le club m’a énormément aidé principalement pour la langue, les encadrants m’ont aussi aidé pour trouver un travail. »

Le club t’a aidé pour t’intégrer à l’époque ?

B : Évidemment, le club m’a énormément aidé principalement pour la langue, les encadrants m’ont aussi aidé pour trouver un travail. Le club est aussi intéressant grâce à sa diversité, car on apprend à découvrir différentes cultures. En général, le sport est merveilleux pour se débarrasser du stress et se maintenir en forme.

Tu faisais du football avant ou as-tu débuter à l’Ente Bagdad ?

B : Non, moi je pratiquais la boxe, je n’avais jamais touché à un ballon… Mais les amis que je côtoyais là où je logeais me motivaient sans cesse pour venir avec eux, alors un jour je suis venu et depuis j’aime ce sport. C’est différent de la boxe car c’est un sport collectif mais j’aime les deux.

Texte et photos : Nordine Erguig