Vous vous souvenez de la crise professionnelle de Joaquin Phoenix ? Non ? Ah bah c’est normal, nous non plus, on l’avait oublié. En même temps on s’en fout un peu…
Comme Luc Besson qui annonçait la fin de son métier de réalisateur (il a depuis réalisé au moins 3 films, c’est dur de s’arrêter finalement), Joaquin Phoenix pique sa crise en 2008 et annonce à la terre entière sa retraite du milieu cinématographique. Bye bye la carrière d’acteur, adieu les succès de Walk The Line, Gladiator, Signes, La nuit nous appartient ou encore Two Lovers, Joaquin (prononcez Ouaquine) se lance… dans le rap. Oui, l’espoir fait vivre comme on dit.
Un pari totalement débile, perdu d’avance dans lequel l’acteur s’engage pourtant à corps perdu. Casey Affleck, son beau-frère (la sœur de Joaquin, Summer est la femme de Casey, fin de la minute people), prend sa caméra et filme en parfait amateur (faut reconnaître que son grand frère Ben est quand même plus doué) la chute pathétique de Joaquin, acteur charismatique devenu marginal halluciné. Phoenix ne renait pas de ses cendres, bien au contraire… Il est aussi doué en rap que je le suis en curling (encore que, faudrait que j’essaie, j’ai peut-être raté ma vocation) ; il atteint des niveaux d’humiliation inégalés, de la chute au sens propre (grosse gamelle filmée par une ribambelle de téléphones portables lors de sa 1ère scène à Las Vegas) à un assistant qui, traité comme un chien, se comporte comme tel, en lui faisant caca dessus pendant son sommeil. Ah et n’oublions pas P. Diddy, euh pardon Sean Combs, qui lui donne une petite leçon, genre « Bon bah désolé on travaillera pas ensemble parce que t’es nul ».
On l’aimait bien Joaquin, avant. On découvre une espèce de hippie-homme des cavernes qui joue l’éternel incompris, fait de gros caprices de star, végète dans les chambres d’hôtel, alterne entre coke, putes et vomi. Un bien beau programme, quoi. L’homme devient une caricature de lui-même, hué, moqué, parodié par tous les médias de la planète et les gens du milieu (personnellement j’adore la vengance complice de Ben Stiller aux Oscars).
Mais attendez… Ah oui tout ceci n’est en fait qu’un énorme fake, une grande mise en scène, un joli petit mensonge de cinéma. Joaquin et Casey nous ont (plus ou moins) bernés ! Tout ceci n’est qu’une gigantesque mascarade. On l’avait déjà quasiment deviné mais Casey a fini par le révéler à la dernière Mostra de Venise, à la présentation du film. Et c’est là que ça devient intéressant. La frontière brouillée, floue entre fiction et réalité, c’est ça le sujet principal du film. Avec une simple caméra, 2 acteurs réfléchissent sur la notion de vérité au cinéma. Finalement, on s’en fout un peu du quotidien de Joaquin Phoenix.
Autre fait notoire : l’évocation déjà, à l’époque, d’une possible fuite par une personne très au courant du canular, incluse dans le film. On voit Joaquin Phoenix ou JP, son nouveau nom d’artiste hip hop (yo !), péter une crise de parano, dénonçant son assistant (celui qui fait caca) comme l’infâme traitre. On a rapidement compris que Casey Affleck et son acolyte s’amusent même de l’effet raté de leur mascarade.
Mais quel est le but finalement de tout ce projet loufoque ? Apparemment dénigrer, dénoncer Hollywood, son univers impitoyable (référence au générique de Dallas totalement inconsciente). Moui… Pas très original me direz-vous. Ce qui suscite plus notre intérêt, c’est le délire de Joaquin Phoenix. Le risque que peut prendre un acteur, alors au sommet, partagé entre sa vraie personnalité et ce personnage caricatural à souhait. Voit-on le vrai Joaquin Phoenix à l’écran finalement ?
Un exemple particulièrement malsain du côté frontière floue entre réel et fictif : ce double regard porté sur l’humiliation. Joaquin filmé par Casey, regardant à la télévision sa prestation léthargique sur le plateau du présentateur David Letterman, vue et moquée par la terre entière (la vidéo avait fait un sacré buzz sur le net). On voit alors les larmes couler sur le visage de l’acteur, et on ne peut s’empêcher de penser : n’y a-t-il tout de même pas une part de vérité dans ce plan ? L’humiliation, elle, était bien réelle… Et de nombreux journalistes étaient tombés dans le panneau.
I’m Still here demeure un fascinant objet cinématographique non identifié, idéal pour des discussions vives entre amis. On reste partagé entre admiration et cynisme : Joaquin Phoenix, un des meilleurs acteurs actuels va jusqu’à mettre sa carrière en danger pour un faux documentaire amateur à l’effet plus pétard mouillé qu’énorme buzz… Cela en valait-il la peine ? Une question qui trouvera peut-être sa réponse dans quelques années.
Qu’à cela ne tienne, Joaquin is back dans le prochain James Gray, ouf.