Fait bizarre. C’est Gazza qui, tout excité par la chose, m’invite à voir un spectacle : « Mec, Terez Montcalm passe à Dijon, j’ai entendu sa reprise de Sweet Dreams, c’est aussi bon que Chris Waddle à Tottenham en 87 ! » Pour moi Waddle étant surtout une coupe (de cheveux) légendaire, je prends, interloqué, les billets direction les Feuillants.

Mauvaise nouvelle, c’est Christophe Wallemme qui tient la contrebasse. Vu cette saison chez Media Music, Wallemme a laissé un goût de pas assez. Pas assez de nerfs, pas assez de risque et pas assez d’engagement. A voir ce que le gus donne en sideman. D’autant qu’il est accolé à Pierre de Bethmann, pianiste correct et inventif en leader ou quand il est sur le terrain de jeu de David El Malek ou des frangins Moutin.

La bonne nouvelle est que Steve Williams est là. Le batteur a accompagné durant 25 ans Shirley Horn, taillant rubis sur l’ongle son répertoire en précision et en facettes. Bingo, c’est de ce répertoire dont il s’agit ici. On a commandé à Terez Montcalm un tribute autour de la chanteuse qui a fait fausse route en 2005 après une carrière lancée par Miles, rien de moins. Re-bingo, c’est sa chanteuse préférée. Après un warm up plutôt laid-back, la chanteuse du jour, québécoise de son état, se lance dans un discours introductif pour nous dire qu’elle est contente d’être là et nous fait le coup (ô divine surprise) de la moutarde de Dijon. Passons sur la complexité gastrono-économique du sujet et laissons-là comme elle dit prendre une traite (plaisir) au concert.

« Music-hall bien fait mais anecdotique »

C’est là que ça se gâte. Tout est en règle, l’émotion, l’hommage à la chanteuse préférée et le grain de voix qui va bien. C’est vrai qu’elle a une belle voix, Terez. Charnue, corsée et chaude comme un volcan d’Auvergne un soir de pluie (Gazza me signale ici, que les volcans sont éteints depuis des lustres). Mais la cousine d’Arcadie en use et en abuse. Le set annoncé comme jazz vire carrément au blues un peu gueulard. Ce qui fonctionne sur les cheveux les plus gris du public. L’émotion est là, on étire les notes, on grimace à chaque syllabes sorties des tripes. Du blues des fifties authentique en direct des States !

La vraiment bonne nouvelle est que Steve Williams est là. D’ailleurs c’est rigolo. Les quadras du combo semblent dix fois moins modernes, musicalement, que le vieux batteur, sexagénaire au drive terrible. On regrette de temps en temps que la fille ne laisse pas Wallemme, pas mal en fond de scène, de Bethmann et Steve Williams ferrailler une bonne demi-heure pour arracher un peu de jazz à ce concert. La vraiment mauvaise nouvelle c’est qu’il y a un guitariste. Jazz à la papa et contorsions jouées aussi finement que les descentes de gamme, Jean-Sébastien Williams (juré je n’invente pas) fait bouger sa demi-caisse en rythme avec sa tête. C’est bien joli mais ça fait pas avancer le concert ailleurs que sur le music-hall bien fait mais anecdotique. C’est vraiment dommage sur les reprises, public de France oblige, de Piaf, Ferré enchainées sans différence notable avec le répertoire de Shirley Horn ou celle de Nina Simone. Si le Piaf (Hymne à l’amour méconnaissable) est le meilleur morceau du set, un sursaut incongru pousse le groupe à reprendre le Voodoo Child de Jimmy Hendrix. Et là notre Jean-Sébastien perd la pédale définitivement. Pas vraiment le fils du vaudou. Pas plus que Waddle en demi-finale pendant la Coupe du monde de 90.

Badneighbour