Les élèves du collège de 4ème5 de Genlis ont rencontré le rappeur dijonnais O?ni pour une entrevue exclusive au collège Albert Camus. O?ni ayant grandi avec le rap, il était donc naturel pour lui de parler hip-hop avec une génération biberonnée à cela. Entretien fleuve entre influences musicales, vie de famille, et le quotidien d’un rappeur en 2022.

Quel est ton style de rap, tu fais plutôt de la drill ou de la trap ?

Moi je fais du rap, je fais de la trap et il y a de temps en temps des morceaux drill. La drill c’est un style spécifique qui vient d’abord des États-Unis et qui a été repris à Londres pour faire ce qu’on entend plus à l’heure actuelle. Même en France ce qu’on entend c’est de la drill londonienne.

Est-ce que ton style a évolué depuis tes débuts, entre plusieurs styles ?

Oui je pense. Plus que mon style, moi j’ai évolué avec le temps, comme n’importe qui, on grandit. Ouais moi je préfère être un caméléon je fais ce qui me plaît, donc si je vais avoir envie de faire un truc un peu plus chantant et qui se rapproche plus de la pop urbaine je vais en faire un petit peu. Si j’ai envie de faire un son zumba demain, je vais te faire un son zumba, un son club, mais je vais plus rester sur du rap de la trap, des trucs qui me parlent à moi.

Pourquoi le rap et pas un autre style ?

J’ai grandi avec le rap, c’était la musique que j’écoutais quand j’étais plus jeune. Je serais né il y a 20-30 ans j’aurais peut-être fait du rock. Et c’est la musique qui me permettait d’exprimer mes émotions. J’étais un petit peu tendu donc ça me permettait de me défouler, et le rap avec son côté très poésie aussi où tu peux vraiment dire ce que tu penses et t’es pas trop pris par le fait de devoir chanter, de devoir tenir tes notes qui est pour moi un peu plus compliqué. Le rap c’était vraiment ce qui me convenait.

« Moi je fais du rap, je fais de la trap »

Le nom O?ni vient de la culture japonaise (il s’agit de personnages du folklore japonais NDLR), Pourquoi la culture japonaise, est-ce que tu aimes le Japon ?

Oui j’aime bien le Japon, je n’y suis jamais allé encore mais j’aimerais bien. Mais j’aime surtout beaucoup les mangas et je pense que ça a joué depuis que je suis gosse sur toute mon évolution, c’est un univers que j’aime beaucoup.

As-tu des origines japonaises ?

Non je n’ai pas d’origines japonaises, moi je suis franco-tunisien.

Tu as sorti récemment un disque, Who’s Bad est-ce une référence à Michael Jackson, et si oui pourquoi ?

Oui c’est une référence à Michael Jackson. J’avais une idée de faire un premier album qui s’appelle Who’s Bad, et un album plus tard qui s’appellerait Thriller. C’est surtout parce que Who’s Bad ça veut dire « qui est mauvais » et c’est une question que je me pose souvent quand je vois les gens autour de moi. Je me demande qui est bon et qui est mauvais. Pour moi c’est une question qu’on peut se poser souvent, qui est vraiment fondamentalement bon ou mauvais, et comme je me la pose souvent, je l’ai utilisé pour mon album.

Quel est ton prochain projet ?

C’est un projet sur lequel je suis en train de bosser en ce moment qui s’appelle Illegal Tape c’est une mixtape avec des morceaux que je bosse en solo que je vais réunir et j’ai un clip qui arrive aussi le mois prochain je pense.

Quels sont tes idoles dans le rap, et ceux qui t’ont inspiré ?

Je ne peux pas dire que j’ai des idoles vraiment, j’aime beaucoup de choses et pas que dans le rap d’ailleurs. Au tout départ le premier groupe que j’ai adoré c’est un groupe qui s’appelle Sniper et aujourd’hui j’écoute beaucoup de Alpha One, Freeze Corleone, Zamdan j’aime bien, Laylow j’aime beaucoup aussi ce qu’il fait mais j’écoute un petit peu de tout.

