Toutes les semaines, on va te faire découvrir un disque qui sort des sentiers battus. Pas la peine de t’échiner à te faire croire que tu t’y retrouves dans la jungle des sorties d’albums, EP, mixtapes ou démos… Tu galères. Nous, non. Alors on t’aide. Cette semaine : on ride.

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Bang Bang
« Au bout de ma ride » (hosted by DJ Raze)

Tags : automobile, alcool, rap
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Les rappeurs sont nos amis dans la mesure où ils nous font rire. Une propension abyssale à dire de la merde en se persuadant d’être malin ne peut que nous rendre attentif. Bang Bang, c’est un peu le haut du panier en terme de bonheur ridicule. Ils sont deux à constituer le noyau dur : Emotion Lafolie et M.I.T.C.H. On connaissait déjà Lafolie grâce à son autre entité dans la même veine (Noir Fluo), accompagné par les magnifiques Tony Lunettes, Waslo Dileggi et surtout l’excellent Riski Metekson.

Dans tous les cas, les mecs ont depuis longtemps abandonné toute inhibition et on ne peut que les en remercier. Rappant ou hurlant sur des sons West Coast très lents, il faut bien admettre qu’ils ont un style inimitable. Le tout est ici mixé par un excellent producteur suisse, DJ Raze, qu’on connaît pour ses Screwed & Chopped, notamment du classique Bâtards sensibles de TTC, ses mixtapes de Cuizinier et ses collaborations avec tout Genève, en particulier The Genevan Heathen.

L’arrivée d’une nouvelle mixtape ne pouvait donc que nous exciter : attente de punchlines scandaleuses de la part de ces espèces de MC punks décadents qui sont ravis de traîner dans le caniveau leur baggy tombant dans leur vomi et qui le chantent, pour nous.

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Il y a là probablement un document à proposer aux services d’addictologie de ton C.H.U, voire de psycho-pathologie, tant certains titres ont un caractère obsessionnel patent. « Fumer de la bonne » est par exemple un monument érigé à la gloire de la monomanie, ou l’auto-congratulation habituelle des rappeurs (l’égo-trip) le dispute à la consécration des plantes médicinales. Il est par ailleurs souvent question de l’alcool mauvais des divers protagonistes de l’album. De quoi parler au zonard de la rue Berbisey-Jeannin. Le rappeur Mitch se demande même souvent ce qu’il a fait sous prod’ : le titre « Hier soir » est une espèce de reprise ride de l’atroce « Désolé pour hier soir » de Tryo. Bon, c’est assez horrible ici aussi, dans la mesure où nos rappeurs poussent la chansonnette – et qu’ils n’ont visiblement pas fait le conservatoire. Il faut bien admettre que certaines ziks peuvent être particulièrement irritantes si on n’a pas bu plusieurs litres de Sirup et de Rhum Négrita (oui, celui pour les bananes flambées) avant. Vous voilà prévenus.

« Laisse-moi te rider » permet d’entendre un peu le pauvre Cuizinier, l’ancien rappeur de TTC ayant disparu des radars. On l’imagine commis dans quelques restos vers la place d’Italie. Bon, ce n’est pas un morceau d’anthologie, il peut retourner couper des légumes en julienne. On trouve un peu de tout dans cette tape, souvent sous forme d’hommage à soi-même, hein. Il y a par exemple une ode au tatouage qui pourrait tourner en boucle chez Jean-Pierre Tattoo quand tu te feras ton prochain dragon à la con sur l’omoplate.

Le titre « Être et avoir » n’a rien à voir avec l’ouvrage de Gabriel Marcel ni avec le film documentaire de Nicolas Philibert sur la pédagogie ; encore que : il y est pas mal question d’introspection et d’usage massif de verbes à l’infinitif. Reste à savoir si ce qui est exprimé signifie, au final, quelque chose. Je vous laisse seul juge.

Qu’est-ce qu’on trouve au bout de la ride, alors ? Le dernier homme, nihiliste, qui geint d’amour pour son délabrement et sa déchéance (« car j’ai le sourire à chaque réveil », rassure Mitch dans le titre « Le soleil se lève »). Bon, c’est un peu glauque tout de même. À écouter à trois heures du mat’, un jour de pluie, du côté de l’avenue Foch, après avoir failli te fritter avec un videur de karaoké (le titre « Chambre 69 » est d’ailleurs à écouter à fond au Campanile le plus proche, pour réveiller tous les voisins de chambrée). Tu peux aussi mettre ça à fond à ton barbecue, en mangeant des carcasses de canard avec tes potes en roulotte. Ou bien, dans ta R19 cabriolet, en ridant du côté de l’avenue Roland Carraz, vers Chenôve. Mais à jeun, hein, craque pas trop. La ride ? Forcément, on en redemande.

– Tonton Stéph