Même si Argo n’est pas le chef d’œuvre de l’année, il reste un sympathique petit film d’espionnage rétro haletant. Une mise en abyme qui montre qu’en plus des crises politiques mondiales (USA contre le Moyen Orient), le cinéma hollywoodien n’a pas changé d’un iota.
On a souvent un peu peur quand un film s’annonce d’entrée « tiré d’une histoire vraie »… comme si le fait réel étant déjà assez efficace, suffit à créer un film et qu’il se passe de mise en scène. Hollywood raffole de ce genre racoleur pour le meilleur et surtout pour le pire.
Le côté vintage du film est plutôt sympa. L’impression d’une pellicule quelque peu abîmée, une image joliment granuleuse… On pense d’emblée aux Hommes du Président.
Avant de critiquer, rappelons les faits : en novembre 1979, l’ambassade américaine à Téhéran est prise d’assaut par des activistes de l’ayatollah Khomeini, nouveau chef du pays après l’exil du Shah aux États-Unis. L’Iran reproche justement au gouvernement américain de protéger le Shah et réclame son retour immédiat pour être jugé. Cette prise d’otages de l’ambassade américaine est un des moyens de faire pression. Mais six employés parviennent à s’enfuir et à se réfugier dans l’ambassade canadienne. C’est de là que commencent les problèmes, et le boulot de la CIA. Celle-ci engage son meilleur « exfiltrateur » chargé de les ramener au pays. Incarné par Ben Affleck (on n’est jamais mieux servi que par soi-même) cet agent, Tony Mendez, a une idée des plus loufoques : faire passer ces 6 Américains pour une équipe de tournage venue faire des repérages sur place pour une pale copie de Star Wars.
Au début tout va très vite, pour sûr il ne faut pas traîner. Affleck adopte un point de vue réaliste plutôt intéressant, en caméra épaule. Pas facile tout de même de raconter tout un pan de l’histoire iranienne en 2 minutes… et en story board. Cette scène d’ouverture annonce d’emblée : c’est un film d’espions certes, mais c’est surtout un film sur le cinéma, ses rouages, ses magouilles, son système pourri. Ou comment les films audacieux du Nouvel Hollywood des seventies ont été évincés au profit d’une multitude de grosses productions de mauvaise qualité, mais qui rapportent. On retient aussi cette séquence qui alterne conférence de presse du dit faux film de science-fiction à Los Angeles et celle organisée par les activistes iraniens pour leurs revendications. Tout n’est que spectacle finalement.
« Argo fuck yourself »
Et un peu d’humour n’a jamais fait de mal à personne, histoire de détendre l’atmosphère. John Goodman et Alan Arkin, les 2 trublions grandes gueules d’Hollywood, remplissent parfaitement leur mission. On retiendra ce « Argo fuck yourself », comme un message à peine dissimulé de Ben Affleck à ce système qui l’a maltraité ces dernières années, avant qu’il ne passe derrière la caméra.
Affleck prouve aussi qu’il a une parfaite maîtrise du suspens. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une pareille séquence d’évasion aussi haletante, presque énervante tellement la tension joue avec nos nerfs. Et c’est justement en cela que Argo a de très bons côtés : Ben Affleck ne prétend pas donner une leçon d’histoire ou de bravoure, il fait du cinéma et prend du plaisir à le faire. Et ça fonctionne.
On n’évite pas cependant les clichés des mecs de la CIA en costards incompétents qui jurent à tout va, sans oublier les vilains iraniens barbus pas contents… Ahlala, pourquoi tant de manichéisme ?
Mais le bémol est surtout là : le film se termine sur une note affreusement patriotique, en complète adéquation avec l’idéal démocrate, tout va bien dans le meilleur dans le monde, la mission est accomplie et on rentre au foyer quitté depuis trop longtemps. Que c’est mièvre… à croire que Ben Affleck s’est promis que son 3ème long serait sa revanche, ou plutôt sa résurrection aux prochains oscars, un truc qui fonctionne toujours très bien dans l’idéologie américaine actuelle, comme au cinéma d’ailleurs. Tout se rejoint.
– Alice Chappau