Quel est le son qui te tient le plus à cœur, de toi ou un autre et pourquoi ?

Je vais t’en citer un à moi, je pense que c’est sur le premier album c’est un son qui s’appelle Gravite c’est le dernier morceau de mon premier album, je parle vraiment à cœur ouvert de tout ce que je ressentais à une période, pas mal de choses que je ressentais par rapport à ma famille et aux gens autour de moi et c’est vrai qu’à chaque fois que je le réécoute je retrouve une part de moi-même à une autre époque et c’est marrant de la réécouter un peu plus tard une fois que t’as évolué.

« Je ne peux pas dire que j’ai des idoles vraiment, j’aime beaucoup de choses et pas que dans le rap d’ailleurs »

Quel son as-tu préféré enregistrer et pourquoi ?

Alors ce ne sera pas un son. Il y a plusieurs moments que j’ai adoré. L’année dernière il y a eu tout l’enregistrement de l’album Who’s Bad à la Vapeur, qui est la SMAC (salle de musiques actuelles) de Dijon. C’est une salle de concert plus une équipe qui accompagne les artistes locaux dont je fais partie pour cette année-là, et grâce à eux j’ai pu enregistrer dans un studio de musique assisté par ordinateur qui était vraiment mieux que ce que j’avais chez moi. J’aime aussi beaucoup enregistrer chez moi parce que je suis bien, je suis dans mon cocon.

Comment imagines-tu tes clips ? Est-ce que c’est toi qui les produit ?

Ça dépend, la plupart du temps c’est un petit peu freestyle, c’est un peu comme tout ce que je fais. C’est surtout quand j’ai envie de faire un truc j’appelle des potes, je ponds des idées rapidement et après j’ai bossé avec AS9. C’est un mec qui fait des vidéos sur Dijon. Après je récupère tous les rushs, tous les passages qu’on a filmé, je les trie et je fais tout le montage derrière. J’ai remarqué que généralement quand des gens font des clips à ma place, il y a des fois où je n’aime pas ma tête, il y a des endroits où je n’aime pas trop les plans donc je perds beaucoup de temps.

Donc tu contrôles ton image en faisant tes propres montages ?

Exactement, on ne laisse rien passer (rires).

Quel instrument utilises-tu ?

Je fais de la musique assistée par ordinateur. J’ai un séquenceur, c’est un programme avec lequel tu peux faire de la musique et à l’intérieur de ce programme là j’ai des plugins, des petits programmes qui me permettent de simuler des instruments et avec ces instruments là je vais reproduire de la musique et derrière je vais l’utiliser pour poser mon son dessus. Mon instrument, c’est mon ordinateur et ma voix.

Quels sont tes thèmes d’écriture ?

Je fais de l’égo trip, c’est-à-dire que je parle de moi, de ma vie. La plupart du temps quelque chose d’introspectif. Je n’ai pas de thème prédéfini, la vie de tous les jours quoi.

Ça ne te branche pas d’écrire sur un sujet d’actualité? Tu ne te sens pas légitime de faire ça ?

Je pense qu’on ne connaît que sa propre réalité et moi je connais que la mienne et quand je dois prendre un sujet qui est déjà prédéfini et d’autant plus sur lesquels je n‘ai pas tous les tenants et aboutissants et qui ne me touche pas directement j’ai beaucoup plus de mal à décrire et à donner mon opinion parce qu’il y a déjà beaucoup trop d’opinions qui circulent. Je préfère parler de ce que je connais et qu’est-ce que je connais mieux que moi ?

Comment s’appellera ton prochain son ?

La braize avec un Z

« Mon instrument : c’est mon ordinateur et ma voix »

Combien de temps mets-tu pour faire un son de A à Z ?

Ça dépend. Ça peut mettre un jour, deux jours, parfois ça va être très très long, je vais écrire et je vais me poser. Il y a des sons que j’ai sorti, je les avais écrit 3 ans avant, c’était pas sur la même prod’ puis il y a des sons que je vais boucler en 15 minutes, je vais être en train de regarder la télé chez moi je vais me dire « oh c’est super », quand c’est comme ça je vais sur mon studio et en 15-20 minutes ça va être fait.

Comment tu prépares tes lives, t’y vas à la pure énergie ou tu ne prépares rien ?

Non, on prépare carrément. On fait beaucoup de répétitions à la Vapeur justement on prépare des sets toujours en gardant une idée du rythme qu’on va devoir avoir pendant le live, de la durée du live. Il y a des personnes qui vont écouter qui vont être susceptible d’être là, de savoir ce qui peut les catcher ou pas, là-dessus il y a une petite recherche. Derrière il y a pas mal de recherche par rapport aux déplacements, par rapport à l’attitude mais c’est un truc qui vient aussi naturellement, moi j’adore ça ! Je faisais du cirque quand j’étais gosse donc j’avais déjà fait pas mal de scènes. Je me sens bien à l’aise, je me sens bien dans mon élément mais une fois que je suis sur scène c’est un peu freestyle, je vais sauter un peu partout. J’aime bien garder un petit côté naturel, je pense que c’est important que tu passes un bon moment avec les gens.

Si on parle un peu de toi, de ta vie maintenant, a quoi ressemblait ton enfance ? tes études ?

Au début je marchais à 4 pattes (rires), non mon enfance est classique, un petit peu turbulent à l’école, je faisais un petit peu de son, j’ai évolué mais je ne suis toujours pas très adulte donc je suis encore dedans. J’ai fait plein de trucs. J’étais au collège comme vous, après je suis parti en bac pro électrotechnicien mais ça ne me plaisait pas donc je suis revenu au collège pour repasser le brevet parce que je n’avais pas eu des notes assez bonnes pour partir en filière générale. Je suis allé en générale, j’ai fait 3 ans en L (bac littéraire), je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi du coup je suis reparti et j’ai fait un CAP cuisine et j’ai fini cuisinier pendant 5 ans. Puis après j’ai arrêté pour me mettre à fond sur la musique.

Fais-tu écouter ta musique à tes parents ?

Oui à ma maman parce que c’est ma première fan et en fait elle l’écoute d’elle-même. Elle aime beaucoup ça donc c’est cool.

Est-ce que t’avais pas peur au début que ta mère te dise que c’est trop vulgaire ? Est-ce que tu craignais qu’elle entende des choses qui ne lui plaise pas ?

J’avais une relation un peu conflictuelle avec ma maman quand j’étais plus jeune. Je l’aime plus que tout c’est pas le fondement de la discussion, vraiment j’étais pas facile et je pense que sur certains points, elle n’était pas facile non plus. Au fur et à mesure de la vie il y a plein de choses qui se sont décoincés entre nous. On a pu parler de beaucoup de choses et quand j’ai commencé à avoir cette assurance de pouvoir lui faire écouter des trucs, on avait déjà passé un cap. Elle savait de choses sur moi et vice versa. On avait appris à être ensemble et à discuter un peu de tout. Donc non j’ai pas eu trop cet à-priori là. Il y a d’autres personnes de ma famille qui ont écouté à partir de Who’s Bad, ils ont adoré mais ça a été plus dur pour eux, ils ont pris un peu leur claque. Ils étaient là “ ah ouais donc ça tu l’as vécu comme ça ”.

Que pensent-ils du fait que tu sois rappeur ?

Ils me poussent vraiment vers l’avant. Dans ma famille on a une façon de penser, tant qu’on est heureux, on va être content pour l’autre. Demain peu importe ce que mon petit frère, ma petite soeur, ma mère décide de faire, s’ils sont heureux je serais heureux pour eux. Ils ne me jugent pas trop, ils ne me posent pas trop de questions par rapport à ça, juste ils me soutiennent à fond.

« Ma famille, ils me soutiennent à fond »

As-tu d’autres passions dans la vie ?

J’aime bien être avec mes potes, j’aime bien pratiquer du sport et puis voilà j’aime bien vivre, c’est bête mais pas tellement au final. C’est important de vivre.

Propos recueillis par les élèves de 4ème5 du collège Albert Camus et Julien Rouche // Photos : Edouard Roussel